Ces Français que la montée du Rassemblement national inquiète. D'origine étrangère, femmes, LGBT+ : "on sera les premiers mis à mal"

À Bordeaux, la possible victoire du Rassemblement national aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains inquiète les associations socio-culturelles, ainsi que certains habitants qui craignent notamment un recul de leurs droits.

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"On est inquiets pour notre sécurité, tout simplement." Depuis le 9 juin et la victoire du Rassemblement national aux élections européennes, ayant précipité la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, le climat politique s'est tendu en France. Le RN pourrait remporter les élections législatives des 30 juin et 7 juillet prochains, ce qui cristallise certaines inquiétudes, dans la métropole bordelaise comme ailleurs.

"On sera les premiers mis à mal"

Cette situation préoccupe, entre autres, les membres de l'association Girofard, centre LGBTI+ à Bordeaux, comme Tristan : "On est inquiets pour notre sécurité. Rien que la semaine dernière [dans la nuit du 9 au 10 juin, NDLR], il y a eu une agression homophobe à Paris, où les gens ont dit qu'ils allaient pouvoir casser du pédé dans trois semaines". Dans trois semaines, soit,  si le RN venait à accéder au pouvoir.

Le vote RN n’est pas dirigé contre nous directement, mais on sera les premiers mis à mal. Les gens n'ont pas conscience que le programme du RN est profondément homophobe.

Tristan

Membre de l'association LGBTQI+ Girofard

Historiquement, les membres du Rassemblement national se sont par exemple opposés au mariage entre personnes du même sexe. En avril 2023, le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen lançait également une association parlementaire contre le "poison du wokisme", pour lutter notamment contre "la propagande LGBT" à l'école ou encore "la menace transgenre" dans le sport féminin.

Un recul du droit des femmes et des minorités

Les associations socio-culturelles, comme Girofard, craignent également l'arrêt du versement de leurs subventions, si le RN remportait les élections. "On voit au quotidien la détresse des gens, on est surtout inquiets pour eux, pour tous ceux et celles qu’on accompagne à l’association. On en a entre 400 et 500 personnes qui viennent régulièrement à l’année", détaille Tristan.

Du côté du Planning familial, la perspective du Rassemblement national au pouvoir symbolise un risque de "recul du droit des femmes et des minorités". "D'apparence, le RN a lissé son discours, mais quand on regarde les faits, comme leurs derniers votes au Parlement européen, l'extrême-droite a voté contre l'inscription de l'IVG dans la charte des droits européens fondamentaux, contre la mise en place d’un plan contre les violences faites aux femmes...", énumère Marie Gaudart, administratrice au Planning familial de Gironde.

À chaque fois, le Rassemblement national s’inscrit contre les luttes féministes, contre des mesures qui pourraient être mises en place pour la santé des femmes, les minorités de genre, et cætera.

Marie Gaudart

Administratrice au Planning familial de Gironde

Pourtant, les membres de ces associations comprennent également que certaines personnes orientent leurs votes vers l'extrême-droite après un "ras-le-bol". "C'est un discours entendable : oui, il y a des raisons pour un ras-le-bol. Mais le RN n'est pas la solution, assène Tristan, membre de Girofard. Le RN ne propose pas une manière de vivre ensemble, mais que des lois qui excluent."

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Un vote en réaction

Aux Aubiers, quartier populaire au nord de Bordeaux, on évoque aussi ce "ras-le-bol" de la population quant à la succession de gouvernements incapables de répondre aux préoccupations des Français, notamment en termes de pouvoir d'achat. "Le Rassemblement national parle aux gens pauvres, mais ils ne cherchent pas de vrais responsables, ils attaquent les étrangers. Certains votent pour eux parce qu'ils les croient, d'autres votent en réaction" aux gouvernements successifs, avance Rasit Salman, membre du conseil citoyen des Aubiers.

Cet habitant du quartier depuis 30 ans, d'origine kurde et naturalisé Français, se dit lui aussi "inquiet", voyant le Rassemblement national comme "une épée de Damoclès qui règne au-dessus de nos têtes depuis des années". "Leur enjeu, c'est toujours de tirer sur les étrangers. Les gens qui votent pour eux n'ont pas conscience que cela porte préjudice à d'autres", déplore Rasit Salman.

Dans ce quartier, où une grande partie des habitants est issue de l'immigration, le RN s'est classé en deuxième position aux élections européennes, avec 23,16% et 23,08% des suffrages récoltés dans les deux bureaux de vote, derrière la liste insoumise de Manon Aubry (42,65% et 37,54%). "Il y a de plus en plus d'incivilités, ça encourage le vote pour l'extrême-droite", soupire Rasit Salman.

La sécurité, question cruciale

Youssef, Marocain installé aux Aubiers depuis six mois, ne peut pas voter, mais semble comprendre pourquoi certaines personnes sont tentées de porter leur voix vers le Rassemblement national, qui promet entre autres plus de sécurité. "Ici, c'est la merde, il y a souvent des bagarres, beaucoup de trafic de drogue... Je ne suis pas raciste, je suis moi-même arabe, mais je vois bien qu'ici, c'est les Arabes qui provoquent les bagarres, pas les Français", estime-t-il. 

Parmi les personnes rencontrées aux Aubiers où à Ginko, l'écoquartier attenant, personne ne revendique pour autant un vote à l'extrême-droite. Agnès, une commerçante, s'insurge contre la montée du Rassemblement national, et regrette "la stigmatisation des étrangers". Léo Perny, un autre commerçant, raconte son inquiétude face "à la parole facho beaucoup plus libre aujourd'hui".

J'ai déjà eu des clients qui m'ont dit que les étrangers, il fallait les foutre dehors. Ça me choque, et d'autant plus que les personnes dont ils parlent sont souvent des Français d'origine étrangère, pas des étrangers.

Léo Perny

Commerçant dans l'écoquartier Ginko

Romain Debonnière, qui tient un autre commerce de proximité dans le quartier, tente d'expliquer la montée du Rassemblement national par "le manque d'explications, de communication avec la population, qui choisit alors la solution la plus simpliste".
"Je parle beaucoup avec la clientèle, et j'entends la même chose partout : il n'y a pas vraiment un sentiment d'insécurité, mais d'incivilités, appuie le commerçant. Il y a de la stigmatisation, des amalgames, qui font que même des populations immigrées peuvent avoir des discours radicaux aujourd'hui. Ça m'inquiète beaucoup, car les amalgames, ce n'est jamais bon."

Entre amalgames, inquiétude et ras-le-bol, le Rassemblement national alimente les débats au quotidien, à une dizaine de jours du premier tour des élections législatives. Selon le dernier sondage Ifop pour LCI, dévoilé ce lundi 17 juin, le parti de Jordan Bardella serait en tête avec 33% des voix, suivi par l'union des gauches avec le Nouveau Front populaire (28%).

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