Alors que le gouvernement a présenté le 2 juin un Projet de Loi de Finances Rectificative, avec 15 milliards d'euros de mesures d'urgence supplémentaires, les aides aux commerces commencent à baisser progressivement. Entre compréhension et difficultés à rembourser, les professionnels sont mitigés.
C'était une décision attendue. Deux semaines après la réouverture des magasins, ainsi que des terrasses des bars et restaurants, le gouvernement a annoncé la fin progressive des mesures de soutien aux commerces... Sans réelle surprise.
"Il fallait bien que ça s'arrête, reconnaît Céline Méric, gérante d'une boutique d'accessoires et prêt-à-porter dans le centre de Bordeaux. Je ne vois pas comment l'Etat pouvait continuer d'assumer tout cela." Eligible aux fonds de solidarité, elle a bénéficié de compensations financières au cours des trois confinements. A l'heure d'entamer les remboursements, l'activité de ces deux dernières semaines incite à l'optimisme. "Le redémarrage est bon. C'est un rythme totalement différent par rapport au premier confinement, où la reprise avait été timide. Là, on sent que les gens ont vraiment envie de reprendre une vie normale et n'ont pas peur de revenir en ville. On est plutôt confiante."
On aurait préféré des abandons de créances, mais il ne faut pas rêver.
Une envie de reprise partagée par Christian Baulme, gérant d'un magasin de bricolage, président de la ronde des quartiers de Bordeaux et de l'association CAMF (Commerçants et Artisans des Métropoles de France) : "Nous sommes des entrepreneurs. Nous sommes contents d'avoir pu rouvrir, maintenant on est reparti, on vend et on fait notre travail."
Si les aides ont permis de limiter la casse depuis plus d'un an, Christian Baulme plaide pour davantage de flexibilité quant aux remboursements des PGE (Prêts Garantis par l'Etat) ou du fonds de solidarité, qui débuteront chez certains dès juillet. "L'URSSAF prévoit déjà des aménagements en fonction des capacités du commerçant à payer, c'est quand même assez adapté, avoue-t-il. On aurait préféré des abandons de créances, mais il ne faut pas rêver."
20 à 30% des commerces menacés de fermeture
L'addition s'annonce encore plus salée pour les bars et restaurants, fermés pendant près de sept mois. Certes, les aides ne devraient pas diminuer pour le mois écoulé, car elles sont "conditionnées à la perte de plus de 50% du chiffre d'affaires, rappelle Laurent Tournier, président de l'UMIH 33 (Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie). La quasi-totalité des établissements vont pouvoir justifier de cette perte pour plusieurs raisons : nous avons ouvert tardivement dans le mois, les terrasses ne représentent pas la totalité de l'exploitation, et le service du soir reste contraint par le couvre-feu."
Mais à terme, le remboursement s'annonce difficile. "Le fonds de solidarité et les prêts garantis par l'Etat ont permis de financer les restes à charge, mais ce ne sont pas des investissements qui vont générer un chiffre d'affaires supplémentaire, note Laurent Tournier. Il va falloir rendre cet argent. C'est un poids mort, un caillou dans la chaussure de nos entreprises pour les années à venir."
Un constat confirmé par le directeur d'un grand pub place de la Victoire. "Maintenant que les trésoreries sont au plus bas, on aimerait que les PGE soient reconduits quelques mois, le temps de se refaire une santé", espère Aurélien Guymard.
Mais en parallèle, la baisse du fonds de solidarité est déjà actée : alors que 84% du chiffre d'affaires était assuré jusqu'à présent, seules 40% des pertes seront compensées en juin, 30% en juillet et 20% en août.
Il y a clairement un exode de la restauration.
Avec 300 places en terrasse, la reprise a pourtant été fructueuse. Mais Aurélien Guymard se heurte désormais à un autre problème : le manque de personnel. "Normalement, j'ai 20 personnes dans le staff mais actuellement, je n'en ai que 13 ou 14. Je n'ai pas un seul CV alors qu'à cette période, j'en reçois habituellement quatre ou cinq par jour. Il y a clairement un exode de la restauration. A partir du 9 juin, avec la réouverture de l'intérieur en demi-jauge et le couvre-feu étendu à 23h, je ne sais pas comment je vais faire. En 25 ans, je n'ai jamais vu ça.”
Une véritable crise de la vocation qui risque de s'aggraver dans les prochains mois. Selon plusieurs estimations, 20 à 30% des enseignes, tous commerces confondus, pourraient mettre la clé sous la porte d'ici la fin de l'année.