Ce lundi 2 décembre, s’ouvre le procès des cinq ex-rugbymen grenoblois, accusés de viol en réunion sur une étudiante bordelaise, en 2017. Un premier procès, en juin, avait été ajourné. Un des accusés, Denis Coulson, victime d’un accident, n'avait pu se présenter à l'audience.
L’attente semble interminable. Ce lundi 2 décembre, le procès des cinq ex-rugbymen grenoblois s’ouvre à la cour d’assises de la Gironde. Les Irlandais Denis Coulson et Chris Farrell, le Français Loïck Jammes et les Néo-zélandais Rory Grice et Dylan Hayes sont jugés pour viol en réunion sur une étudiante, âgée de 21 ans à l’époque des faits.
L’audience devrait se tenir jusqu’au vendredi 13 décembre avec une interrogation majeure : pourra-t-il se tenir en présence de toutes les parties ? Selon les premiers éléments, l’audience qui débutera à 14h, se tiendra à huis clos. "C'est un dénouement, après sept ans de procédure qui ont été très difficiles et douloureux à porter pour notre cliente", détaille Me Gaessy Gros, l'un des quatre avocats de la victime.
Un premier procès avorté
La question est au cœur de ce nouveau procès, six mois après un premier, avorté, en juin : celle de la présence de Denis Coulson. "On n'est pas à l'abri que quelque chose de similaire se produise. Mais nous avons eu la preuve par le biais de ses conseils qu'il serait a priori présent", indique Me Gaessy Gros.
Sept ans après les faits, le 17 juin s’ouvrait le procès qu’attendait la jeune victime bordelaise, qui souhaite rester anonyme. Le procès est prévu pour durer douze jours, il ne durera qu’une heure. À la Cour d’assises de Bordeaux, la victime fait pourtant face à quatre de ses agresseurs. Un, manque pourtant à l’appel : Denis Coulson. Principal accusé dans cette affaire, l’Irlandais est victime, cinq jours auparavant, d’un grave accident de la route.
L’ancien joueur se trouvait seul à bord de son véhicule lorsqu’il en perd le contrôle et percute les parois d’un tunnel. Selon son avocate, il se rendait à l’aéroport pour prendre un avion pour Paris où devait se tenir un rendez-vous avec elle, afin de préparer le procès. “C'est terrible, mais il est impossible, pour des raisons équitables, d'avoir un procès sans la présence de Denis Coulson. Sans lui, sans son intervention, il n'y aurait pas eu de viol, et d'affaire”, indiquait alors l’avocate de la victime, Anne Cadiot-Feidt. Le procès est ajourné, laissant la jeune femme une nouvelle fois dévastée.
Sept ans d'attente
La jeune femme devra donc attendre six mois supplémentaires, après cette procédure de sept ans, rallongée à chaque étape par les recours, intentés par les mis en cause, jusqu’à la Cour de cassation.
Une longue attente que les avocats de la victime veulent voir comme un atout. "Il y a eu d'immenses transformations dans la constitution de ces êtres humains. Ces années auront permis que notre cliente puisse poursuivre sa vie en se reconstruisant, tout en étant accompagnée par ses avocats, ce qui n'aurait pas été le cas si l'affaire avait été jugée plus rapidement", indique Me Cadiot-Feidt.
Une lente reconstruction qui n'efface en rien les actes, commis sept ans plus tôt, assure l'avocate. "En matière de justice, l'ancienneté des faits n'a pas beaucoup d'incidence, si ce n'est au niveau de la sanction", poursuit Me Cadiot-Feidt.
Notre cliente n'est pas dans la vengeance. Elle souhaite que la justice soit rendue, qu'elle soit reconnue en tant que victime afin de poursuivre son processus de reconstruction.
Me Gaessy Gros,Avocat de la victime
En effet, si le procès jugera les faits qui se sont déroulés ce 12 mars 2017, la décision prendra également en compte "l'évolution" des mis en cause. "Une cour d'assises évalue aussi le degré d'insertion, le niveau de reconnaissance, précise Me Gaessy Gros. Cependant, s'ils sont reconnus coupables de viol, il s'agit d'une situation très grave pour laquelle ils devront être sévèrement réprimandés et passer par la case détention."
Viol en réunion
Les cinq ex-rugbymen sont jugés pour des faits qui remontent à la nuit du 11 au 12 mars 2017. Ce soir-là, les accusés se trouvent dans un hôtel de Mérignac où ils sont logés après avoir disputé un match contre l’Union Bordeaux-Bègles. La nuit est très alcoolisée.
Selon la victime, elle se réveille aux alentours de 7h du matin, nue, entouré de deux hommes nus eux aussi. D’autres sont encore habillés. Elle se souvient alors les avoir croisés, quelques heures plus tôt, alors qu’elle se trouvait avec des amies, dans un bar bordelais et avoir décidé de finir la soirée avec eux en boite de nuit.
Les enquêteurs retracent alors les événements de cette nuit. Vers 4 h du matin, l’étudiante repart en taxi de la boite de nuit avec Denis Coulson, en direction de l’hôtel. Les images de vidéo surveillance de l’hôtel témoignent d’un état d’ébriété avancé, la jeune femme tenant difficilement debout. Par deux fois, elle tente de retourner dans le taxi, mais est retenue par le joueur. Les expertises toxicologiques révèleront qu’elle avait alors entre 2,2 et 3 g d’alcool par litre de sang.
Les faits qui se sont déroulés dans la chambre sont, eux, mis en lumière par une vidéo, tournée par Denis Coulson puis étayés par les auditions des mis en cause. Des fellations auraient été pratiquées ainsi que l’introduction d’une banane, d’une bouteille ainsi que des béquilles dans le vagin de la jeune femme. Des cellules épithéliales seront d’ailleurs retrouvées sur la béquille du joueur, qui s’était blessé quelques heures plus tôt lors de la rencontre contre l’UBB.
"Appréciation du consentement"
Au cœur des débats, l’éternelle question du consentement et plus précisément, celle de "l'appréciation du consentement par les agresseurs”, posée alors par Me Cadiot-Feidt. Dès le lendemain des faits, au matin, la victime porte plainte pour viol. Sur son trajet, en quittant l’hôtel, elle appelle sa mère et une amie, visiblement en état de choc. Elle sera entendue par la police quelques heures plus tard. Cette nuit d’hôtel, la victime ne s’en souvient pas. Elle n’a plus aucun souvenir à partir de son départ de la boîte de nuit.
Face à elle, les cinq hommes affirment, eux, avoir eu des relations sexuelles consenties, indiquant que la victime avait même “pris des initiatives”. Des versions divergentes, régulièrement entendues lors de procès pour viol, qui posent ici aussi la question des responsabilités, et des altérations du discernement. "Elle veut être reconnue en sa qualité de victime, comme de nombreuses femmes qui ont vécu ce qu'elle a vécu", indique Me Cadiot-Feidt.
Dans cette affaire, l’alcool est, lui aussi, devenu l’un des accusés à part entière. En juin déjà, l’avocate de la victime dénonçait les pratiques festives de la jeunesse. "Tous ces jeunes qui picolent à se mettre dans des états pas possibles, voilà la problématique de ce dossier", regrette Anne Cadiot-Feidt.