ENQUÊTE. Harcèlement, hygiène, racisme... : des salariés racontent les dessous des cannelés Baillardran

Au fil des années, Baillardran a su s'imposer comme une des incarnations du cannelé à Bordeaux. L'entreprise familiale fait le pari de se démarquer en vendant des pâtisseries haut de gamme. Mais derrière le comptoir et les cuisines, les salariés racontent une autre histoire. Ils témoignent auprès de France 3.

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À Bordeaux, impossible d'y échapper. Dès l'arrivée à la gare Saint-Jean ou à l'aéroport, sur la place des Quinconces comme dans la rue Sainte-Catherine ou la place des Grands Hommes… le rouge de la vingtaine de devantures Baillardran est partout où il faut être vu. Toujours détenue par la famille Baillardran, l'enseigne se veut l'incarnation cossue d'une spécialité culinaire bordelaise : le cannelé, qu'elle écrit canelé, dans le respect de l'appellation certifiée. Une image que l'entreprise, créée en 1988, s'efforce d'entretenir. Loin de l'unique pâtisserie familiale des débuts, Baillardran compte aujourd'hui 150 salariés et un chiffre d'affaires de 11,9 M d'euros en 2022, une vraie réussite. À tel point que le 22 septembre dernier, Baillardran faisait partie des entreprises triées sur le volet et présentées au roi d'Angleterre, Charles III, en visite à Bordeaux.

De l'autre côté de la vitrine, ils sont nombreux à dénoncer ce qu'il s'y passerait. Loin de cette image léchée, certains salariés décrivent des conditions de travail qu'ils jugent intolérables, une hygiène plus que douteuse et même, selon eux, un harcèlement moral qui serait récurrent de la part de la direction. Face à l'impossibilité d'un dialogue, plusieurs salariés se tournent vers la CGT commerce Gironde pour revendiquer leurs droits. Auprès de France 3, ils sont 14, vendeuses et pâtissiers, à témoigner de leur expérience - passée ou actuelle - et dénoncent les pratiques qu’ils auraient constatées au sein de l'enseigne historique de cannelés.

"Une procédure judiciaire en cours"

Au deuxième étage de la Bourse du Travail de Bordeaux, le siège de la CGT Gironde, plusieurs salariés retrouvent Brigitte Couderc, représentante de l'antenne commerce du syndicat. "La CGT a décidé d'assurer la défense des salariés et de faire en sorte que le code du travail soit respecté, que la question de l'hygiène et de la sécurité soit prise en compte. Mais nous voulons aussi dénoncer des faits qui s'apparentent à du harcèlement", résume Brigitte Couderc. 

Autour de la table, Lucien* raconte amèrement son quotidien de pâtissier chez Baillardran. Pour lui, pas de doute : le plus gros problème concernerait l'hygiène. Depuis les travaux entamés en avril dernier au siège de l'entreprise, rue Judaïque, il a été replacé dans un autre "laboratoire". Mais les soucis resteraient sensiblement les mêmes. "Une fois, un collègue m'a appelé pour me montrer quelque chose. Il y avait du caca de rat dans le chinois [passoire fine, ndlr]. Toute la pâte passe par là", raconte-t-il en guise d'exemple. Lui et ses collègues interrogés dénoncent, photos à l'appui, ces nombreux manquements d'hygiène qu’ils auraient constatés, dans les laboratoires comme dans les boutiques Baillardran.

La pâte à cannelé, d'abord. Selon ces salariés, elle serait acheminée vers les différents laboratoires dans des camions qui ne seraient pas frigorifiés. Plus encore, celle-ci serait même stockée en dehors des frigidaires, parfois même en temps de forte chaleur, par "manque de place". "On est mal à l'aise par rapport au client", avoue Alexia*, ancienne pâtissière devenue vendeuse. Les seaux de pâtes seraient plusieurs fois restés quelques jours à l'air libre. Elle se souvient d'une fois où ces derniers auraient été "remplis de mouches à m**** et de larves". "Mon responsable m'a dit : "Tu enlèves ce que tu vois en surface et tu utilises quand même la pâte", relate-t-elle. Je pense que c'est passé inaperçu, la pâte est compacte donc les gens n'ont pas remarqué qu'il devait y avoir des larves dedans.

