La Cour nationale du droit d'asile a choisi d'ouvrir une chambre territoriale à Bordeaux. Cette juridiction, chargée d'examiner les demandes d'asiles préalablement refusées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, est l'un des derniers recours pour ces déplacés.
Il inaugure cette nouvelle chambre territoriale de la cour nationale du droit d'asile. Originaire de la République démocratique du Congo, cet homme a fui son pays en mars 2024 à cause de conflits ethniques dans sa province d'origine. Dans cette toute petite salle, situé au sein de la Cour administrative d'appel de Bordeaux, il est le premier d'une longue série à raconter son histoire et son parcours pour échapper à ses agresseurs.
"Quels sont vos motifs de craintes ?"
Son histoire, c'est dans la bouche d'un interprète et de la rapporteure, chargée d'analyser puis de présenter le recours, qu'elle se narre. Selon lui, des chefs militaires auraient fait irruption dans son village, le menaçant directement de mort.
Ce témoignage, l'homme l'a déjà livré à l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) quelques semaines plus tôt. Dans son rapport, l'office estime pourtant que le requérant est "peu renseigné par la situation sécuritaire et sur le conflit ethnique". Selon la rapporteure, ses déclarations "sont imprécises" et son parcours nécessite "des éclaircissements". Par son biais, l'Office invite à "un récit plus circonstancié", notamment "l'organisation du départ de son pays".
Tout ce qui est arrivé, la façon dont je me suis évadé... J'ai peur, il y a eu beaucoup de dégâts.
Ressortissant de la République démocratique du Congo,Audience de la chambre territoriale de la cour nationale du droit d'asile
Ce jeudi 19 décembre, le Congolais doit donc convaincre le président de la chambre territoriale, Philippe Delvolvé. "Quels sont vos motifs de craintes ? D'où viennent-ils ?", interroge le président, cherchant ces précisions demandées
Durant l'audience, l'homme est calme, à l'écoute. Un calme rompu par moment par des gestes saccadés lorsqu'il évoque des épisodes violents. Son histoire qu'il développe en plusieurs réponses est glaçante : une arrestation forcée, des viols sur sa mère et sa sœur aux yeux de tous, et l'obligation de travailler dans une forêt à 24 heures de route de son village, pour extraire du cobalt. "On nous réveillait à 5 heures, on travaillait toute la journée. Il y avait toujours des civils armés à côté de nous" complète-t-il.
Après un énimème viol sur sa soeur, l'homme se serait rebellé puis fait frappé. "J'ai crié dans ma langue maternelle. Et un homme nommé Elvis a reconnu mon langage, a eu pitié de moi, et s'est arrangé pour me faire évader" lâche-t-il. Durant la plaidoirie de son avocat, ce dernier insiste sur le fait qu'il est impossible pour son client de connaître tous les enjeux du pays. "On pense d’abord à sa vie, et à fuir les atrocités." Après 45 minutes d'audience, la décision est mise en délibéré au 9 janvier.
Optimiser les recours et les dossiers
Cette chambre territoriale est une extension des 18 chambres déjà existantes à Montreuil. Son rôle : vérifier un refus du droit d'asile prononcé par l'OFPRA quelques semaines plus tôt. "La Cour vérifie si le refus administratif respecte bien les conventions de Genève sur la protection des réfugiés" recadre Mathieu Herondart, président de la Cour nationale du droit d’asile. En moyenne, elle protège dans 20,5% des cas où elle est saisie.
Sur les 66 358 décisions rendues par les chambres de Montreuil en 2023, 4 116 concernent des requérants de Nouvelle-Aquitaine, soit un peu de 6% des cas. La nouvelle chambre territoriale de Bordeaux va donc permettre de recentrer ces dossiers en région, et de faire faire gagner du temps aux requérants et à leurs avocats.
12 audiences par jour
Cette Cour peut être composée d'un juge unique, ou d'une formation collégiale avec deux assesseurs, non-professionnels, nommés par le vice-président du Conseil d'État. Ils sont désignés grâce à leurs compétences politiques ou juridiques, et l'un d'eux sur proposition du Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés en France.
À Bordeaux, Philippe Delvolvé privilégie cette formation collégiale à 80% du temps. Une composition pour juger plus rapidement face à un calendrier chargé : la Cour ambitionne de programmer jusqu'à 12 audiences par jour, sachant que 410 dossiers ont déjà été déposés. "Il y en a des nouveaux tous les jours" assure-t-il.
Ce programme intense n'inquiète cependant pas ce président, très emballé à l'idée de démarrer ce nouveau chapitre à Bordeaux. "Il faut distinguer la justice judiciaire et administrative, reprend-il. Cela n'a jamais été une difficulté car nous avons toujours eu des moyens progressifs." Les vice-présidents vacataires "sont habitués à assurer des missions connexes" selon lui.
Dans un contexte politique mouvementé où l'immigration est souvent évoquée, ces chambres territoriales pourraient apporter de la clarté, notamment pour les principaux concernés en région.