Canicule et sécheresse : les jeunes en proie à l’éco-anxiété après un été de tous les excès climatiques

Face à l’intensité et à la récurrence des épisodes climatiques extrêmes, manifestations concrètes des dérèglements écologiques, l’éco-anxiété prend de l’ampleur chez les jeunes. Et se meut souvent en raison d’agir.

Entre méga incendies, orages de grêle dévastateurs, épisodes de canicule successifs et records absolus de températures, l'Aquitaine n’a pas été épargnée par ce qui se dessine déjà comme les conséquences directes du réchauffement climatique.
Cet été à nul autre pareil pourrait pourtant rester dans l’histoire comme le plus agréable des prochaines années.

L'éco-anxiété vis à vis d' "un avenir compromis et menacé"

De quoi nourrir, encore un peu plus , l’angoisse écologique, notamment chez les adolescents et les jeunes adultes. La notion même d’éco-anxiété a été inventée en 1997 par Véronique Lapaige, chercheuse en santé publique, qui l’a défini comme "une anxiété anticipatoire vis-à-vis de l’avenir, perçu comme compromis et menacé". Toutefois, la psychologue Mathilde Depaulis, spécialiste en gestion des émotions qui s’intéresse de près à l’éco-anxiété, note que celle-ci "n’est pas encore considérée comme un trouble, une pathologie, mais cela ne serait pas surprenant qu’elle le devienne dans les prochaines années ".

Anna Topenot, jeune militante écologiste, vit au quotidien avec cette inquiétude permanente :  "Forcément, on se sent mal et impuissant. C’est rageant de voir des écosystèmes aussi proches de nous disparaître, dans la région comme à l’autre bout de la planète, d’autant que tout ça nous plonge dans un futur incertain", estime-t-elle.

La lycéenne avait interpellé à ce propos Emmanuel Macron, à Pau, en mars dernier. "Je pense que l'anxiété ne permet pas d'avoir une action utile. Je suis plutôt pour l'éco lucidité", lui avait alors répondu le président, à l'époque candidat à sa réélection.

 

 

"On a peur, on est terrifiés"

Une interpellation révélatrice d'un véritable phénomène. De plus en plus de jeunes se disent éco-anxieux, et ce, de plus en plus tôt. Comme Anna, qui en a pris conscience dès qu’elle a entendu parler de la responsabilité de l’homme dans le dérèglement climatique. "On a peur, on est terrifiés quand on voit des documentaires sur le sujet, mais aussi indignés quand on voit par exemple que Bernard Arnault [ PDG du groupe de luxe LVMH et plus grosse fortune de France, ndlr] a émis à lui tout seul autant de CO2 en un mois qu’un Français moyen en 17 ans ", nous confie Anna. L’étudiante en première année de biologie, regrette que "les grandes entreprises, les grandes richesses et les gouvernements n’agissent pas ", les considérant ainsi comme "fautifs".

Un sentiment partagé : selon une enquête réalisée pour The Lancet en 2021 sur un panel de jeunes de 16-25 ans issus de dix pays européens, les trois quarts d’entre eux jugent le futur "effrayant ". 45% d’entre eux affirment même que l’éco-anxiété affecte directement leur vie quotidienne, ce qui incite désormais à la considérer comme problème de santé publique.

La question a même fait l'objet d'une vidéo "conseils" chez nos confrères de Brut.

Conflit générationnel

Pourtant, le sujet est souvent éludé, notamment dans les discussions en famille, entre des jeunes désemparés et des parents ou grands-parents rapidement agacés : " la difficulté, c’est qu’on a des générations qui sont, sans le vouloir, responsables de ces problèmes écologiques, ce qui peut générer des conflits ou des incompréhensions. Et pour ces générations-là, être dans le déni est un mécanisme de défense pour se protéger", analyse Mathilde Depaulis. Une nouvelle fracture générationnelle, comme une cassure, qui ne vient pas apaiser des liens sociaux déjà fragiles.

 Le sentiment d'impuissance, premier facteur d'éco-anxiété

Mais comment y faire face ? Anna le confie : "son sentiment dominant, c'est la rage". "Dans l’éco-anxiété, on retrouve des troubles anxieux comme une forte inquiétude, des crises d’angoisse, des troubles du sommeil, des perturbations alimentaires… ", explique de son côté la psychologue, qui conseille avant tout de l’accepter.
"Pour y faire face, il faut identifier ses émotions et se rassurer en écrivant ou en en parlant autour de soi", poursuit-elle, tout en insistant sur la nécessité d’exprimer ce mal-être.

 On peut faire quelque chose de cette anxiété, on n’est pas totalement impuissant.

Mathilde Depaulis, psychologue

France 3 Aquitaine

 D'éco anxieux à "éco furieux" 

Si les mots de la jeune suédoise Greta Thunberg, elle aussi éco-anxieuse, ont résonné partout autour du globe, mobilisant des centaines de milliers de jeunes à travers la planète, c’est parce que cette peur de l’effondrement des écosystèmes n’a pas fait se recroqueviller les nouvelles générations dans le coin de leur chambre, mais les a, loin de là, bien incités à se lever, pour faire bouger les choses. C’est en d’autres termes ce que nous explique Anna : "Quand on est militants, je pense qu’on passe d’éco-anxieux à éco-furieux ".

Plusieurs fois par an, les vendredis, de Berlin à San Francisco, en passant par Bordeaux ou Pau, des milliers de jeunes se réunissent pour manifester leur inquiétude face aux bouleversements écologiques. Une manière aussi de demander aux responsables politiques de faire avancer cette cause dans leur agenda. Pour Anna, qui fait face à son anxiété en militant, notamment au sein de l’antenne paloise de Young for Climate, c’est la preuve que la jeunesse est "loin d’être immobile".
En réponse à l'inaction des dirigeants, son éco-anxiété est devenue un moteur : "A partir du moment où l’on voit tout ce qui nous indigne, ce qui nous rend en colère, on se doit d’agir".

 L'étudiante ironise sur la réponse que le président lui a apporté au printemps :  "Je pense que la vraie lucidité c’est de voir l’inaction du gouvernement d'Emmanuel Macron qui a été condamné par les tribunaux de son propre pays ".

On ne peut être qu’anxieux en voyant un gouvernement qui ne prend que des petites mesurettes face à cet immense problème.

Anna Tapenot, militante écologiste

Source : France 3 Aquitaine

 

L’anxiété, transformée en colère, nous permettrait-elle donc d’agir ? Selon Mathilde Depaulis, " la colère nous met en action, elle est saine tant qu’on en fait quelque chose", avant de rappeler que le mot  "émotion", signifie en latin "se mettre en mouvement".
Souhaitant poursuivre son action, Anna ne demande plus qu’une chose : "Il faut prendre des mesures qui auront un effet, nos modes de fonctionnement doivent être repensés collectivement", espère-t-elle.

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