Cyanobactéries dans les eaux de baignades : une présence et une toxicité "imprévisibles"

En 2023, la contamination des eaux de la Jalle, puis la mort d'un chien ayant bu de l'eau du Lac d'Hostens en Gironde, ont alerté le grand public sur les risques liés aux eaux de baignade. Avant la saison estivale, l'ARS Nouvelle Aquitaine veut rassurer sur les contrôles sanitaires rendant compte de la présence de cyanobactéries.

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Le 8 juillet 2023, à Eysines et Blanquefort, dans l'agglomération bordelaise, des analyses sont effectuées dans l'eau de la Jalle suite à une très forte suspicion de présence de cyanobactéries.
À titre préventif, toutes les communes longeant le cours d'eau ont pris un arrêté d’interdiction d’accès aux jalles : baignade, consommation d'eau pour les animaux et tous prélèvements de toute nature pendant trois jours étaient interdits.
Quelques semaines plus tard, un chien décède après avoir joué pendant deux heures dans le lac d'Hostens en Gironde, selon le témoignage de sa maîtresse. En février dernier, c'est un berger australien qui meurt après avoir bu de l'eau du lac de Bègles. Les analyses ont confirmé la présence de ces toxines.

"Chaque année, on constate le décès de chiens, notamment suite à des promenades avec leur maître", déplore Franck Martin, directeur adjoint en charge de la protection des populations (DDETSPP, anciens services vétérinaires). Les chiens allant facilement se baigner dans les eaux stagnantes des étangs, ils ont également tendance à boire dans ces mares ou flaques d'eau.

Un classement européen

C'est dans ce contexte que l'Agence régionale de santé de la Nouvelle Aquitaine s'est voulue rassurante, avant même l'ouverture des eaux de baignade. Elle a tenu ce 8 avril un point de situation sur le contrôle des eaux de baignade en Nouvelle-Aquitaine, en s'intéressant particulièrement aux cyanobactéries qui colonisent certains sites de baignade en eau douce.

Les sites de baignade en Nouvelle-Aquitaine s'inscrivent dans un classement européen "basé sur des critères bactériologiques", explique Dorothée Gerbaud, ingénieure sanitaire à l'ARS Nouvelle-Aquitaine.  L'Escherichia Coli et les entérocoques intestinaux sont recherchés dans le cadre du contrôle sanitaire organisé par l'ARS. "Ce classement prend en compte, également, la qualité de baignade sur les quatre dernières saisons, au cours desquelles 16 prélèvements au minimum doivent être effectués". Des prélèvements mensuels, voire hebdomadaire en cas d'alerte spécifique.  

Outre ces paramètres bactériologiques, ce contrôle sanitaire sera complété avec d'autres paramètres "qui auront été identifiés représentant un risque pour les baigneurs", selon la vulnérabilité du site définie par le profil de baignade. 

Quand ferme-t-on une baignade ?

"La fermeture temporaire d'une baignade du fait d'un risque sanitaire avéré est proposée par l'ARS au maire de la commune, où se situe le site de baignade". Elle est demandée quand une baignade est classée "de mauvaise qualité", et notamment, "lorsqu'on aura mis en évidence d'autres risques comme, en eau douce, les cyanobactéries".

Le risque des cyanobactéries consiste à la "libération de toxines" dans l'eau de baignade. Un risque plus ou moins important "selon la toxine" qui peut être neurotoxique ou hépatotoxique (qui s'attaque au foie). Les chiffres de l'ARS confirment que, depuis 2020, la qualité des eaux douces vis-à-vis des cyanobactéries s'est plutôt détériorée.

C'est quoi des cyanobactéries ?

"Les cyanobactéries sont des organismes microscopiques apparus il y a près de 3 milliards d’années", explique Christophe Laplace-Treyture, ingénieur de recherche en hydrobiologie à l’INRAE (Institut français de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement). Autant dire qu'elles étaient là bien avant nous et pourraient bien nous survivre... On en compterait plus de 4 600 espèces, réparties dans 866 genres vivant dans les milieux d’eaux douces, marins, mais aussi terrestres.
Ce sont des micro-organismes proches des bactéries "qui utilisent la photosynthèse pour se développer : la chlorophylle-a comme les végétaux". Ils possèdent "des pigments dont la phycocyanine qui donne la couleur bleue (=cyan) ou la phycoérythrine (rouge)".


On distingue deux types de cyanobactéries : les planctoniques, qui s'accumulent à la surface de l'eau et les cyanobactéries benthiques qui se développent sur des substrats minéraux.

Pourquoi elles prolifèrent ?

L'expert précise qu'elles n'ont besoin"de pas grand-chose pour se développer : de l'eau, des "nutriments" tels que de l'azote et du phosphore ainsi que du gaz carbonique (CO2), sans oublier beaucoup de lumière... Aussi, elles préfèrent les eaux assez chaudes et peu turbulentes. C'est pourquoi, elles se développent davantage en été et à l'automne sous nos latitudes.

Un impact sur l'Homme

Une quarantaine de ces cyanobactéries produisent des toxines. "Scientifiquement parlant, on a un peu de mal à comprendre pourquoi", reconnaît Christophe Laplace-Treyture. Elles "ont des impacts sur l'être humain soit au contact de la peau ou des muqueuses, soit par ingestion". Elles peuvent altérer des cellules du foie et peuvent aussi perturber le système nerveux, mais aussi avoir des effets sur la peau ou les muqueuses.

Malgré les contrôles réguliers, le spécialiste affirme qu'elles sont "souvent imprévisibles dans l’état actuel des connaissances" car, selon les conditions et les sites, elles peuvent avoir des comportements différents avec "des proliférations permanentes, ponctuelles, rares ou fréquentes".

Agir rapidement

En cas de contamination de son animal de compagnie, Franck Martin, rappelle l'urgence d'agir. Chez le chien, les premiers symptômes apparaissent en une ou deux heures. "On va constater des tremblements, des difficultés à respirer, il ne faut pas se poser de question, vite aller chez le vétérinaire". Malheureusement, dans la plupart des cas, il est souvent trop tard. "Si la quantité de toxines ingérée est importante", on assiste à la mort du chien due à une paralysie respiratoire.  Le décès peut également survenir si le foie est touché. Dans ce cas, le chien souffre d'abord de vomissements sévères, avant de mourir. "Un petit conseil aux propriétaires de chiens ou les chasseurs, c'est de prévoir de quoi les alimenter en eau et ne pas les laisser boire dans les flaques !", insiste le directeur adjoint à la DDETSPP. 

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