En 2015, un passant avait filmé une souris grignotant un cannelé en pleine vitrine d'une boutique Baillardran. Depuis, les pâtisseries, livrées le soir pour le lendemain, seraient posées à même le sol, hors de la vue des passants. D'après les témoignages recueillis, il ne serait pas rare de voir des cannelés rongés ou encore en présence de nuisibles.

On nous demande de mentir. Quand les cannelés sont congelés et remis à la vente, on nous demande de ne pas changer le speech et donc de dire que ce sont des produits frais.

Kenza, ancienne vendeuse chez Baillardran

Au-delà de ces manquements qu’ils auraient constatés, les salariés interrogés estiment que Baillardran aurait une tendance à tromper les clients sur la marchandise. Les cannelés annoncés comme "frais", la fierté de l'entreprise, seraient en fait régulièrement congelés, décongelés, voire recongelés. "On nous demande de mentir. Quand les cannelés sont congelés et remis à la vente, on nous demande de ne pas changer le speech et donc de dire que ce sont des produits frais, témoigne Kenza, ancienne vendeuse à la Gare Saint-Jean. Donc pour les temps de conservation, on donne ceux des produits frais. Pour des gros cannelés on dit cinq jours alors que non ! Surtout que certains les recongèlent derrière !"

Depuis sa création, Baillardran est dans le giron familial. Le fils du créateur, Philippe Baillardran, possède l'entreprise, mais ne s'occupe que très peu des cannelés, préférant se concentrer sur les activités immobilières. Sa femme, Angèle Baillardran, dirige l'entreprise et ses 150 salariés. Si quelques boutiques sont bien gérées par les enfants, Cyril, William, Victoria et Barbara Baillardran, toutes les grandes décisions sont prises par Angèle Baillardran.

En mai 2023, selon nos informations, certains salariés ont procédé à des signalements via deux mails auprès de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP). Des éléments également mentionnés par Brigitte Couderc de la CGT commerce dans sa saisine auprès de l'inspection du travail, par mail le 9 juin et le 21 juillet 2023. La DDPP a procédé à un contrôle le 30 mai dernier, au site de la rue Judaïque, déjà en travaux. "Il n'y avait pas grand-chose à y trouver puisqu'il n'y avait plus de production. Donc, au titre de la sécurité sanitaire, il n'y avait pas d'anomalie", rapporte Thierry Touzet, directeur-adjoint de la DDPP de Gironde. Il précise tout de même que d'autres sites Baillardran ont été inspectés. Mais si l'inspection de sécurité sanitaire n'a rien donné, Thierry Touzet précise qu'"une procédure judiciaire est en cours concernant le code de la consommation", sans toutefois donner de précision. Une procédure dont le parquet de Bordeaux n'a toujours pas connaissance, à l'heure où nous écrivons ces lignes.

Des revendications sur les conditions de travail

Toutes les personnes interrogées relèvent également un droit du travail qui serait souvent mis à mal. "Tout est fait pour donner une bonne image aux clients, mais les salariés souffrent", confie Anne*, vendeuse dans une boutique. Elle et ses collègues sont en première ligne. Chez Baillardran, afin de coller à une image de luxe, elles sont toutes habillées en robe rouge. Maquillage et foulard sont de rigueur. Toutes les vendeuses interrogées font le parallèle : "On ressemble à des hôtesses de l'air". Ces robes cerise, elles n'en ont que deux, une pour l'hiver et l'autre pour l'été. "On n'a qu'une seule robe par saison donc elle doit nous faire minimum cinq jours. En été, on transpire beaucoup dans cette matière, explique Kenza. On pue !"

À entendre les pâtissiers, de leur côté, c'est encore pire. Chaque fin de service, ils laissent leur tenue dans un sac de linge sale à disposition. Problème : la plupart du temps, ils la récupéreraient le lendemain sans qu'elle ne soit nettoyée. "Quand ta tenue tu la mets dans le linge sale, que tu la récupères le lendemain, ou pire, tu récupères la tenue d'un autre, au bout de 12 ou 15 jours, j'avais envie de pleurer tellement j'étais mal dans ces conditions", déclare Lucien, visiblement marqué.

