Témoignage. 'Il a écouté un adulte qui a entraîné sa mort", la famille de Medhi Narjissi s'exprime sur la disparition du joueur

Publié le Mis à jour le Écrit par Julie Chapman
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Le 7 août, Mehdi Narjissi, 17 ans, disparaissait au large de Diaz Beach, une plage d’Afrique du Sud. Entendue ce mardi 27 août par la police du commissariat d’Agen, la famille du joueur s’est directement exprimée sur l’affaire, condamnant les encadrants de la Fédération française de rugby, présents sur les lieux.

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Jalil, Valérie et Inès Narjissi font face. Les traits tirés par des jours de deuil et les heures d’auditions qu’ils viennent de réaliser auprès des policiers du commissariat d’Agen, ils s’apprêtent à livrer leur témoignage, entre colère, douleur et soif de justice.

17 h 59, mercredi 7 août

Vingt jours après la disparition de Medhi Narjissi, le corps de l’espoir du rugby français, licencié au Stade Toulousain, n’a toujours pas été retrouvé. Le 7 août, lui et une partie de son équipe se trouvait à Diaz Beach, près du Cap de Bonne-Espérance en Afrique du Sud. À des milliers de kilomètres, ses parents sont en vacances quand ils reçoivent l’appel de Florian Grill, le président de la Fédération Française de Rugby. “Il était 17 h 59 quand il m’a dit qu’il s’était passé un accident et que Medhi avait été emporté par une vague. Et après tout s’arrête”, entame, le souffle court, Jalil Narjissi, le père de Medhi.

Enrouée de douleur, Valérie tente de raconter leur quotidien, depuis ce 7 août. “Tous les matins, on survit, tous les trois. C’est innommable la douleur qu’on peut avoir de perdre un enfant. Et ça n’aurait jamais dû arriver, surtout pas dans ces conditions.”

Ce jour-là, Medhi Narjissi participait à une journée découverte “habituelle”, au Cap de Bonne Espérance. “Dans notre enquête sur place, on a su qu’ils se rendaient régulièrement là-bas, mais ils n’avaient jamais fait cette baignade de récupération à cet endroit-là”, indique Jalil Narjissi.

Ce n'est pas un accident, ça a été provoqué.

Jalil Narjissi

Père de Medhi Narjissi

Dans la voix de ce père endeuillé, la colère fait trembler les mots. “C’est une des plages les plus dangereuses d’Afrique, avec des vagues énormes, des courants qui vous emportent et balayent le sable sous vos pieds. J’y suis allé dans l’eau, c’est inimaginable”, lâche-t-il, relatant leur séjour, sitôt après l’appel, sur les lieux du drame. “Il y a des vagues de 4 m toutes les cinq secondes, ce n'est pas possible d’y mettre des enfants”.

Plage dangereuse

Selon la famille, le préparateur physique, est le premier responsable du drame. “C'est lui qui prend la décision de mettre les enfants dans l’eau, de sa propre initiative, selon le rapport que j’ai eu avec les inspecteurs sud-africains. Il était le seul dans l’eau, en tenu de néoprène. Nos enfants étaient en slip”, souffle Jalil Narjissi. “Je n’arrive pas à comprendre ce qui lui est passé par la tête.” Selon le père de Medhi Narjissi, cette incursion dans l’eau était même préparée. “Le préparateur physique avait une bouée, sa tenue en néoprène, ce n'était pas pour rester sur le sable”, lance-t-il.

Il y a des panneaux partout qui alertent que la plage est dangereuse. Personne ne va s’y baigner. L’année dernière, le préparateur avait aussi voulu faire cette baignade, on lui avait refusé.

Jalil Narjissi

Père de Medhi Narjissi

Pour autant, elle condamne également “l’inaction” du reste de l’encadrement. “Ils étaient douze encadrants au total, dont huit sur la plage. Le manager quand il est arrivé, il aurait enlevé son t-shirt pour les rejoindre. Personne n’a dit stop pourquoi le manager, même s’il n’était pas au courant, en voyant les enfants dans l’eau, n’a pas ordonné qu’ils sortent de l’eau ? ”, fulmine Jalil Narjissi.

