Un mois sans boire de l'alcool. C'est le défi lancé depuis trois ans, en janvier, par des collectifs. A Bordeaux, l'association "Addictions France" soutient l'initiative. Sans prôner l'abstinence, la maîtrise de la consommation d'alcool est bénéfique à plusieurs points selon son directeur.
Après les fêtes de fin d'année, l'action de ne pas boire une goutte d'alcool pendant un mois n'est pas anodine, quelque soit sa consommation. C'est ce qui a poussé des Anglais à lancer le défi du "dry january", il y a dix ans et lancé en France en 2019 par un collectif d'associations et d'institutions.
A Bordeaux, Philippe, 50 ans raconte avoir fait face à divers problèmes d'addiction dont l'alcool. Il dit ne plus boire depuis près de vingt ans et pense que le dry january est une bonne idée.
Je pense que même si on n'a pas de problèmes avec l'alcool, c'est bien de faire une pause. C'est bénéfique pour le corps. Cela peut mettre aussi en évidence d'éventuels soucis de consommation et de santé.
Philippe, 50 ansà la rédaction web de France 3 Aquitaine
Philippe travaille d'ailleurs désormais dans plusieurs structures d'addictologie pour aider les patients. Selon lui, la consommation française reste trop importante et cela reste culturel. "Boire de l'alcool est très ancré. Trop souvent, ceux qui ne boivent pas doivent se justifier. Et il y a peu de moyens pour informer les gens sur les méfaits".
Banalisation de l'alcool
Au pays du vin et des spiritueux, les lignes bougent peu selon les associations de lutte contre les addictions. "Je ne suis pas abolitionniste, mais il faut être conscient que l'alcool tue toujours près de 45 000 personnes (cancers, violences) par an en France. Et ce chiffre ne bouge pas depuis de nombreuses années" indique Philippe Dauzan, directeur régional de l'association Addictions France qui compte cinq centres de consultation sur la métropole de Bordeaux. Le chiffre arrive après les 78 000 morts par an liés au tabac.
Des vertus pour la santé et un impact sur le portefeuille
Le directeur trouve l'idée du Dry January intéressante à trois titres et a d'ailleurs tenté l'expérience l'an dernier. "Le défi permet d'abord de prendre conscience de sa consommation d'alcool. Nous sommes nombreux à vouloir prendre un apéritif en rentrant chez soi le soir ou à souhaiter un verre de vin à table si une bouteille est ouverte. Cela peut devenir une habitude. Stopper sa consommation peut inciter à une réflexion" explique Philippe Dauzan.
Dans cette période d'inflation où de nombreux prix ont augmenté, le professionnel voit aussi une bonne raison économique de faire le défi. "Si on compile les dépenses mensuelles de pack de bières ou de bouteilles de vin, l'addition monte vite et a de l'impact sur le portefeuille. Cela peut faire réfléchir."
Enfin, le professionnel évoque l'aspect culturel de l'alcool en France. "L'opération de janvier jette un éclairage sur la pression sociale de l'alcool. Le verre d'alcool le midi au restaurant, par exemple".
Il y a toujours une certaine banalisation de la consommation dans tous les milieux sociaux. Et des lobbys très puissants , qui aimeraient réformer la loi Evin de 1991 contre les publicités d'alcool et de tabac.
Philippe Dauzan, directeur régional association Addictions Franceà rédaction web France 3 Aquitaine web
Maîtriser sa consommation
Philippe Dauzan repense d'ailleurs à la sortie de Didier Guillaume, alors ministre de l'Agriculture, qui avait déclaré en soutien aux viticulteurs, en janvier 2019 que "le vin n'est pas un alcool comme un autre". Pour toutes ces raisons, Philippe Dauzan pense que "sans prôner l'abstinence d'alcool, on peut maîtriser sa consommation. Cela aura toujours un impact sur sa forme, son sommeil."
Contrairement au "mois sans tabac" soutenu par les pouvoirs publics, l'opération "dry january", encore très récente, n'est pas validée par l'Etat. Le directeur d'association aimerait que d'autres opérations de sensibilisation aux dangers de l'alcool voient le jour.