" On a le sentiment de devenir un dispensaire " : pas assez de matériel ni de personnel dans leur service, les soignants se mettent en grève

Depuis le 23 septembre, les soignants du service d’hématologie clinique et de thérapie cellulaire du CHU de Bordeaux sont en grève. Ce mouvement, soutenu par le syndicat CGT, met en lumière les conditions de travail difficiles des infirmiers, qui réclament effectifs et matériels adéquats.

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Dans les couloirs de l'hôpital, les soignants restent à l'œuvre malgré une mobilisation qui dure depuis des semaines déjà. "On ne veut pas lâcher", souffle Sonia Da Costa, infirmière diplômée en 2008. Le 23 septembre, les soignants du secteur protégé du service d'hématologie et de thérapie cellulaire du CHU de Bordeaux ont entamé une grève à durée indéterminée, lassés de réclamer des moyens pour assurer la sûreté des soins. "On n'a pas le matériel ni le nombre de personnes adéquat pour une prise en charge sécuritaire et plus les cas des patients sont lourds, plus cela crée des situations compliquées."

On est en sous-effectif, donc même en grève, on vient. On est assignés, on vient bosser et on assure la continuité des soins.

Sonia Da Costa

infirmière en grève

Deux soignants pour six patients

Le secteur protégé, aussi appelé G6, permet aux patients, dans un état de fragilité extrême après des chimiothérapies ou des greffes de moelles osseuses, de bénéficier d'un environnement protégé avant leur sortie de l'hôpital. "On a des gens qui restent enfermés pendant trois à quatre semaines sans sortir. Psychologiquement, ils ont besoin de nous expliquer leurs états d'âme, leurs remises en questions. Mais nous, aujourd'hui, on presse le pas, on fait comme on peut. C'est ça le sens de notre travail ?", s'interroge Sonia Da Costa, agacée.

Pour le personnel, les effectifs ne permettent pas le suivi complet des personnes accueillies dans leur service. Un décret publié en 2022 prévoit un quota d'une infirmière et d'une aide soignante pour quatre patients. "Aujourd'hui, on est plutôt à six patients le jour, onze la nuit", tance Sonia Da Costa. Ces sous-effectifs contraignent le personnel à opérer des choix lors des consultations. "Typiquement, il y a quinze jours, on avait quatre patients qui n'allaient pas bien pour des raisons différentes mais avec une gravité similaire, se souvient l'infirmière. On a dû prioriser qui on allait voir d'abord."

Ça nous force à nous poser des questions sur qui aller voir en premier, comment accorder le même temps aux patients qui en ont besoin.

Sonia Da Costa

infirmière en grève

Se mettre en règle avec le décret

"On se demande toujours comment s'organiser, on ne peut pas se diviser", abonde Gaëlle Jamin, infirmière depuis quatre ans dans l'unité de jour. Ces conditions dégradées affectent le travail des soignants mais aussi le suivi et la santé du patient. "Ils sentent qu'on court partout et voient bien quand on coupe court une conversation, ajoute la soignante. Certains n'osent pas nous demander de l'eau, ou un changement de drap car ils pensent que ce n'est pas notre travail et ne veulent pas déranger."

Les revendications des grévistes, portées par le syndicat CGT hôpital Sud, portent principalement sur la demande d'application du décret de 2022 et la fin de la "mutualisation du matériel"."Aujourd'hui on a deux tensiomètres pour onze patients, on doit désinfecter constamment, et cela augmente le risque d’infections", pointe Sonia Da Costa. Si des améliorations ont pu être obtenues concernant la mise à disposition du matériel, à la suite de trois réunions de négociations, le recrutement reste néanmoins le talon d'Achille du service.

Du renfort pour la fin de l'année

Du côté de CHU de Bordeaux, la direction fait valoir le délai de cinq ans à sa disposition pour "définir les organisations correspondantes et réaliser les recrutements et formations nécessaires", à l'application du décret. D'ici là, trois infirmiers et un aide-soignant "sont ou seront très rapidement affectés en renfort dans le service".

"Le syndicat CGT et les personnels concernés ont été précisément informés de ces mesures de renforcement immédiates ainsi que d’un calendrier prévisionnel et réaliste de recrutements de personnels supplémentaires dans le cadre d’une montée en charge progressive de 2025 à 2027, affirme le CHU de Bordeaux. Ce schéma devra permettre une mise en application pleine et entière du décret à fin 2027."  
De son côté, l'Agence régionale de santé affirme suivre "avec attention la tenue d’échanges réguliers et constructifs entre les représentants du personnel et la gouvernance du CHU" et salue des "engagements concrets" de la direction du CHU. 

Pour les soignants, le recrutement ne va pas assez vite. "On doit augmenter les effectifs de façon assez réfléchie pour que le résultat soit effectif sur les deux unités, on aimerait deux infirmières par semestre", insiste Sonia Da Costa. Les grévistes demandent l'ouverture de dix postes d'infirmières et autant d'aides soignantes.

Pétition en ligne

Dans un communiqué, la CGT dénonce l'état de prise en charge des patients qui "décline d'année en année". "Nous ne sommes plus la référence des hôpitaux aquitains mais avons le sentiment de devenir un dispensaire à mutualiser le moindre matériel aux détriments de la sécurité des patients."

Le 4 octobre, une pétition a été diffusée en ligne pour visibiliser la grève des soignants, soutenue massivement par les médecins et l'ensemble du personnel hospitalier. Plus de 750 signatures ont déjà été recueillies. "On ne peut pas continuer comme ça, on est épuisés", lâche Sonia Da Costa. Pour l'heure, la grève est reconduite. "La Direction générale maintient dans ce cadre le dialogue social avec le syndicat CGT et les personnels concernés", indique de son côté le CHU de Bordeaux.

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