Les fortes chaleurs associées aux fortes pluies du mois de septembre font proliférer les moustiques de façon exceptionnelle en Charente-Maritime. Une quinzaine d'espèces très actives ont été identifiées dont le fameux moustique tigre qui continue d'étendre son territoire dans le département.
"J'ai 15 piqures sur un bras et vous verriez mes jambes !" Madeline Bercé est excédée. Ces dernières semaines, le quotidien de cette habitante de Tonnay-Charente, près de Rochefort, est devenu invivable. "En ce moment, les moustiques sont partout."
Hier matin, j'ai tondu ma pelouse. J'avais mis des manches longues et un pantalon, mais je me suis fait bouffer ! Même à travers les vêtements !
Madeline BercéHabitante de Tonnay-Charente
Pour protéger ses deux enfants des attaques de ces petits vampires de quelques millimètres à peine, cette mère de famille a fait installer des moustiquaires su toutes les fenêtres de sa maison. Et chaque matin, après avoir vaporisé de l'insecticide, elle ramasse des cadavres d'insectes par dizaines.
"C'est l'enfer, je confirme, relate Martine Stergiou, résidant, elle aussi, à Tonnay-Charente, on est piqué du matin au soir. Je n'ai jamais vu ça. Même mon petit chat ne veut plus sortir." Son garage est infesté, sa voiture envahie. Quant à son jardin, elle y a planté toutes sortes de plantes répulsives, mais rien n'y fait.
Toutes deux racontent les soirées gâchées, la terrasse dont elles ne profitent plus, et les cueillettes de légumes devenues de véritables corvées.
Hier, il faisait très chaud mais je suis allée cueillir mes légumes avec un pantalon, des grosses chaussettes et un coupe-vent pour me protéger. Une vraie tenue de sudation !
Martine StergiouHabitante de Tonnay-Charente
C'est donc peu dire que l'opération de démoustication annoncée en ce début de semaine sur sept communes du pays rochefortais est attendue avec impatience. "Ils pourraient aussi nous donner des chauves-souris plaisante Madeline Bercé, j'en ai une dans ma cave, et c'est bien utile.
250 larves de moustiques par litre d'eau
Face à cette invasion aussi tardive qu'étendue, les techniciens chargés de traiter les zones infestées par pulvérisation accélèrent la cadence. Elles interviennent tous les trois jours.
Sur l'île d'Oléron, un drone est intervenu dernièrement dans les 45 hectares de marais salants de Saint-Georges. Un produit "biologique et ciblé sur le moustique" a été utilisé, là où le nuisible a été signalé en très grand nombre.
Bassine à la main, l'agent technique en charge de la démoustication le confirme. Dans l'eau qu'il vient de prélever, les petits bâtonnets gris, synonyme de la présence du nuisible, se comptent par dizaines. "Sur un litre d'eau là, on a 250 larves de moustiques, ce qui est déjà vraiment pas mal", analyse Mickaël Brillouet.
Plus ennuyeux, certaines de ces larves ont atteint le stade ultime de leur développement. "Il est vraiment temps de traiter parce que quand elles sont devenues lymphes, elles ne nourrissent plus" détaille le technicien. Dans ce cas, le traitement n'agit pas.
"Sur le mois de septembre, on rencontre une situation vraiment exceptionnelle, qu'on n'a pas connue depuis au moins 25 ans en Charente-Maritime, explique Sébastien Chouin, le chef du service démoustication au Conseil départemental.
On a une succession de mise en eau par les marais et par les pluies, avec des températures très élevées, qui sont très favorables à la prolifération de toutes les espèces de moustiques.
Sébastien ChouinChef du service démoustication au Conseil départemental
Deux fois plus de communes colonisées
De fait, une quinzaine d'espèces différentes ont été identifiées et sont actuellement très actives : d'eau douce, d'eau salée, du marais et bien sûr le fameux "tigre". Signalé pour la première fois en 2013 sur une aire d'autoroute près de Saintes, il n'a depuis cessé détendre son territoire.
"Aujourd'hui, nous sommes colonisés sur plus de trente communes, toutes infectées par le moustique tigre, constate Dominique Rabelle, vice-présidente du Conseil départemental, et cela augmente tous les jours." L'insecte, vecteur potentiel de maladies, se multiplie donc à la vitesse de l'éclair au point que bientôt, plus aucune zone du département pourrait n'être épargnée.
"Nous attendons les chiffres consolidés, mais le nombre de communes colonisées va certainement doubler cette année" s'alarme Sébastien Chouin. Des zones jusqu'à présent relativement préservées ont signalé la présence de l'insecte sur leurs territoires.
L'enjeu est à la fois sanitaire et économique. La Charente-Maritime est l'un des départements les plus touristiques de l'Hexagone. Le Conseil départemental a investi cette année 1,2 million d'euros dans cette guerre contre l'envahisseur. Une guerre que d'autres territoires métropolitains ont déjà perdue.