"L'Exode" : une marée humaine de 1 800 000 réfugiés a déferlé sur Bordeaux en juin 1940

Il y a 80 ans, la débâcle de l'armée française et les bombardements jettent 8 millions de personnes sur les routes. Venues du Nord de la France, mais aussi des Pays-Bas, de Belgique, du Luxembourg. Beaucoup prendront la direction du Sud-Ouest et notamment de Bordeaux.

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Le 10 mai 1940, c'est le tournant de la "drôle de Guerre" qui oppose alors les Allemands aux Français.
Contournant la fameuse ligne Maginot, l'armée allemande (Werhmacht) envahit les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique et pénètre en France par les Ardennes.

Depuis plusieurs jours, le Nord de la France et ses pays limitrophes subissent des bombardements incessants occasionnant des centaines de victimes civiles et d'énormes dégâts sur les habitations. Dans un premier temps, les familles se terrent dans les caves et dès le 10 mai (Sedan), commencent à fuir pour sauver leurs vies.

En France, elles fuient notamment de Dunkerque, Lille ou Tourcoing, mais aussi la Lorraine. Des villes devenues fantômes, vidées parfois de près de 95% de leur population.

 

Des civils sur la ligne de front

D'après Christian Bloch, directeur du Centre Jean Moulin à Bordeaux:

"C'est la débâcle et par définition rien n'est organisé. Il n'était pas "prévu" de fuir face à l'armée allemande. Et ce reflux empêche la mobilités des troupes car des civils se trouvent sur le théâtre des opérations".

C'est un mouvement de panique des militaires qui n'avaient pas imaginé ce contournement des Allemands par les Ardennes et qui, d'ailleurs ne fonceront pas non plus directement vers Paris. D'où la surprise des civils qui tentaient de rejoindre la Normandie ou la Bretagne


Ce qui caractérise aussi cette période c'est la diffusion de fausses informations par les Allemands mais également par l'angoisse qui montent chez les Français. Car "la rumeur", d'après Christian Bloch, "donne toujours 50 kilomètres d'avance aux Allemands".

Cette foule hétéroclite prend d'abord la direction de Paris, s'entasse dans les gares, parcs et jardins de la capitale avant de prendre le train ou de reprendre la route... et beaucoup vers le Centre et le Sud-Ouest.

Fuyant l'invasion allemande, ils déserteront également la Capitale, comme les instances politiques d'ailleurs.

Il s'agit pour beaucoup de familles entières, souvent des femmes, vieillards et enfants de tous les âges, juchés sur des charrettes, tractés sur des poussettes désarticulées, emportant très peu d'effets personnels.

Les plus chanceux fuient en voiture (qu'ils abandonneront quelques jours plus tard faute d'essence...) avec des matelas sur le toit "non pour leur confort personnel, mais parce que les stukas allemands mitraillent ces convois de réfugiés... une protection dérisoire..."

Un contexte historique pesant

Le nord de la France est déjà meurti par de nombreuses guerres et ce sur trois générations. Les rancoeurs sont lourdes, les peurs indomptables. D'après Christian Bloch, ce énième conflit éclate dans une France très divisée opposant les bellicistes "qui veulent poursuivre la lutte, aux défaitistes et puis il y a aussi les conciliants" qui feront le lit de la collaboration...  

L'avocat bordelais Bertrand Favreau participe à un ouvrage collectif bientôt publié ("Juin 1940 à Bordeaux") qui devrait faire l'objet d'un colloque à Sciences Po Bordeaux à la rentrée.

Il s'est beaucoup intéressé à cette période historique de mai-juin 1940, dense en événements qui ont été déterminants dans ce tournant de la seconde guerre mondiale.

"L’exode est né de la fin de la « drôle de guerre » et de l’envahissement, le 10 mai 1940, de la Belgique, du Luxembourg, des Pays-Bas mais aussi de la France, par l’armée allemande. En moins d'un mois, elle va enfoncer le front, percer à Sedan et se retrouver aux portes de Dunkerque encerclant les armées alliées."

Une confusion existe aussi sur les pertes humaines durant cette "drôle de guerre" parmi les militaires et pourtant ce mois de mai sera sans doute plus meurtrier encore côté civil.

"En comparaison, l’exode va tuer beaucoup plus de civils. On estime à 100 000 le nombre de personnes tuées lors de l’exode de juin 40". (voir Eric Alary, L'exode. Un drame oublié, Paris, Perrin, 2010).

1 800 000 réfugiés à Bordeaux

D'après les chiffres des archives municipales, on sait que dès la fin du mois de mai, la population explose à Bordeaux. On parle de 1 800 000 réfugiés dans l’agglomération bordelaise.