Parmi les salariés interrogés, certains décrivent des espaces de travail qui seraient non conformes : certains sites dont les bâtiments tombent en ruine, d'autres amiantés, l'absence de salle de pause ou encore de vestiaires. Ceux qui exercent encore chez Baillardran se disent à bout. "Au labo' rue Domercq, ils ont attendu qu'un pâtissier fasse un malaise, parce qu'il faisait trop chaud, pour faire des travaux d'aération", déplore Antoine*, préparateur de commande pour Baillardran.

Du côté de la vente de cannelés, le job est également physique. Pendant plus de six heures d'affilé, les vendeurs auraient interdiction de s'asseoir. Selon plusieurs vendeuses interrogées, l'inspection du travail aurait fait une visite surprise, il y a plus d'un an, aux boutiques Baillardran et aurait constaté l'absence de chaise pour le personnel de vente. "Je ne savais pas que j'avais le droit de m'asseoir, s'exclame Ophélie*. Quelques semaines après on avait des belles chaises rouges. Et on m'a appelé par la suite : "Tu as vu la chaise reçue ce matin ? Évidemment, vous ne vous asseyez pas dessus pendant vos heures de travail, c'est pour les présenter en cas de contrôle de l'inspection du travail." Des consignes qui n'auraient laissé aucune trace écrite.

Caméras de sécurité

Une règle qui serait encore en application selon toutes les vendeuses interrogées par France 3. Bien qu'illégale, tout le monde s'y plie. Car la direction de Baillardran serait à l'affût. Toutes le confirment : les vendeuses seraient surveillées par les caméras de sécurité. "Madame Baillardran n'hésite pas à montrer les images sur sa tablette : "Regardez je vois très bien ce qu'il se passe, la qualité d'image est très bonne". Elle réagit souvent à ce qu'elle observe, donc ça arrivait qu'elle appelle en boutique pour dire qu'un foulard n'était pas mis, par exemple. Elle s'en sert pour appuyer les ordres qu'elle va donner", assure Wendy, qui a passé un an, entre mai 2021 et mai 2022, à la boutique de la Porte Dijeaux, dans le centre de Bordeaux.

Tenue ou coiffure mal ajustée, utilisation du téléphone portable ou surveillance pour vérifier qu'elles ne s'asseyent pas, les vendeuses de Baillardran abondent d'anecdotes pour démontrer la surveillance aux caméras de sécurité dont elles seraient victimes. "L'autre jour, elle a appelé sept fois dans la même journée pour des remarques vues sur caméras, j'ai l'impression qu'elle passe sa journée à nous épier", ajoute Lise*, vendeuse passée responsable d'une boutique.

On vit une époque où les salariés viennent au travail, estiment qu'ils ont le droit à un salaire, mais ne veulent pas faire grand-chose.

Angèle Baillardran, directrice des cannelés Baillardran

à rédaction web France 3 Aquitaine

Des conditions de travail qui amènent de nombreux arrêts maladies. Des arrêts irritants la direction, qui le ferait bien comprendre. En témoignent Alexia et Wendy, même sur ces jours de repos forcé, les appels de la direction seraient récurrents. "Ils détestent qu'on soit malade, qu'on soit absent trop souvent, même si c'est justifié, insiste Wendy. Au bout d'un moment, ils poussent même à la démission, parce qu'ils ne veulent rien débourser en licenciement. Une collègue avait trop de rendez-vous médicaux pour eux. Elle arrivait au travail, ils lui faisaient parvenir un nouvel emploi du temps en l'envoyant dans une boutique à l'autre bout de Bordeaux. Elle n'était pas véhiculée." Des "sanctions déguisées", d'après les salariées,qui seraient permises par une clause de mobilité présente dans le contrat de chaque vendeuse, autorisant Baillardran à les envoyer travailler n'importe où, au dernier moment.

