VIDÉO. Bègue, il remporte un concours d'éloquence : "j'ai attendu d'avoir 64 ans pour surmonter ma peur"

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Un concours d’éloquence est organisé pour ceux qui souffrent de bégaiement à Bordeaux. ©France 3 Aquitaine

Lycéens, cadres, étudiants de grandes écoles ou avocats, les concours d’éloquence sont à la mode et séduisent de nombreux publics. Mais il en est un qui se distingue : celui qui est réservé aux personnes qui bégaient. À Bordeaux, Patrick a attendu d’être à la retraite pour combattre sa peur et monter sur scène

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Il a toujours rêvé de faire du théâtre, mais son handicap l’a incité à y renoncer. Patrick Lepvraud a patienté jusqu’à la retraite pour enfin oser monter sur les planches. Il est l’un des sept finalistes du concours organisé à Bordeaux par "Éloquence dans la différence" et l’association des futurs orthophonistes.

"Un grand coup de pied dans ma vie"

Pour lui, prendre la parole en public a souvent été un combat. Sentir monter le stress et la transpiration. La peur d’être moqué aussi. C’était son quotidien comme celui de 700 000 bègues aujourd’hui en France. Ce trouble moteur de la parole est fréquemment à l’origine d’une grande souffrance. Dans la majorité des cas, il apparaît entre 3 et 7 ans suite à un choc émotionnel. "J’ai attendu 64 ans d’avoir le courage de mettre un grand coup de pied dans ma vie et de surmonter ma peur" confie Patrick. 

Dans quelques heures, lui, le doyen du concours, devra convaincre la salle de l'Athénée municipale à Bordeaux. Durant huit minutes, il va tenter de séduire son auditoire en répondant à l’une de ces questions existentielles. "La peur nous fait-elle avancer ?", "Peut-on tout pardonner ?", "Nos différences nous rendent-elles uniques ?"

Un exercice qu’il répète chez lui dans son salon sous le regard de son plus fidèle soutien, son épouse. "Je suis très fière qu’il le fasse, ça a été difficile pour lui. Il a attendu des années et des années avec de fortes blessures intérieures. C’est plus que des émotions !. Le travail, la vie de famille ont fait que les années sont passées et à l'approche de la retraite, il ne se sentait pas très bien. Il avait des états émotionnels de plus en plus fort, des crises, parfois des angoisses... Puis le premier contact avec la sophrologue s’est très bien passé et tout s’est enchaîné jusqu’au concours", souligne-t-elle. 

Des semaines durant, Patrick, comme les autres candidats, est coaché par son orthophoniste. Amy Jouberton, travaille à St-Médard-en-Jalles en Gironde. La professionnelle souligne le courage incroyable de ses élèves.

L’idée, c'est d’être éloquent avec le bégaiement et non pas être éloquent malgré le bégaiement ou en cachant son bégaiement.

Amy Jouberton, orthophoniste

à France 3 Aquitaine

Et puis arrive l’heure du grand oral

Dans la salle, il découvre la scène. Celle qui lui donnait des sueurs froides dans le passé ne lui semble plus si inamicale. Sur le pupitre, son discours, qu’il reprend d’une voix claire pour s'exercer.

Vous avez bien entendu, je n’ai pas peur de vous dire que je suis bègue.

Patrick Lepvraud, finaliste du concours d'éloquence de bégaiement

France3 Aquitaine

Les candidats se retrouvent alors pour relâcher la pression. Dernier exercice de respiration. Les mains se relâchent. Chacun s’apprête à prendre son envol. La salle est comble. Les familles sont là. Le coup d’envoi est donné. Le ton de la soirée aussi : "les candidats sont là pour vous montrer ce soir que l’éloquence rime aussi avec la différence".

C’est au tour de Patrick de déclamer son texte qu’il connait par cœur. Sûr de lui, ses yeux dans celui du public, le candidat affirme haut et fort :" aujourd’hui devant vous, je suis fier de vous clamer : je n’ai pas peur de vous dire que je suis bègue".  

S'exprimer devant un public

L'auditoire est conquis. Patrick qui a longtemps souffert de ne pas pouvoir s’exprimer facilement remporte le prix du jury. Sur scène, l’homme pousse un ouf de soulagement, un peu comme une revanche sur la vie. "Ce n’est pas le prix qui m’intéressait le plus. C’est de pouvoir m’exprimer devant un public. Comme je vous l’ai dit, mon but, c'est de faire du théâtre, je me suis toujours empêché de le faire, maintenant, je suis obligé !

Ces dernières années, les concours d’éloquence se sont démocratisés et ne sont plus réservés aux seuls avocats. Étendus aux bègues, ils sont la preuve que l'on peut être un excellent orateur, malgré une inégalité sur la ligne de départ.

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