Des hommes, des femmes, des enfants venus de Belgique, de Hollande et du Luxembourg. Ils viennent s'ajouter à d'autres réfugiés accueillis récemment : les Espagnols fuyant le franquisme (depuis 1936), mais aussi les émigrés juifs fuyant le IIIè Reich.

Fin mai et début juin, ce sont les Français qui affluent.

Selon Christian Bloch, directeur du centre bordelais Jean Moulin: " Ces réfugiés symbolisent pour les gens d'ici une double inquiétude :  les Allemands l'emportaient mais aussi nos militaires étaient blessés ou tués...là-haut, au front".

Pour les familles, c'est aussi un coup au moral car, en miroir, cela renvoie à leur propre famille qui pourraient vivre la même chose... la guerre épargne peu.

 


A cette époque, on ne compte que 300 000 habitants à Bordeaux, qui dépassera le million (voire 1,5 million) avec cet afflux de population. La ville doit, alors, rapidement faire face à des problèmes de ravitaillement, d’hébergement et sanitaires.

Après le 10 mai, l'exode vers le Sud-Ouest se fait en deux étapes.

Selon Bertrand Favreau: "Les premiers ont été les Belges et les Luxembourgeois (et quelques Néerlandais moins nombreux). Depuis le début de la guerre, même avant l'offensive allemande, Bordeaux avait été choisie comme lieu de refuge, non seulement en raison du précédent de la guerre de 1914-18 mais aussi parce que la ville semblait être le lieu le plus éloigné des combats.

(...) Aux alentours du 16 mai, la Gironde est submergée.

(...) Au lendemain de la capitulation de l'armée belge, une longue cohorte de voitures immatriculées en Belgique est entrée dans la ville. Elle a été aussitôt rejointe par les réfugiés du nord et de l'Est. Désormais, ce ne sont plus de luxueuses limousines, ou des immatriculations étrangères qui pénètrent dans la cité, ce sont des voitures remplies de passagers avec sur le toit des lits, ou des chaises et des matelas ; boucliers dérisoires contre les stukas en piqué (l'aviation allemande) qui attaquent les convois entiers.

Bordeaux "assiégée"

À Bordeaux, les Belges, même les gendarmes parfois encore en uniforme, sont partout. A l'hôtel de ville, devant le consulat de Belgique ou la préfecture: 

"Un nouveau Consul a dû être nommé, Raymond Herremans, à partir du 20 mai. À peine installé, il décrit «la plus grande confusion: une chancellerie exiguë, encombrée, bruyante, littéralement assiégée par la foule des réfugiés ». (...)Une telle foule n'est plus contrôlable. "

Les réfugiés étrangers indésirables en Gironde

D'après Christian Bloch, directeur du centre Jean Moulin à Bordeaux, c'est d'abord un sentiment de solidarité qui domine parmi les Bordelais qui voient ces gens affluer dans leurs rues.

Mais le 20 mai, la situation à Bordeaux est dramatique. "Bordeaux, qui est un isthme finalement, est complètement bloquée avec un seul accès sur la Garonne, par le Pont de Pierre... Il y a une forte concentration à la gare. Sur la place Pey Berland, les gens se garent et dorment dans leur voiture... Les gens sont logés par la mairie, les associations,.. La Croix rouge et des étudiants apportent des couvertures".

C'est là qu'un arrêté est pris pour que les réfugiés belges, hollandais et luxembourgeois se présentent aux autorités car ils doivent quitter le département de la Gironde.

Chacun commence à se sentir à l'étroit au milieu de cette foule qui s'est agglutinée à Bordeaux.

Selon Bertrand Favreau: "Déjà une xénophobie s’empare des esprits primaires qui accusent les « étrangers », ceux que l'on appelle les « repliés », les évacués ou les réfugiés d'être des faux belges. En raison de leur accent, les Belges néerlandophones sont malheureusement pris pour des Allemands et soupçonnéd d’être les premiers éléments de la fameuse « Cinquième Colonne »…."

Il n’y a plus de chambres dans les hôtels, plus de meubles dans les restaurants : les édifices publics sont tous réquisitionnés par les ministères, les Bordelais eux-mêmes voyaient leurs maisons envahies par les parisiens.

Dès lors, la ville semble ne jamais désemplir. A la Gare Saint-Jean, les trains se succèdent débordant de nouveaux réfugiés. Les gens dorment dans la gare, dans les parcs, les jardins, dans les voitures garées sur les places, notamment Place Pey Berland.