Afin de combler ces nombreux arrêts, les heures supplémentaires sont monnaie courante. "La direction impose des heures supplémentaires. Mais ils le font à des gens qui sont manipulables ou trop gentils", ajoute Eva, vendeuse chez Baillardran jusqu'au mois d'août dernier. Ophélie avoue y avoir succombé, alors que le choix lui était laissé. Chez Baillardran, la moyenne d'âge est très basse chez les vendeuses, souvent entre 20 et 25 ans. Pour nombre d'entre elles, c'est le premier job de leur vie.

Mais, selon les salariés interrogés, Baillardran ne rémunérerait pas ces heures supplémentaires à leur juste valeur. Celles-ci n'étaient pas majorées jusqu'en juin 2023. Il aura fallu la première grève de l'histoire de chez Baillardran pour que les choses bougent. Le 17 juin, ils étaient une vingtaine à se mobiliser, demandant la fin des "sanctions déguisées", de la surveillance par caméras de sécurité dont ils seraient victimes, du paiement en bonne et due forme des heures supplémentaires ainsi que l'arrêt du "harcèlement moral" qu’ils reprochent à la direction.

Après la mobilisation du 17 juin dernier, deux représentantes ont rencontré la direction. Si elles ont obtenu que les heures supplémentaires soient majorées, concernant les autres revendications, cela semble plus compliqué d'obtenir gain de cause. Il a tout de même été rapporté que les employés ne devraient "plus être inquiétés" par la surveillances aux caméras et qu'Angèle Baillardran "allait y travailler". Pour le reste, rien au programme.

Jointe par téléphone, Angèle Baillardran minimise le mouvement social. "Ce n'était même pas une grève parce qu'en fait, tout a été ouvert, ça s'est arrêté dans l'heure, ça n'a pas été suivi. Il n'y a aucun problème chez Baillardran actuellement. Les salariés pour lesquels le travail ne leur plaît pas s'en vont car il y a du travail partout. On vit une époque où les salariés viennent au travail, estiment qu'ils ont le droit à un salaire, mais ne veulent pas faire grand-chose. Parfois, il y a de quoi perdre patience, mais la plupart des salariés que j'ai sont formidables et il n'y a aucun souci", promet-elle. Avant de refuser de répondre à toute autre question, malgré l'insistance de France 3. Une décision confirmée par un mail de son avocat.

Depuis le début de l'année 2023, des salariés ont commencé à relever les manquements qu’ils reprochent à la société. Selon elle, Kenza en aurait fait les frais et a été licenciée officiellement pour de trop nombreux avertissements. "Je pense que j'ai surtout pointé un petit peu trop de dysfonctionnements", estime-t-elle. Un licenciement que cette dernière juge abusif et pour lequel elle a porté plainte aux Prud'hommes. À cette occasion, en avril 2023, la CGT Commerces avait distribué - devant la gare Saint-Jean et ses boutiques Baillardran - des tracts dénonçant les pratiques de l'entreprise. Une première chez les employés de Baillardran, jusque-là murés dans le silence. Par crainte de représailles, disent-ils.

Un management qui interroge

"Quand tu arrives chez Baillardran, on te dit qu'il faut avoir peur d'Angèle Baillardran", assure Eva. Un climat qui serait alimenté par Angèle Baillardran elle-même qui, selon plusieurs témoignages, se targuerait d'avoir "énormément de contacts" et de "gagner tous ses procès". Au moment de la grève des salariés en juin dernier, c'est également ce comportement de la direction qui était pointé du doigt par les tracts de la CGT.

Tous les salariés et ex-salariés de Baillardran interrogés décrivent sa directrice comme imprévisible, en proie à des accès de colère pouvant aller jusqu'à l'insulte. Chacun témoigne de scènes de remontrances très violentes parfois au sujet de détails, dont les premiers témoins peuvent être les clients venus déguster leurs cannelés en boutique. Jeanne*, une ancienne vendeuse, en a fait l'expérience : "Un jour, j'ai fermé la porte de la boutique sans lui demander. Il y avait des travaux juste devant, ça dérangeait les clients. Elle est passée devant la boutique, est rentrée et m'a hurlé dessus devant tout le monde en me disant : "C'est inacceptable de faire ça, vous ne comprenez pas, vous me faites perdre du chiffre d'affaires !" Chez Baillardran, la porte d'entrée doit rester constamment ouverte, peu importe la température extérieure. Au grand dam des vendeuses, obligées de porter des petites robes, y compris en hiver. Elles ne cachent pas avoir le sentiment d'être un simple appât à client.

