"Ce n'est pas une obsession. " Malgré les amendes salées, ces communes refusent les logements sociaux

En Gironde, le logement social peine encore à se faire une place dans les 50 communes soumises à la loi SRU. Cette dernière leur impose un taux minimal de 25 %. Dans les villes du département où les carences sont flagrantes, les amendes sont aussi salées.

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 “On vit un peu ça comme une injustice. Ce n'est pas parce que les Bouliacais ont des revenus élevés que la mairie est riche”, soupire Dominique Alcala, le maire de Bouliac. Sa commune vient de voir son amende pour non respect de la loi SRU augmenter de 86 %.  

La somme, 165 000 euros, sera reversée à Bordeaux Métropole qui l’utilisera pour financer la construction de nouveaux logements sociaux. "Ce n'est pas forcément gagnant comme stratégie. Parce que ces pénalités vont nous freiner dans les investissements communaux. On fait ce qu’on peut”, regrette le maire de Bouliac qui rappelle que les bailleurs de logement social “ne paient pas de taxe foncière”.

Seules dix communes répondent aux objectifs

Depuis 2000, la loi SRU imposait un taux de logements sociaux de 20 à 25 % selon les communes d’ici à 2025. En 2022, une nouvelle loi, dite 3DS, propose d’échelonner le rattrapage des communes toujours en carence. En Gironde, 50 communes, de plus de 3 500 habitants, sont concernées par ces lois, en particulier celles de Bordeaux Métropole et des agglomérations girondines. Seules dix répondent aux objectifs. Pour les 40 restantes, la moitié propose moins de 15 % de logements locatifs sociaux”, indique la préfecture de Gironde. 

Ce 6 février, la préfecture a identifié huit communes en carence dans le département. Il s’agit d’Arcachon, Coutras, Saint-Loubès, Bouliac, Le Teich, Saint-Aubin-de-Médoc, La Teste-de-Buch et Gujan-Mestras. Face à ces carences, ces communes ont écopé d’une amende, allant de 89 559€ pour Saint-Loubès, à 165 000€ pour Bouliac.

On n'a pas forcément les moyens en termes d’espace de créer ces logements sociaux. On n'arrivera jamais à être au niveau de ce que l’état demande.

Dominique Alcala

Maire de Bouliac

Manque de volonté

Pour la mairie de Bouliac, ce déficit vient d’une image ancrée de ville qui attire des personnes aisées. “On a une typologie avec de grands terrains, de grandes maisons. Les gens qui viennent ici ont des moyens et cherchent souvent à quitter Bordeaux", explique Dominique Alcala, le maire.

Le manque de logements sociaux viendrait aussi d’une réticence de la part des habitants. “Les Bouliacais manifestent clairement une orientation urbanistique ou ils n’ont pas particulièrement envie de voir des logements sociaux”, précise le maire."Et nous, nous n’avons pas particulièrement démontré une forte volonté en ce sens”, reconnait-il. 

225 logements manquants

Pourtant, deux projets ont vu le jour depuis dix ans. “On a inauguré deux lotissements, mais depuis il n’y a eu aucune nouvelle construction de ce genre”, précise Dominique Alcala. "Il y a un lotissement qui devrait voir le jour d’ici à l’année prochaine”. Ce dernier, retardé par des fouilles archéologiques, sera géré par Aquitanis. 

Le logement social n'est pas “une obsession” reconnaît la municipalité qui dit refuser de “créer des ghettos”, “sans mixité”. “Il nous manque  225 logements sociaux. C’est certes une barre d’immeuble, mais ce n’est pas notre conception du logement social”, confie le maire de Bouliac.

Outre cette lourde amende, Bouliac se voit également privé de son droit de préemption urbain, confié à Bordeaux Métropole, qui peut désormais se saisir de certaines parcelles à la vente pour y construire des logements sociaux.

Fausse image

Barres d’immeubles, population problématiques, les clichés sur les logements sociaux persistent encore. “Il y a une image erronée du logement social. On est plus sur ce qu’on faisait il y a 30 ans. Aujourd’hui, on propose des projets qui architecturalement sont impossibles à distinguer des logements classiques”, indique Sylvian Brillet, directeur de l’Établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine (EPFNA). 

Il y a un sujet d’image. Il faut accueillir les personnes du territoire qui travaillent. Ces logements peuvent être à destination d’infirmiers, d’instituteurs.

Sylvain Brillet

Directeur général de l'EPFNA

L’établissement accompagne depuis 2017 les communes du département pour installer des logements sociaux, entre autres, et créer un schéma territorial cohérent. “On va notamment faire beaucoup de pédagogie auprès des communes qui ne sont pas dans l’obligation de respecter la loi”, indique Sylvain Brillet.

Changer l’image du logement social, pour l’EPFNA passe aussi par promouvoir une démarche de “sobriété foncière”. “Au lieu d’artificialiser des sols, on va regarder du côté des friches ou des bâtiments vacants. Dans les zones où le foncier est cher, on se rend compte que l’optimisation de l'existant permet de faire gagner quelques logements”, indique le directeur de l'établissement. 

Contrats de mixité

Ce 6 février, pour accompagner les communes carencées, la préfecture a signé des contrats de mixité sociale avec 12 communes du département de la Gironde. “La production de logements sociaux est un enjeu crucial en Gironde qui est le 3ᵉ département métropolitain en termes de croissance de population, avec 18 000 nouveaux arrivants par an”, indique Etienne Guyot, le préfet de la Gironde.

Il s’agit de cadres d’engagement qui permettent aux communes, qui se savent incapables de produire les 25 % de logements sociaux attendus, d’atteindre progressivement les objectifs. Elles ont trois ans pour remplir leurs missions. “Ces contrats permettent un ajustement jusqu’à 29 % de leur déficit, contre 33 % sans accord”, précise la préfecture.

Sur le bassin d’Arcachon, comme à Bouliac, le retard s’explique par l’attraction historique des catégories aisées pour ces villes. Mais dans le secteur, le changement semble être déjà enclenché. “On a des projets au cœur de Gujan-Mestras qui vont représenter environ 15 logements à chaque fois”, explique Sylvain Brillet.

Le département compte 74 000 logements sociaux dont 57 000 sur la métropole. Il manque ainsi 24 000 logements sociaux en Gironde, alors que 69 % des Girondins sont éligibles au logement social. 

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