C’est une police qui fait parler d’elle depuis plusieurs jours. Créé en 2020, l’Office Français de la Biodiversité (OFB) a pour mission de contrôler, entre autres, les agriculteurs afin de s’assurer qu’ils respectent les normes environnementales. Mais depuis plusieurs jours, certains réclament sa suppression.
Mais qui veut la tête de l'OFB ? Peu connue du public, l’Office Français de la Biodiversité, appelée également police de l’environnement, a pour mission d'appliquer les lois pour préserver l’environnement. Des travailleurs de l’ombre mis une nouvelle fois sur le devant de la scène ces derniers jours, après qu’un éleveur d’Autun (Saône-et-Loire) a été convoqué devant la justice pour avoir détruit un barrage de castors. L'agriculteur a écopé d’un avertissement. Suffisant pour susciter la polémique jusqu’à l’Assemblée nationale.
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Certains vont même réclamer la tête de l’OFB. À l’image de Laurent Wauquier, chef des députés Les Républicains : "notre objectif, c’est de supprimer l’OFB qui est un organisme qui vient contrôler les agriculteurs avec un pistolet à la ceinture alors qu’ils nous nourrissent, que c’est grâce à eux qu’on a nos paysages."
"Il nous jette en pâture"
Eric Gourdin, inspecteur de l’environnement OFB et secrétaire général Unsa Ecologie, estime qu’il y a un harcèlement injuste vis-à-vis des agents de l’office depuis plus d’un an. "On croit qu’on passe notre temps à contrôler les agriculteurs, ce qui est faux. Une exploitation agricole est contrôlée en moyenne tous les 120 ans et moins de 5% des procédures judiciaires dressées par nos inspecteurs concernent les agriculteurs. Donc personne ne peut dire que l’OFB cible les agriculteurs."
Le reste du temps, cette police de l’environnement, composée de 1700 agents de terrain, contrôle aussi bien les chasseurs, les pêcheurs que les trafiquants d’animaux. "On travaille en bonne intelligence avec le monde agricole et non contre lui."
"Les politiciens tapent sur nous pour faire plaisir aux agriculteurs. On est une cible facile pour eux"
Éric Gourdinsecrétaire général de l'Unsa Écologie OFB
Le syndicaliste dénonce un acharnement politique. "Que les syndicats agricoles aient des revendications, c’est normal. Mais ce que l’on n'accepte pas, c’est que l’on soit le bouc émissaire du gouvernement et du Premier ministre qui n‘arrive pas à résoudre la crise agricole. Il nous jette en pâture et nous a mis une cible dans le dos."
En effet, dans son discours de politique générale prononcé le 14 janvier, François Bayrou a qualifié de "faute" les contrôles des agents de l’OFB. "Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation, donc une faute", avait déclaré le Premier ministre devant l’Assemblée nationale.
"On n'est pas des électrons libres"
Eric Gourdin assure que depuis un an, les agents sur le terrain courbent l’échine et se contiennent. Mais les propos du Premier ministre et d’une partie de la classe politique ont fait déborder le vase. L’ambiance n’est pas au beau fixe ces derniers temps. "On n'est pas des électrons libres, on ne fait qu’obéir aux lois votées par les parlementaires. Les politiciens savent que les Français soutiennent les agriculteurs. En tapant sur nous, ils auront un accueil favorable de la population. On est une cible facile."
Le reproche qui est souvent adressé à cet office, c’est que c’est un organisme militant. "On nous assimile aux associations et partis écologistes, c’est un raccourci. Oui, nous sommes des défenseurs de l’environnement mais par la force de notre fonction", se justifie le syndicaliste.
Jérémy Decerle, éleveur en Saône-et-Loire et ancien eurodéputé Renaissance, reconnaît que les agents ne font que leur travail." C'est un organisme qui n'a pas la cote chez les agriculteurs, c'est clair. Mais si un paysan récidive et ne respecte pas la loi, c'est normal qu'il soit contrôlé." L'éleveur reconnaît aussi que les rapports entre le monde agricole et l'office sont très tendus, notamment à cause de certains agents qui, selon lui, " sont des personne militantes et anti-agriculture."
Faut-il supprimer l'Office Français de la Biodiversité ?
Supprimer l’Office Français de la Biodiversité n’a aucun sens, selon Éric Gourdin. Car personne d’autre ne peut veiller au respect des lois concernant l’usage et la pollution de l’eau par exemple, la protection des animaux, la préservation des espaces protégés ou encore la lutte contre le braconnage. "C'est une proposition démagogique pour encore une fois plaire à un certains électorat."
Nous sommes obligés de nous armer car parfois nous faisons face à des situations compliquées
Éric GourdinSecrétaire général de l'Unsa-Écologie OFB
Un argument revient souvent chez les agriculteurs pour critiquer l’office : leur arme. Dans le cadre de leur mission, les agents de terrain, qui sont des policiers, portent un pistolet. "Partout où l’on va, on porte notre étui d’arme. Nous sommes obligés de nous armer car parfois, nous faisons face à des situations compliquées, même si dans 95% des cas tout se passe bien", explique Eric Gourdin.
L’homme raconte qu’au sein de leur centre de formation situé à Dry dans le Loiret, il existe un monument qui rend hommage à une quarantaine d’agents tués dans l’exercice de leur fonction.
Jérémy Decerle dénonce surtout les méthodes que certains fonctionnaires adoptent sur le terrain. "Quand vous avez des agents qui viennent arme à la ceinture pour un premier contrôle, est-ce que c'est nécessaire ? Ça n'appelle pas à l'apaisement." Il demande à l'Etat de "prendre le taureau par les cornes" pour réformer complétement l'organisme et apaiser les relations. " C'est normal qu'il y ait une agence pour protéger la biodiversité, mais il faut redéfinir son champ d'actions et les méthodes de contrôles."
Fin de l’année 2024, la ministre de l’Agriculture (sous le gouvernement Barnier) a signé une circulaire imposant aux agents de l’OFB le port d’armes discret. "Nous imposer un équipement qui sera sous nos vêtements n’a aucun sens, car on n’y aura pas accès directement en cas de danger", explique Eric Gourdin. "C’est une mesure prise pour faire plaisir aux agriculteurs, tout simplement."
Une décision contestée par les syndicats qui seront en grève ce vendredi 31 janvier. Ils déposeront leurs étuis d’armes devant les préfectures de chaque région.