[Angèle Baillardran] demande, dès l'entretien, notre origine. C'est clairement pour remplir ses quotas de diversité aux boutiques de la gare ou de l'aéroport, elle l'a dit devant moi.

Élodie*, ancienne vendeuse chez Baillardran

à rédaction web France 3 Aquitaine

Dans les boutiques, tout doit être standardisé. Jusqu'au physique, le point le plus important des entretiens d'embauche, selon les vendeuses interrogées. Elles témoignent des remarques qu’aurait tenu Angèle Baillardran sur leur physique. Les tatouages, les ongles, les formes sont scrutées de près. "Je ne sais pas si on va trouver une robe à votre taille", aurait coutume de dire la directrice en regardant les candidates avec un physique rond, selon des vendeuses témoins d'entretiens passés en boutique.

Plus encore, au sein de l'entreprise bordelaise, très peu de diversité s'observe. Le personnel de vente est en large majorité féminin et blanc, même si "des efforts ont été faits ces derniers temps", notent certains employés. Malgré tout, chacun des salariés interrogés estime qu'il y aurait des problèmes de racisme qui se traduiraient par des remarques déplacées. Après avoir embauché une salariée noire, la directrice se serait étonnée auprès de ses autres employés : "Vous vous rendez compte, elle est noire comme ça", en désignant un cannelé cramé. "Mais c'est choquant, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi noir que ça !"", relate Alexia. Un pâtissier à qui l'on aurait francisé le prénom car la consonance maghrébine ne plaisait pas, un candidat d'origine asiatique recalé aurait été surnommé "Jackie Chan" après l'entretien, de nombreuses remarques clichés à propos du pays d'origine… Au cours des entretiens réalisés par France 3, de nombreuses scènes comme celle-ci viennent confirmer cette tendance chez la directrice de Baillardran.

France 3 a par ailleurs eu accès à des photos du registre du personnel des années 2017 et 2018. Sur celui-ci, les noms, dates de naissances, numéros de sécurité sociale, adresses et jours de début dans l'entreprise sont mentionnés. Une colonne "nationalité" y figure également. Au sein de celle-ci, beaucoup de "F" pour "Française" mais également "Côte d'Ivoire", "Ghana" ou encore "Mexique". Plus surprenant, il est parfois mentionné des origines qui n'ont rien à voir avec une nationalité comme "Guadeloupe" ou "Moscou". "Elle demande, dès l'entretien, notre origine. C'est clairement pour remplir ses quotas de diversité aux boutiques de la gare ou de l'aéroport, elle l'a dit devant moi", assure Élodie*, une des personnes discriminée par ce registre qui est "pleinement française", bien qu'originaire d'un pays noté sur le registre dont elle n'a "jamais eu la nationalité".

Contacté, Erwan Nzimenya, le président de SOS Racisme Gironde - qui a eu accès aux images - réagit : "Si ces personnes sont françaises et que ce sont leurs origines qui sont notées, c'est purement du fichage ethno-racial." Il rappelle que le fichage ethnique est interdit par la loi et condamnable. "Le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, sans le consentement exprès de l'intéressé, des données à caractère personnel qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou ethniques (...) est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende", indique l'article 226-19 du code pénal.

Malgré nos sollicitations, hormis son commentaire au sujet de la grève, Angèle Baillardran indique "n'avoir rien de spécial à dire", refusant d'entendre les questions de France 3. De son côté, la CGT Commerces Gironde, souhaite entamer de véritables négociations. Le syndicat indique qu'il "ne s'interdit rien". "Il y a des choses qui relèvent des prud'hommes, d'autres du pénal", glisse sa représentante, Brigitte Couderc. Ses demandes sont, pour l'heure, restées lettre morte.

 

* Afin de préserver l'anonymat des salariés et ex-salariés craignant des représailles, les prénoms ont été changés.

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