Elles travaillent pour l'hôpital public, les collectivités territoriales, l'éducation, la justice ... En Nouvelle-Aquitaine, le secteur public emploie 310 800 femmes dont l'INSEE a étudié la rémunération. Une analyse inédite aux conclusions surprenantes : les salariées du public gagnent en moyenne 16% de moins que les hommes.
C'est un secteur hyper féminisé : 65% des salariés sont des femmes. Un domaine où l'on imagine pas qu'il puisse y avoir des inégalités. Et pourtant, l'étude menée par l'Insee en partenariat avec la direction régionale aux droits des femmes et à l'égalité, mesure une réelle disparité femmes-hommes.
"Dans le public, on essaye d'être exemplaire. On a plus de mal à prendre conscience des disparités. On savait qu'elles existaient. On avait besoin d'objectiver" explique Sophie Buffeteau, directrice régionale aux droits des femmes et à l'égalité.
Nadia Wojciechowski, Chef de projet à l'Insee Nouvelle-Aquitaine rappelle que le recrutement dans la fonction publique se fait par concours et le positionnement sur une grille indiciaire.
"Au départ, les hommes et les femmes gagnent la même chose"
Nadia Wojciechowski,Insee Nouvelle-Aquitaine.
Mais au fur et à mesure de l'avancement dans la carrière, l'écart se creuse et les femmes perçoivent en moyenne un salaire mensuel net inférieur de 16% contre 22,1% dans le privé. Un écart plus resserré donc que dans le privé mais non négligeable note Nadia Wojciechowski. En moyenne, une femme va gagner 1640 euros, un homme 1946 euros par mois. Dans le secteur du soin, la différence s'élève à 616 euros pour un salaire net moyen.
L'une des explications réside dans le temps de travail. Les femmes sont deux fois plus nombreuses à choisir un temps partiel dans le public en Nouvelle-Aquitaine (elles sont trois fois plus nombreuses que les hommes à faire ce choix dans le privé). 26 % d'entre elles le font pour élever leurs enfants ou pour s'occuper d'un proche contre 6% chez les hommes.
Mais selon l'étude de l'Insee, les trois quarts des écarts de salaires s'expliquent par des positions professionnelles moins avantageuses : les femmes occupent des postes moins qualifiés et moins bien rémunérés. Elle sont aides-soignantes ou infirmières quand les hommes sont médecins. Elles seront plutôt professeures des écoles plutôt que professeures agréées.
A volume de travail égal, les néo-aquitaines gagnent 13% de moins que les hommes contre 16% dans le privé.
Et plus on monte dans la hiérarchie, moins elles sont représentées. Elles sont 40% aux postes dirigeants. Depuis 2012, la loi Sauvadet impose un minimum de personne de chaque sexe en cas de recrutement sur les emplois de l'encadrement supérieur. La loi de transformation de la fonction publique en 2019, a renforcé l'égalité professionnelle. La tendance s'inverse lentement mais, pour Sophie Buffeteau, le plafond de verre n'a pas été brisé. Et, indique l'étude, de l'Insee, "la féminisation diminue avec le niveau de responsabilité" tandis que l'écart salarial se creuse un peu plus. Les 10% de femmes les mieux rémunérées ont un salaire 17,5% inférieur à celui des hommes.
Or le secteur public est le premier employeur des femmes et il représente 20% de l'emploi en France. Y faire progresser l'égalité femmes hommes peut avoir valeur d'exemple. La direction régionale aux droits des femmes et de l'égalité met en place un plan d'action qui se traduit par des actions pour encourager la mixité des métiers. Dès l'orientation dans l'éducation nationale, insiste Sophie Buffeteau, "il faut ouvrir le champ des possibles et ne pas s'interdire une voie trop genrée". Dans la fonction publique, le label égalité-diversité conduit à examiner toutes les étapes du processus et à mettre en place des mesures correctives. A la direction régionale de l'emploi, de l'économie, du travail et des solidarités, il a permis, par exemple, une prise de conscience et la mise en place d'outils pour développer une culture et des réflexes d'égalité femmes-hommes. Mais la problématique est plus sociétale que managériale. Les femmes s'autocensurent, concède Sophie Buffeteau qui cite également le "facteur de l'entre soi qui pousse des hommes à recruter des hommes".
On aimerait que ça bouge plus vite, qu'il y ait de plus en plus de femmes dans la haute fonction , qu'elles jouent un rôle d'exemple pour les autres.
Sophie Buffeteau Direction régional aux droits des femmes et de l'égalité
Elle donne en exemple MarianN-A, un réseau informel de hautes fonctionnaires qui vise à se rencontrer, se soutenir. Six ateliers sont proposées autour de six thèmes. En Avril, il sera question des saboteurs, ces freins qui ralentissent les femmes. Autre thématique qui sera débattue le management innovant.
Les femmes ont parfois le sentiment de devoir inventer parce qu'elles sont les premières à occuper le poste.
En discutant, elles prennent conscience que les difficultés qu'elles rencontrent ne sont pas du à leur incompétence, qu'elles ne sont pas les seules à les vivre.
A profil identique, les salariées de la fonction publique gagnent 3% de moins que les hommes en Nouvelle-Aquitaine. Réduire la disparité femmes hommes passe d'abord par un meilleur accès aux postes à responsabilité ou mieux rémunérés.