Le professeur Malvy, infectiologue au CHU de Bordeaux, alerte. Au mois de mai, le moustique tigre est capable, en piquant une personne infectée par la dengue de le transmettre à une autre personne. "D'où le fait que nous devons anticiper avec des gestes citoyens très simples", dit-il. Nous avons suivi une opération de prévention à Talence, en Gironde.
Des opérations de prévention se multiplient ces dernières années un peu partout en France, y compris en milieu urbain. Des agents de la ville de Talence et du centre de démoustication de Bordeaux Métropole se déplacent chez les particuliers pour intervenir et avertir. L'opération baptisée "Zéro moustique" a été lancée en 2023. Elle consiste à donner quelques conseils aux résidents pour éviter la prolifération du moustique tigre en l'empêchant de pondre. En effet, plus de 80% de ces gîtes se situeraient dans l’espace privé.
Empêcher le moustique tigre de pondre
Pour cela, il faut éliminer toute retenue d'eau susceptible d'accueillir les larves. Ce jour-là, les agents mettent dans les collections d'eau un bacille qui va les attaquer biologiquement. "Cette bactérie va dégager des toxines qui vont se fixer sur les cellules de la paroi intestinale et la faire éclater", explique Christophe Courtin du Centre de démoustication. Pour ne pas gâcher vos soirées d'été, il suffit donc de quelques gestes simples. "On vide les soucoupes, on regarde dans les gouttières, et on les lave bien", raconte Hélène Moreau, habitante de Talence. "Le monsieur de la ville nous a dit qu'il pouvait y en avoir aussi sous les terrasses donc là, c'est un autre problème, j'ai envie de dire".
À Talence, les agents ont délivré un questionnaire aux résidents pour déterminer leur ressenti actuel quant à la quantité de moustiques. "Les résultats seront comparés à ceux obtenus lors de leurs passages ultérieurs, qui auront lieu chaque mois", explique la Ville de Talence.
Les agents sauront ainsi d'ici à quelques mois si la prolifération a été endigué.
Ville de Talence (33)
L'influence du changement climatique
Le moustique tigre a été repéré pour la première fois en Nouvelle-Aquitaine en 2012. C'était en Lot-et-Garonne. Il s'est ensuite développé vers la façade atlantique et les grands centres urbains. Résultat, aujourd'hui, il est présent partout dans notre région sauf dans la Creuse. Il est parfois porteur du virus de la dengue.
Pour le professeur Malvy, infectiologue au CHU de Bordeaux, il ne fait aucun doute que le changement climatique a des effets sur la propagation de certains virus par le biais du moustique tigre. "Le changement climatique impacte la maladie de la dengue à travers le virus et le moustique", analyse-t-il. "Car les moustiques ont besoin d'eau et de chaleur. Et plus il y a de phénomènes environnementaux inattendus ou avec des distorsions comme ce que nous visons avec des alternances fortes, sécheresse, puis pluviométrie intense... Tout cela facilite la vie des moustiques".
Des personnes de retour de voyage porteurs de la dengue
Pour autant, le professeur refuse de parler de démoustication et préfère évoquer une "prévention du risque vectoriel". "La dengue qui nous concerne plus particulièrement est un virus qui est transmis pratiquement d'homme à homme par le moustique tigre", explique-t-il.
C'est un risque qu'il faut considérer pour la France de l'Hexagone.
Professeur Denis Malvy,Infectiologue CHU de Bordeaux
Pourquoi ? "Parce que nous avons une augmentation extrêmement significative avec les voyages intercontinentaux dans un monde globalisé de personnes qui viennent de zones d'endémie ou d'épidémie comme, par exemple, les Petites Antilles, la Caraïbe ou la Guyane et qui arrive en France dans l'Hexagone où il y a un moustique compétent pour transmettre ce virus".
Deux à trois personnes par semaine atteintes de la dengue au CHU de Bordeaux
Pour appuyer ses propos, le professeur Denis Malvy s'appuie sur une réalité. "Nous avons au CHU de Bordeaux par exemple deux à trois patients atteints de dengue virémique, c’est-à-dire symptomatique, par semaine", annonce-t-il. "Et ce depuis des mois et des mois".
Nous entrons avec le mois de mai dans la période où le moustique tigre présent en Aquitaine devient actif.
Professeur Denis Malvy,infectiologue CHU de Bordeaux
"C’est-à-dire qu'il devient capable lorsqu'il pique une personne virémique de la transmettre à une autre personne. C'est donc un risque de transmission que, chronologiquement, nous rencontrons.
"Et cette année, avec le nombre de voyageurs qui reviennent virémiques rien ne s'oppose, le risque est inéluctable, à ce que nous ayons des cas autochtones en France et en Aquitaine. Mais nous sommes dans l’anticipation".
En 2023, le moustique tigre était présent dans 71 départements en France. Il peut aussi transmettre à l'être humain des virus comme celui du chikungunya ou du Zika.