"On leur a fait confiance"

Pour cette famille, la suite du récit des derniers instants de Medhi devient encore plus déchirante. “Tous les enfants regardaient au loin deux silhouettes en train de se débattre. Il n’y a qu’Oscar, son coéquipier et meilleur ami qui a tenté de le sortir de l’eau. Il va mettre plus de 20 minutes”, s’étrangle, dans un sanglot, Jalil Narjissi.

C’est notre héros, même s’il n’a pas ramené Mehdi, c’est le seul qui a tenté de le sauver.

Valérie Narjissi

Mère de Mehdi Narjissi

Valérie, sa femme, tente de prendre le relai, face aux journalistes murés dans le silence convenu dans ces circonstances. “Nous avons confié notre enfant de 17 ans à une institution, l’élite. Son maillot, mon fils, il l’embrassait, tellement il en était fier. S’ils veulent faire quelques chose d’extraordinaire, qu’ils le fassent, mais pas avec nos enfants”, assène la mère de Medhi Narjissi.

Elle dénonce une forme de trahison du club. “On leur a fait confiance, mais j’ai l’impression que ce ne sont que des bras cassés, c’est improbable qu’on ne le me rende pas”, s’exclame Valérie Narjissi. “Aujourd’hui, mon fils fait la une des médias dans les faits divers, il aurait dû devenir joueur et être en Une pour ça. Je ne leur pardonnerai jamais.”

► Extrait de la conférence de presse

durée de la vidéo : 00h10mn55s
Le 7 août, Mehdi Narjissi, 17 ans, disparaissait au large de Diaz Beach, une plage d’Afrique du Sud. Entendu ce mardi 27 août par la police du commissariat d’Agen, la famille du joueur s’est directement exprimée sur l’affaire, condamnant les encadrants de la Fédération française de rugby, présents sur les lieux. ©France 3 Aquitaine

Pour la famille, le staff présent n’aurait pas pris conscience qu’ils encadraient des enfants. “Ce sont des joueurs qui vivent quelque chose de fou, dans l’élite. Qui va dire non pour aller dans l’eau si on le leur demande ? Pas notre fils. Lui, il voulait être le meilleur. Résultat, il a écouté un adulte qui a entrainé sa mort”, raisonne Valérie Narjissi, avant de laisser échapper un sanglot.

L’encadrement sur place remis en cause, mais aussi le soutien de la fédération. “Le président, on aurait bien aimé le voir à nos côtés. Ça n’aurait pas ramené Medhi, mais pour le respect de sa mémoire, il aurait pu se déplacer, même pour noter retour en France”, lance Jalil Narjissi, précisant qu’il s’entretient, “via WhatsApp” avec le président de la FFR.

"Des coupables et des réponses"

Aujourd’hui, la famille veut “des coupables et des réponses”, “qu’ils soient punis surtout”. “Ils sont tous responsables. Il faut qu’ils parlent, qu’ils expliquent pourquoi ils n'ont pas réagi. En cautionnant, ils sont coupables”, martèle Jalil Narjissi.

Une requête-plainte a donc été déposée, en début de semaine dernière, auprès du parquet d’Agen, lieu de résidence de Medhi Narjissi et de sa famille. “C’est la procédure en cas de disparition inquiétante lorsqu'on recherche les causes de la disparition”, indique Me Edouard Martial, l’avocat de la famille qui assure que le procureur d’Agen devrait rapidement se prononcer sur l’ouverture, attendue, d’une information judiciaire. “Il a immédiatement réagi, sans attente ni tergiversation”.

S’il espère une ouverture rapidement, il prévient que les délais, avant d’obtenir des réponses, sera long. “Il va y avoir l’audition de beaucoup de personnes sur tout le territoire français, des 28 joueurs ainsi que du staff qui formaient les U18, ceux qui se trouvaient sur la plage, ceux qui ont malheureusement aperçu la tête du capitaine emporté par les flots”, indique Me Edouard Martial.

Selon lui, si une information judiciaire est ouverte, aux côtés de ses parents, Inès Narjissi, la sœur aînée de Medhi se portera partie civile. Une démarche que devrait également entamer le Stade Toulousain.

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