Défiances et rationnements

Les Bordelais qui instinctivement ont accueilli ces réfugiés, les ont aidés, ont éprouvé de la solidarité... ne savent plus comment réagir face à cette marée humaine et démunie. Ces "autres" dont certains ne parlent même pas le Français commencent à être trop nombreux. Il va falloir partager...et c'est la Guerre pour tout le monde, se dit-on.

"À partir du 6 juin, l'eau est rationnée et n'est distribuée en permanence que dans les rez-de-chaussée et les premiers étages".

Autour du 10 juin, "la situation empire au point que les familles de réfugiés belges comme les familles de réfugiés français qui sont venues les rejoindre sont sommées de quitter Bordeaux et un périmètre de 20 kilomètres autour de Bordeaux, avant le 13 juin midi, dernier délai".

Interdits de séjour, ces derniers chercheront leur nouvelle terre d'asile dans les départements voisins : Landes, les Charentes, Dordogne ou Deux-Sèvres.

"Il s'agit de faire de la place. Le Gouvernement Français a quitté Paris".

Le tout-Paris en repli à Bordeaux

C'est toute la France qui fuit ses villes, les zones de combat envahies par les panzers et désertées par les civils comme les militaires. Paris se vide également. Le gouvernement d'abord replié à Tours, prend la direction, une fois encore, de Bordeaux. Les artistes aussi.

On voit surgir Louis Jouvet, Jean Renoir, Madame Simone, Marcel André.

On y croise Jean Giraudoux ou Marc Allegret, André Gide, Edmond Jaloux, et, Antoine de Saint-Exupéry « l’air d’un chat boudeur » dira Julien Green.

Bordeaux est aussi la ville des rumeurs, des fausses nouvelles et de la peur. La ville est surpeuplée,chaque réfugié nouveau apportait avec lui sa peur.

En temps de guerre et d'urgence, le monde s'est donné rendez-vous à Bordeaux en ce mois de juin. Civils, politiques, artistes et journalistes recréent provisoirement au milieu du chaos un semblant de société française... provisoire.

"Un centre d'accueil a été mis en place au siège de la radiodiffusion nationale, rue Ernest-Renan (où se trouve aujourd'hui le siège de France 3 Aquitaine, NDLR). Les collaborateurs attitrés de la radio ont été d'office évacués sur Bordeaux dès le 10 juin. La rue Ernest-Renan ressemble donc à une annexe du boulevard de Strasbourg de Paris. " note Bertrand Favreau.

Le gouvernement français à Bordeaux

C'est également dans ce contexte chaotique que le gouvernement français s'installe, dès le 14 juin, provisoirement à Bordeaux, jusqu'au 28 juin, il prendra ensuite ses quartiers à Vichy.

D'après Bertrand Favreau:

" Le 11 juin, Reims a été déclarée ville ouverte. La marche sur Paris est inexorable. C'est le début de la débâcle… Le gouvernement quitte Paris pour s’installer dans un premier temps en Touraine. Avant de se rendre à Bordeaux.

Le vendredi 14 juin 1940, le préfet de la Gironde Bodenan a été chargé de préparer l’installation du gouvernement et de tous ceux qui vont l’accompagner. Au sous-préfets de Libourne, Blaye et Langon, il a adressé une circulaire « très secrète du Ministre de l’Intérieur » leur enjoignant de rester à leur poste. "


C'est la troisième fois, qu'en tant de crise (de guerre), l'Etat se replie à Bordeaux devenue capitale provisoire de la France (1870, 1914 et 1940), avec son cortège de fonctionnaires et leurs familles à la clef, sans compter les documents et archives..."C’est onze cents personnes qui vont se replier de Tours à Bordeaux, nécessitant la réquisition de trois cents bureaux".

Le président de la République, Albert Lebrun, occupe, lui, l’hôtel de la préfecture et le président du Conseil (chef du gouvernement sous la IIIè République), Paul Reynaud, investit un bâtiment rue Vital-Carles.

Rapidement, les plus beaux sites du centre-ville sont réquisitionnés pour les ministères mais aussi pour loger toutes ces personnalités.

" Il fallait tenter de loger tout le monde. Il n’y a que 450 hôtels à Bordeaux, de qualité très diverse...(...) Le Maréchal Pétain est sur le Boulevard Wilson, dans un hôtel particulier, entouré d’un parc, 304, boulevard du Président, Wilson. Mais le propriétaire Monsieur Desbarats, est absent et c’est la concierge qui va accueillir le maréchal et lui prêter ses plus beaux draps."

