L'avocate générale avait requis dix à douze ans de réclusion criminelle contre cette ancienne secrétaire médicale du CHU de Bordeaux, accusée d'avoir tué son enfant avec des médicaments. "Une femme en grande détresse" a t-elle affirmé devant les jurés et l'assistance des assises de la Gironde.
Le réquisitoire, prononcé en fin de matinée, résume toute la complexité de cette triste affaire qui a conduit à la mort d'un petit garçon de quatre ans, tué par sa mère, le 25 mars 2019 à Mérignac.
L'avocate générale Marianne Poinot n'accable pas l'accusée. "C'est elle seule que vous déclarerez coupable" dit-elle en s'adressant aux jurés, elle, "qui pour le restant de sa vie va souffrir de la mort de son fils".
Et elle explique tout ce qui a conduit au drame.
Un passage à l'acte dans un contexte de dépression majeure et de grande détresse.
Marianne Poinot - l'avocate générale
Une femme fragilisée, s'estimant toxique pour son fils
D'abord la personnalité de Caroline Oliviera Da Silva, "sensible, empathique mais avec une image de soi dégradée", victime d'un père violent. Puis le burn-out professionnel, un travail difficile comme secrétaire au CHU de Bordeaux dans un service surchargé.
Elle, si sérieuse et consciencieuse, n'y arrive plus et perd pied.
Marianne Poinot - l'avocate générale
S'ajoutent les difficultés de Léo, son fils. Un enfant de 4 ans, agité, en opposition, avec parfois des gestes violents. Il avait notamment giflé un de ses camarades à l'école maternelle. Le coup de grâce pour Caroline a été cette réunion à l'école, en présence de l'ensemble de l'équipe éducative. Elle s'est sentie "une mauvaise mère pouvant être toxique pour son fils" explique l'avocate générale.
Enfin les relations du couple, "le facteur le plus compliqué" dit-elle aux jurés. Une relation qui commence par un mensonge, puisque son compagnon cache qu'il est marié et père de trois enfants. Il ment aussi sur son prénom. Pour autant, Léo est bien né d'une véritable relation amoureuse. Mais elle se transforme au fil du temps en une sorte de "colocation", "d'association".
Marianne Poinot reprend les conclusions des experts, qui décrivent un homme "affichant un altruisme apparent".
Mais il dissimule un égocentrisme problématique, une mise en avant de soi, qui ne laisse pas de place à celui qui est en face.
Marianne Poinot - avocate générale à propos du père de Léo
Pour conclure, l'avocate générale évoque l'isolement social et familial de l'accusée, fusionnelle avec son fils, qui n'a plus envie de sortir ni de voir du monde.
Elle change petit à petit, est de plus en plus épuisée. Son état psychique et physique se dégrade, elle n'a plus la force de rien. Elle est dans un état de dépression majeur, sans pouvoir expliquer son mal être.
Marianne Poinot - avocate générale
"Une pathologie comme une polyfracture de l'âme, invisible au regard des autres".
Dix à douze ans réclamés, loin de la perpétuité encourue
Alors que la peine encourue pour cet infanticide est la perpétuité, Marianne Poinot réclamait dix à douze ans de réclusion criminelle avec une injonction de soins pendant quatre ans.
Les avocats de la partie civile et de la défense ont eux aussi pris la parole. Les premières, deux avocates, ont martelé que le père n'avait aucune responsabilité ni culpabilité dans ce drame.
Ceux de l'accusée ont souligné que la seule chose qui taraudait maintenant Caroline, "c'est de retrouver Léo au fond de sa tombe". Elle qui veut "assumer seule sa responsabilité".
L'accusée s'exprime, l'assemblée au bord des larmes
Et puis Caroline Oliviera Da Silva a, elle aussi, pris la parole.
Il n'y a rien à défendre, j'ai tué mon fils. C'est un meurtre horrible. Je me sens comme une terroriste
Caroline Oliviera Da Silva - l'accusée
Les larmes aux yeux elle s'est adressée aux demi-frères de Léo, un seul était présent dans la salle d'audience. "Je me sens comme une terroriste qui a détruit beaucoup de vies. Je pense au traumatisme de ses frères. Je comprends la haine que vous avez contre moi, je l'accepte".
J'ai tué mon fils Léo, notre fils, je mérite la peine prévue dans ce cas là, la peine maximale, celle qui correspond à mon acte odieux
Caroline Oliviera Da Silva - l'accusée
Après une après-midi de délibération, la cour d'assises a rendu son verdict : quinze ans de réclusion criminelle.
Voir le compte-rendu de l'audience d'Elise Galand avec Morgan Plouchard :