Septième port français, Bordeaux n'échappe pas à la règle du ralentissement économique depuis le début de la crise liée à la pandémie. Les terminaux sont affectés différemment suivant leurs spécialités. Si le trafic d'hydrocarbures est en chute libre, les céréales transitent encore par Bassens.
La direction du port de Bordeaux pratique la méthode Coué. Officiellement, l'activité est maintenue. Elle était même beaucoup plus impactée par les grèves du début d'année à en croire Jean-Frédéric Laurent, son directeur général. Seul chiffre communiqué : - 8,5% d'activité sur le premier trimestre 2020 par-rapport à 2019. Le mois d'avril débuterait sur les mêmes bases que l'année dernière.
Mais ce discours volontairement optimiste reflète des réalités très différentes suivant les secteurs. En terme d'emploi d'abord, les 340 salariés du port ressentent fortement les effets de la crise. Un dossier de chômage technique a été présenté en fin de semaine dernière à l'administration pour 160 d'entre eux, les ateliers de réparation navale et d'entretien étant à l'arrêt.
La soixantaine de marins du navire qui drague le chenal a également été débarquée.
Le terminal pétrolier du bec d'Ambès est le plus touché par la diminution des rotations de bateaux. Le volume des hydrocarbures destiné à la consommation du grand public, les stations-services, est en chute libre : - 80%. Le pétrole destiné aux professionnels, les agriculteurs par exemple, enregistre une baisse de 50% à 40 % suivant les semaines.
Le pétrole représente plus de la moitié du volume qui transite par les terminaux de Bassens, quatre tonnes sur les sept de marchandises en 2019 et la moitié de l'activité des pilotes du port de Bordeaux.
On perd 40 cargos par mois.
Tristan Paillardon, le représentant des pilotes du port
Ces bateaux sont les plus rémunérateurs pour ces professionnels car le pilotage dans le chenal de la Gironde est facturé en fonction de la taille des navires. Les pétroliers atteignent régulièrement plus de 150 mètres.
Cette crise mondiale fait suite à quatre années difficile sur le port de Bordeaux. Pour faire face, l'hélicoptère qui amène les pilotes à bord des cargos est cloué au sol et une partie des marins des pilotines est en chômage technique.
Des usines à l'arrêt, 10 000 masques commandés
Le secteur industriel est aussi fortement touché. Michelin a fermé son site de Bassens comme partout en Europe et l'usine de fabrique de bois ISB est à l'arrêt. La majorité des entreprises ont réduit leur production, faute de clients ou de fournisseurs.
Cette semaine, l'Union Maritime du port de Bordeaux sent un frémissement. Le syndicat professionnel qui représente les intérêts d'une centaine d'entreprises a commandé 10 000 masques pour permettre cette reprise timide de l'activité après quatre semaines de confinement.
Cela permettra notamment aux TPE de se fournir en masques parce qu'il faut un volume minimum significatif pour pouvoir en commander. Nous le faisons pour elles.
Maud Guillerme, secrétaire générale de l'Union Maritime du Port de Bordeaux.
Seul le trafic de céréales est normal sur le port de Bordeaux. Les 700 000 tonnes échangées l'année dernière devraient être égalées en 2020 si le rythme actuel se maintient.
Une saison touristique compromise
Si certains secteurs économiques du port sont lourdement touchés, il en est un qui est coulé. La saison touristique s'annonce désastreuse. En mai, l'escale des 15 paquebots attendus a été annulée. Il y a fort à parier qu'aucun des 70 prévus cette année ne s'amarre dans le port de la Lune.
Même constat du côté des navires de passagers qui sillonnent la Garonne et la Dordogne, qui redémarrent traditionnellement en mai. Leurs 90 à 100 rotations manquantes par mois vont coûter cher à la trésorerie des pilotes et des armateurs.
Quid du tourisme qui représente 10 à 15% de notre chiffre d'affaires. A quel moment va-t-il repartir et à quel rythme ? On pense qu'on aura une année blanche.
Tristan Paillardon.
Cette question de la reprise taraude tous les acteurs portuaires. L'Union Maritime s'inquiète de la compétitivité du port de Bordeaux face à la concurrence.
Comment rester compétitif ? La crise coûte beaucoup aux entreprises avec très peu de rentrées d'argent. C'est un peu comme si vous aviez un accident sans assurance pour vous couvrir.
Maud Guillerme, secrétaire générale de l'Union Maritime du Port de Bordeaux
L'Etat devra jouer un rôle fort dans la relance de l'activité. Les reports de charges ne suffiront pas, il faut, pour l'Union Maritime, des exonérations purement et simplement.
Le port est prêt à repartir et à jouer son rôle stratégique pour l'économie de la région. Le virus a peu sévi pour l'instant en Nouvelle-Aquitaine. Les entreprises ont eu le temps de mettre en place des dispositifs de protections des salariés. Lueur d'espoir : les travaux ont repris sur le terminal conteneurs de Bassens, le projet majeur du Port de Bordeaux cette année.