Peu à peu, les députés vont arriver. Selon les archives de police, 87 députés et 44 sénateurs sont passés ou ont résidé à Bordeaux entre le 14 et le 20 juin 1940, d'après les décomptes des services de la préfecture.

Diplomatie et terres viticoles

Au-delà du gouvernement français, c'est aussi toutes les ambassades étrangères qui ont quitté Paris pour se faire une place en Gironde.

Selon Bertrand Favreau: "Ainsi, l’ambassadeur des Etats-Unis est installé à Haut-Brion à Pessac où était venu Jefferson quelques cent cinquante ans plus tôt."

Celui d’Argentine chez l’industriel Souillac à Caudéran, non loin du Parc Bordelais. Les services de l’ambassade de Grande-Bretagne iront au château Filhot à Sauternes, mais seront compte-tenu de l’éloignement, aussitôt cumulés avec ceux du consulat de Bordeaux rue d’Enghien, près des Quinconces.

Et ainsi de suite, les ambassades s'installant sur des terres viticoles de renom du Médoc à St Emilion.

Un tournant de l'histoire se joue à Bordeaux

À cette époque, Adrien Marquet est maire de Bordeaux. Il est favorable à un armistice (défenseur des accords de Munich) et multiplie les réunions en ce sens. Il sera nommé ministre d'État, le 23 juin 1940, par Pétain devenu le nouveau président du Conseil, puis au ministère de l'Intérieur et aidera Pétain à obtenir les votes lui assurant les pleins pouvoirs. 

Il prônera la Collaboration avec l'Allemagne nazie, notamment dans son journal "Le Progrès de Bordeaux", ne dénoncera pas les rafles de juifs durant l'occupation, ni ne s'opposa aux déportations.

C'est dans l'hôtel du préfet, l'hôtel de Nesmond, rue Vital Carles que se joue le destin momentané de la France. On n’en connaît parfaitement l’histoire. Entre le 15 et le 16 juin, trois conseils des ministres s'y tiendront en 24 heures.

Sans vote formel, le président du conseil Paul Reynaud estimera ou préférera croire qu'il a été mis en minorité pour la poursuite du combat et démissionnera.

Le président Paul Lebrun appellera pour le remplacer le maréchal Pétain "qui prône depuis déjà plusieurs jours une capitulation sous la responsabilité des civils en la forme d’une demande d'armistice."

Auréolé de sa victoire à Verdun (1916), il  le nomme à la place du démissionnaire. Dans son célèbre discours du 17 juin, Henri-Philippe Pétain, le nouveau président du conseil exhorte les Français "à cesser le combat".

Sans plus attendre, le colonel Charles De Gaulle, alors sous-secrétaire d'état à la guerre, s'envole, le jour-même, de l'aéroport de Mérignac vers Londres et lancera son appel à la Résistance, le lendemain, 18 juin.

Un cessez-le-feu sans armistice

L’armistice, signé le 22 juin, entre en vigueur le 25 juin instaurant une zone d’occupation dont Bordeaux va faire partie. Les réfugiés sont pris au piège.

Bertrand Favreau

Les réfugiés mais pas seulement. Car comme le rappelle Christian Bloch, du Centre Jean Moulin, Pétain "ne pouvait réclamer aux Français de baisser les armes sans un armistice"...

Cette déclaration est vécue par beaucoup comme la première de ses trahisons occasionnant plusieurs tragédies entre le 17 et le 25 juin, militaires et civils ne sachant quel ordre suivre ou ne voulant y croire.

Pourtant, ce 17 juin marque la fin de cette période d'exode. Et bon nombre de Français commenceront à reprendre le chemin du retour.

 

Bordeaux bombardée

Dès lors, la guerre n'est pourtant pas finie et l'armée allemande joue la carte de la terreur, mettant la pression sur le gouvernement français en bombardant la ville.

Philippe Souleau écrit sur le site de l'AJPN (Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie dans les communes de France):

" La ville est bombardée par la Luftwaffe dans la nuit du 19 au 20 juin. Le bilan est lourd : 63 morts et 185 blessés. De nombreux ponts sont détruits par l’armée française pour protéger sa retraite et retarder l’ennemi, comme dans le pays foyen.
Une ligne de démarcation, conformément à la convention d'armistice franco-allemande du 22 juin, divise la région en deux zones. "

Le littoral atlantique est englobé dans la zone occupée et les Allemands mettent la main sur le port de Bordeaux.

