Il y 80 ans des millions de Français fuyaient les armées allemandes sur les routes de l’Exode

Le 3 septembre 1939, l’Angleterre d’abord et la France ensuite déclarent la guerre à l’Allemagne. En mai et juin 1940, entre 8 et 10 millions de Français et d'étrangers se jettent sur les routes de France pour fuir l’armée allemande. Cet exode se déroulera en deux vagues.
 

10 mai 1940 : première vague d'exilés


Entre le 3 septembre 1939 et le 10 mai 1940, la France connaît la « drôle de guerre », une expression inventée par le journaliste et écrivain Roland Dorgelès : pendant huit mois, soldats français et allemands se font face, les premiers cantonnés sur la ligne Maginot longue de plus de 700 kilomètres, les seconds derrière la ligne Siegfried.
Chaque camp n’est pas encore prêt à attaquer. Mais le 10 mai,  la Werhmacht prend l’initiative et envahit les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique. Elle contourne la ligne Maginot et pénètre en France par les Ardennes. L’armée française est dépassée, c’est la débâcle.

Des Français du Nord de la France, des Belges, des Hollandais et des Luxembourgeois fuient l’envahisseur allemand.
Les familles partent en catastrophe vers Paris. Le nombre de gens en fuite est déjà conséquent : Lille a perdu près de 180 000 habitants sur les 200 000 qu’elle comptait. Tourcoing n’a plus que 7 000 habitants sur une population de 82 000.

Les Parisiens voient ces réfugiés occuper les halls de gare, les squares. Ils dorment à la belle étoile dans les squares et autres jardins publics.
Fort heureusement, la météo de ce printemps de mai 40 est clémente. Paris n’est qu’une étape pour ces réfugiés.  Nombreux sont les parlementaires belges qui partiront dans la région de Limoges et d’autres de leurs concitoyens trouveront refuge à Poitiers.


Le gouvernement de Paul Reynaud fait savoir qu’il gère la situation et qu’il n’est pas question pour lui de quitter la capitale.
Le 21 mai, soit dix jours après la percée allemande, les Britanniques rapatrient leurs troupes par le port de Dunkerque. Jusqu’au 4 juin, ils réussiront le tour de force d’évacuer près de 330 000 soldats dont 120 000 Français.

En moins de 15 jours, le pays est envahi par le nord, des milliers de réfugiés se retrouvent sur les routes et les troupes alliées quittent la France.  Notre pays va subir à partir de juin une désorganisation militaire et un effondrement moral sans précédent.

 


La seconde vague

Les aéroports du Bourget et de Villacoublay, près de Paris, sont bombardés par la Luftwaffe le 3 juin. Le bilan lourd de 250 morts crée un mouvement de panique chez les Parisiens qui commencent à déserter la ville. Le 10 juin,  près de deux millions d’entre eux quittent la capitale à l’annonce du front français percé de tous les côtés par les troupes allemandes. Et toujours ce 10 juin, l’Italie fasciste déclare la guerre à la France et l’Angleterre.

Ce sont des millions de Français qui se rajoutent aux milliers de réfugiés venus de Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas et qui fuient vers le sud-ouest. C’est un « tsunami » de femmes, d’hommes, jeunes et moins jeunes, d’enfants et ce de toutes conditions sociales qui envahissent les routes.
 


Il faut parfois plusieurs heures pour parcourir quelques kilomètres. Certaines villes et villages de la région Centre Val de Loire comme Sully-sur-Loire deviennent des dortoirs. Les hôtels étant complets, les gens dorment dans leurs voitures, certains dans leurs carrioles et même le long des routes à la belle étoile. La solidarité n’est pas toujours de mise : des réfugiés qui demandent de l’eau se voient réclamer de l’argent. Pour simplement dormir dans un champ, certains propriétaires n’hésitent pas à le louer à des prix indécents.

 

Un gouvernement en panique ou Bordeaux capitale de la France

Le 18 mai, Paul Reynaud, le Président du conseil, remanie son gouvernement en y faisant entrer Pétain comme vice-Président du consei. Le 5 juin, le Général De Gaulle est nommé sous-secrétaire d’Etat à la guerre.
Devant l’avance rapide de l’armée allemande, le gouvernement quitte la capitale en catimini dans la nuit du 9 au 10 juin pour Tours. Les ministres et leurs services se dispersent en Touraine dans une vingtaine de châteaux. Une réunion en présence de Winston Churchill se tient le 13 juin à la préfecture de Tours et le soir même la décision est prise de rejoindre Bordeaux.

En 75 ans et pour la troisième fois de son histoire, Bordeaux est la capitale de la France. Le 15 juin, un premier conseil des ministres fait apparaître des divergences entre les partisans de la poursuite de la guerre et ceux qui veulent mettre fin au conflit. Ces derniers obtiennent gain de cause : Paul Reynaud démissionne et Pétain devient le 16 juin le président du conseil du dernier gouvernement de la Troisième République. Le 17, il demande à Hitler la cessation des hostilités. Ce même jour, De Gaulle s’envole de Mérignac, dans la banlieue de Bordeaux, pour Londres d’où il lancera son appel le 18 juin.
Il ne reviendra en France que le 14 juin 1944 à Courseulles sur mer en Normandie lors du Débarquement allié. Le 17 juin 1940 reste marqué comme la fin de l’exode et des milliers de familles rentrent chez elles.

De l’exode à Vichy

La débâcle inclut la défaite militaire mais aussi la faillite de l’état et de ses institutions. Mais des élus et des hauts fonctionnaires, sans oublier les citoyens ont eu des comportements de générosité et parfois d’héroïsme dans ces situations extrêmes.
Jean Moulin, sous-préfet de Chartres en Eure- et-Loir, refuse de signer un document laissant croire que les tirailleurs sénégalais de l’armée française ont commis des violences sur les civils.
En quelques semaines, les chiffres montrent l’ampleur de cette débâcle : entre 85 000 et 90 000 morts, 125 000 blessés et 15 000 disparus. La Croix-Rouge a estimé à 90.000 le nombre d’enfants perdus et abandonnés.


Les 1 600 000 prisonniers de guerre français illustrent l’échec de la stratégie de l’état-major.
En devenant chef du gouvernement le 10 juillet, le Maréchal Pétain s’emparera du désarroi de ces millions d’exilés pour mieux critiquer ses prédécesseurs et donc asseoir sa légitimité en tout cas pour un temps limité.

 

L'interview de l'historien Dominique Lormier

 
 

Trois livres de Dominique Lormier qui sortent dans les semaines à venir :
Mai-juin 1940 : les causes de la défaite, éditions Alisio, 27 mai 2020.

Les vérités cachées de la défaite de 1940, éditions Le Rocher, 3 juin 2020.

De Gaulle intime et méconnu, éditions Alisio, 10 juin 2020.
 
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