Les collecteurs ne sont pas les trafiquants. Ce sont ceux qui viennent récupérer l'argent de la drogue pour ensuite l'exfiltrer à l'étranger et le blanchir. Une enquête durant deux ans a conduit au procès de 14 prévenus.
L'enquête a démarré voilà deux ans, en 2018. Les enquêteurs spécialisés de Bordeaux ont progressivement identifié un réseau national de collecte d'argent provenant du trafic de stupéfiants. Collecter, c'est-à-dire récupérer l'argent provenant du trafic de stupéfiants.
Cet argent est ensuite exfiltré à destination de pays étrangers, "dans l'objectif de blanchir ces fonds et de les réinjecter dans un circuit légal de manière intraçable." précise le parquet de Bordeaux qui communique ce mardi 1er décembre sur cette affaire.
Le réseau en question est alors composé de plusieurs collecteurs d'origine marocaine établis en Espagne. Le parquet précise "qu'ils effectuaient de véritables tournées sur le territoire national au contact de trafiquants de toutes les grandes métropoles, y compris bordelaise."
Ces hommes dénommés "les collecteurs" au vu de leur mission sont envoyés en France pour récupérer les fonds, ce ne sont donc pas des trafiquants.
Ils sont le plus souvent inconnus des forces de l'ordre et de la Justice et sont recrutés par les organisations essentiellement sur un principe de confiance, ce qui justifie qu'on leur laisse la responsabilité du transport de millions d'euros.
Une collecte très organisée
Téléphones dédiés parfois cryptés, voitures équipées de caches aménagées, échanges codés, rendez-vous entourés de précautions, tout y est. Les méthodes mises au jour ont révélé une organisation minutieuse et très efficace, recourant à tous les outils du crime organisé. Au fil de l'enquête, plusieurs centaines de kilogrammes de cannabis et près d'un million d'euros ont été saisis. Les interpellations ont eu lieu en plusieurs vagues avec deux interpellations le 29 octobre 2018 à Pessac et la découverte notamment de plus de 210 kg de cannabis. Viennent ensuite trois interpellations le 17 janvier 2019 à Artigues près Bordeaux et la saisie d'environ 700 000 € dans une cache aménagée de voiture. Quelques jours plus tard, deux interpellations le 24 janvier 2019 à Gradignan et là aussi la saisie de 105 000 € et plusieurs dizaines de kg de cannabis au domicile du trafiquant venu au contact du collecteur ce jour-là.Suivront deux interpellations hors de la région, le 16 avril 2019 à Rueil Malmaison chez un collecteur parisien et son épouse. Enfin, la dernière en septembre 2019 et la remise sur mandat d'arrêt européen d'un collecteur de haut rang par Gibraltar.
Au final, quatorze prévenus ont comparu devant le tribunal correctionnel, qu'ils soient collecteurs ou trafiquants de stupéfiants.
La justice a condamné treize d'entre eux. Le lien entre la collecte d'argent et le trafic de stupéfiants a pour la jsutice été démontré et le blanchiment de trafic de stupéfiants et l'association de malfaiteurs qui leur étaient reprochés étaient donc constitués. Les collecteurs d'argent provenant du trafic de stupéfiants ont pour leur part été condamnés à des peines comprises entre deux et six ans d'emprisonnement. Des trafiquants interpellés lors de la remise de fortes sommes d'argent aux collecteurs ont également été condamnés.
Manquait à la barre le chef de l'organisation de blanchiment, en fuite et faisant l'objet d'un mandat d'arrêt. Il a été condamné à 10 ans d'emprisonnement.
Une première judiciaire pour mettre en lumière le phénomène des "collecteurs"
Une première pour le parquet de Bordeaux qui entend envoyer un signal fort.L'audience s'est tenue du 23 au 27 novembre 2020.Cette réponse pénale inédite au plan régional, apportée dans des délais rapides grâce aux efforts conjoints de l'OFAST et de la JIRS de Bordeaux, constitue un signe fort de la détermination de la Justice à combattre dorénavant le crime organisé et plus particulièrement le trafic international de stupéfiants sur le terrain des forts enjeux financiers qu'il implique.