Entre le 21 et le 24 juin 1940, plus de 260 civils et militaires s'embarquent à Bayonne et à Saint-Jean-de-Luz sur des navires belges et polonais à destination de l'Angleterre. Parmi eux, René Cassin, Daniel Cordier et Raymond Aron, figures majeures de la France Libre.

Un autre appel à la Résistance, moins connu, est lancé à Bordeaux le 17 juin par Charles Tillon, en marge de la ligne politique du parti communiste.

Le général Von Faber du Faur, prend possession de ses bureaux le 28 juin.

Le 29, le gouvernement français quitte Bordeaux pour Vichy.
Le 1er juillet, Bordeaux est officiellement occupée.


Comment repartir ?

D'après Bertrand Favreau, "depuis le 18 juin, tout le monde veut partir. Or, on ne pouvait espérer partir qu'avec une autorisation de sortie du territoire délivrée par le BCMC, qui en réalité fonctionnait auprès du Ministère de l'Intérieur, c'est-à-dire à la Préfecture, rue Esprit des Lois.

Jusqu'au 20 juin, les autorisations ont été données à la Préfecture prise d'assaut.(...) Les gens se bousculaient pour obtenir les uns avant les autres leur passeport pour l'Espagne".

Le Consul de Sousa Mendes

C'est à ce moment que le Consul du Portugal, Aristides de Sousa Mendes, est entré dans l'histoire, celle des justes notamment. Non pas sans cas de conscience.

Malgré la circulaire du gouvernement portugais de Salazar (11 novembre 1939) réglementant l'entrée au Portugal et interdisant au consul de délivrer, sans en référer au Ministère des Affaires Etrangères, des passeports ou des visas aux étrangers de nationalité indéfinie (apatrides, juifs expulsés de leur pays et déchus de leur nationalité, exilés politiques, les citoyens des pays de l'Est), le consul se trouve face au cas de conscience de sa vie.

Car en respectant cette procédure, des refus lui sont opposés et devant l'urgence pour des milliers de civils, Aristides de Sousa Mendès prend alors une décision majeure " Je donnerai des visas à tout le monde."

Le 18 juin, le consulat est resté ouvert jusqu'à 24 heures. Malgré un bref passage à l’hôtel Splendid où le consul rencontrera l'écrivain Eugène Bagger, il travaillera jusqu'à 2 heures du matin. Beaucoup des candidats au voyage veulent offrir de l'or, des bijoux. Inutile, les visas sont octroyés indistinctement aux riches comme à ceux qui n'ont rien. Le droit perçu est indistinctement de 3 $ au début, puis on laisse à la police des frontières le soin de l'encaisser (B.Favreau)

Le 23 juin, il sera démis de ses fonctions et révoqué en octobre. Retiré de la société, il mourra, en 1954, presque oublié de tous.

À partir du 20 juin, on estime que des milliers de réfugiés ont pu quitter Bordeaux. Les frontières se ferment et le 25 juin, l'armistice entre en vigueur. 

Des enfants perdus

La fuite, les mitraillages sur les route, le long chemin... Cet exode a souvent dispersé les familles et beaucoup d'enfants perdus ne retrouveront jamais leurs parents.

Dès le mois de juin, on tente de se retrouver via les journaux qui publient alors des annonces, parfois en vain. La Croix-Rouge française estime à 90 000 le nombre de ces enfants perdus durant l'exode de mai-juin 1940.

 

Retours en zone occupée

Dès juillet 1940, le gouvernement de Vichy établit un plan de rapatriement.

Toute une logistique est prévue avec des itinéraires, des relais gîtes et ravitaillements et des transports. Et le 1er août 1940, ces dispositions générales comprenent également des cartes et classent les réfugiés en plusieurs catégories.

Un plan "contrarié" par les sabotages, bombardements mais aussi par une certaine confusion dans l'établissement des lignes de démarcation.

Dans l'Est, les Nazis encouragent les habitants d'Alsace et Moselle (annexée par l'Allemagne, ces habitants devenant ainsi citoyens allemands) à rentrer, mais pas les communistes, francs-maçons, juifs, ni des militaires de l'armée française ou belges... et les troupes coloniales qui ne sont pas les bienvenus. 

On parle fin août de 1 600 000 "rapatriés", en France occupée.

Pour Vichy, au 1er février 1941, sept millions de Français auraient fuit, réjoignant souvent les métropoles en zone libre qui accueilleront aussi les hommes démobilisés.

EN SAVOIR PLUS:

Regardez le documentaire

"L'exode", sur France 3 en replay ( diffusion le lundi 8 juin 21h05 )

Réalisé par Emmanuelle Nobécourt avec la collaboration de Bertrand Collard

 

 

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