D'un côté des femmes qui sortent de leur détresse pour en parler, de l'autre des passages à l'acte des conjoints ou ex-conjoints qui n'hésitent pas à tuer. Avocats et associations savent que le temps de l'action de la justice et de la police est primordial.
" Plus une seule permanence sans qu'il y ait une, deux, trois femmes victimes de violences conjugales. " assure Marie-France Raybaud la directrice du CIDFF( centre d'information sur le droit des femmes ). Le centre à Bordeaux reçoit ces femmes en détresse, c'est une aide gratuite qui est proposée. Elles sont de plus en plus nombreuses à venir demander de l'aide. Effet de la communication autour de ce phénomène de société probablement.
Les juristes sont alors là pour leur expliquer que ce qu'elles vivent, ça peut commencer par une gifle, c'est interdit pas loi. " Il y a une seule personne responsable, c'est l'auteur des violences. Elles ont un sentiment de culpabilité. "Elles ont conscience que quelque chose ne va pas mais ne parlent pas de violences conjugales. Elles viennent pour avoir un renseignement. Même après un passage à l'acte violent, il peut y avoir une minimisation.
Muriel Springaux - juriste au CIDFF de Bordeaux -
Comment agir efficacement pour éviter le pire ?
Fréquemment, avant le passage à l'acte qui peut-être fatal à la femme, il y a eu des plaintes, des signalements, la justice est saisie, la police enquête. " Les délais de mise en place de mesures peuvent être longs." contaste la juriste du CIDFF. " On a toujours l'impression que c'est trop long et les femmes ont peur et le délai peut-être dramatique. "C'est de l'urgence et en même temps les tribunaux ont un temps qui n'est pas le même que les victimes, il y a forcément besoin d'une enquête etc...
Muriel Springaux
Lorsque la justice est saisie, le procureur peut demander un contrôle judiciaire avec interdiction d'approcher l'ex-conjointe, et en attendant convocation devant un tribunal. Le magistrat décide en fonction de la gravité des faits.
Quand il y a une simple interdiction d'approcher, les plus dangereux peuvent la contourner.
Muriel Springaux
Pour le moment, lorsqu'il y a une interdiction d'approcher, il y a le téléphone grave danger qui peut être confié à la femme en détresse.
L'urgence s'exprime beaucoup plus qu'auparavant d'après la directrice du centre. Auparavant, le centre répondait au besoin d'hébergement de la femme victime de violence, pour elle et ses enfants. " La question n'est pas que l'hébergement. Au-delà de la séparation, les choses ne sont pas résolues. Et comment arrêter l'ex-conjoint qui peut avoir un sentiment de vengeance, qui cherche à éliminer celle qui représente un échec ? " Marie-France Raybaud pose la question. " Il faut un engagement fort de la justice et la police " ajoute-elle.
Une observation au CIDFF de Bordeaux : " On voit un certain nombre de femmes étrangères avec un conjoint français ou dans le cadre du regroupement familial dont la situation administrative dépend du conjoint. Et dans ce cas, ça se dégrade très vite avec des violences et la peur,pour la femme, du droit d'exister sur le territoire. C'est une vulnérabilité et les cas sont nombreux. "
Chaque année, le centre reçoit environ 1500 femmes victimes de violences. Pour les juristes, cela représente un quart de leur activité.
Réduire les délais
Y a-t-il eu un effet " Grenelle des violences conjugales" ? Anne Cadiot, avocate à Bordeaux, observe un changement dans l'approche des dossiers relevant de ces faits depuis début septembre.
" Le parquet de Bordeaux a mis le paquet." affirme-t-elle. "Il prend la main"
Anne Cadiot, ex-bâtonnière du barreau de Bordeaux, traite amplement ce genre d'affaire dans son cabinet et depuis longtemps. "Il n'y a pas de degré de gravité qui domine, qu'il y ait des enfants ou pas. Les dossiers sont instruits sans distinction." observe Anne Cadiot.
Car des délais réduits en terme de réponse judiciaire, c'est sûrement l'une des clefs pour diminuer les assassinats de femmes par conjoint ou ex-conjoint.
Une proposition de loi est en discussion dont voici les grandes lignes .
Une autre réponse pénale ?
La Région s'empare aussi de ce thème de société par la voix de Naïma Charaï, conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine. L'institution régionale a voté mardi 22 octobre à la majorité sa volonté d’inscrire le Féminicide dans le code pénal. " La violence spécifique attachée au féminicide ne peut être englobée dans une qualification globale et indifférenciée. La violence n'est pas qu'une, elle est multiple : chacune de ses sources, une fois identifiée, doit bénéficier d'un remède et d'une peine appropriés en vue d'une lutte efficace. " exprime l'élue.Outre une meilleure prise en compte par le droit de la spécificité de ces meurtres, pour la prévention, pour la répression mais également pour la réparation, cette reconnaissance provoquera une réelle prise de conscience sur une forme de violence structurelle dont les femmes sont victimes.
Naïma Charaï - conseillère régionale de Nouvelle Aquitaine