La société Baillardran est dans la tourmente, une nouvelle fois. Ce jeudi 5 décembre, l’entreprise bordelaise, mondialement connue pour ses cannelés, était au tribunal correctionnel de Bordeaux pour pratiques commerciales frauduleuses. En ligne de mire : des ingrédients modifiés et des congélations régulières. En novembre 2023, une longue enquête de France 3 Aquitaine avait révélé les dessous de cette institution locale.
Les cannelés Baillardran ne seraient-ils pas à la hauteur de leur réputation ? C’est en tout cas ce que devait estimer, ce jeudi 5 décembre, le tribunal correctionnel de Bordeaux. L’entreprise bordelaise, qui a fait sa renommée avec les cannelés, une spécialité de la capitale girondine, est accusée de pratiques commerciales frauduleuses.
Fraîchement congelés
C'est la direction département de protection des populations (DDPP) qui a mené une enquête autour des pratiques commerciales de l’entreprise. Première tromperie constatée par les enquêteurs : la congélation régulière des invendus, pour les remettre à la vente le lendemain. Si la pratique ne présente pas de problème sanitaire pour l’homme lorsqu’elle est faite dans de bonnes conditions, elle n’est en revanche affichée nulle part dans les différentes boutiques de la marque.
Pire, chacune des enseignes de l'entreprise se targue de proposer des produits frais. Lors de leur audition, suivie par nos confrères de Sud-Ouest, Philippe Baillardran, à la tête de la société avec sa femme, Angèle, reconnaît la pratique, en particulier dans une boutique d’Arcachon, démunie de four. "C’est du surgelé", admet le fondateur de la société.
Une pratique qui avait été dénoncée dans une enquête réalisée par France 3 Aquitaine en novembre 2023. Dans notre long article, des cannelés en décongélation étaient photographiés et dénoncés par certains salariés et anciens salariés de l’entreprise.
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Produits d'exception
L’autre facette de ces pratiques frauduleuses se trouve cette fois, à l’intérieur même des fameux cannelés, vendus trois fois plus cher que ceux de la concurrence. Sur les emballages, la liste de produits, nobles et bio pour certains, fait saliver : œufs, lait, beurre, sucre, rhum et vanille. Des ingrédients certes retrouvés dans les cannelés, mais qui ont, entre temps, perdu de leur superbe.
La DDPP dévoile ainsi que le lait se transforme parfois en lait en poudre, les œufs sont à l'occasion enrichis en produits pasteurisés, le beurre, dans certains cas, a tout bonnement disparu. Quant à la vanille : sa version en arôme de synthèse aurait à plusieurs reprises été préférée à celle en bio.
Punition médiatique
Ces remplacements auraient ainsi permis, selon le procureur de la République, de faire des économies de 600 000 euros à l’entreprise.
Face à ces pratiques, et en dépit d’un premier contrôle, en 2008, qui soulignait déjà des affichages de produits erronés, le parquet de Bordeaux a requis une amende de 800 000 euros, "dont 400 000 euros ferme", précise-t-il.
Si le tribunal correctionnel suit ces réquisitions, le couperet ne sera pourtant pas cette amende. Dans son réquisitoire, le parquet a également demandé la diffusion et publication de la décision. "Cela signifie qu’ils vont devoir payer des encarts de presse dans des médias nationaux ou régionaux pour indiquer qu’ils ont été condamnés pour pratiques commerciales trompeuses, explique le vice-procureur de Bordeaux. C’est d’ailleurs souvent sur ce point que les sociétés font appel." La décision sera rendue le 16 janvier prochain.
► VIDÉO : le reportage de Maria Laforcade et Romain Bizeul sur les dérives de l'entreprise Baillardran
Mouches, rats et harcèlement
En novembre 2023, par le biais de France 3 Aquitaine, parmi les 150 salariés, nombre d’entre eux, en activité ou non, avaient dénoncé les pratiques frauduleuses de la société bordelaise, dont le chiffre d'affaires s'élève à plus de 12 millions d’euros en 2023.
Si la décongélation faisait partie des reproches formulés par ces employés, ils dénonçaient également une hygiène douteuse, avec notamment la présence de rats dans les laboratoires, voués à la fabrication de la pâte. Une employée avait aussi témoigné qu'un responsable lui avait enjoint d’enlever "des mouches à m*** et des larves" qui se trouvaient dans la pâte pour "l’utiliser quand même".
Dans cette enquête, les salariés avaient surtout dénoncé un management compliqué, aux frontières régulièrement franchies, du harcèlement. Espaces des salariés vétustes, obligations de rester debout toute la journée sous l’œil de caméras de surveillance détournées, deux tenues pour une saison, les exemples s’égrènent. Si l'entreprise se retrouvait condamnée sur le volet commercial, la décision pourrait bien entacher l’image dorée du fleuron bordelais.
