Maître Gérard Boulanger, avocat des parties civiles lors du procès de Maurice Papon revient sur les difficultés et les enseignements de ce procès historique.
C'est un procès qui aurait pu ne pas avoir lieu. Le 8 octobre 1997, le procès de Maurice Papon, ancien haut-fonctionnaire de Vichy s'ouvre. Maurice Papon doit être jugé pour crime contre l'humanité et avoir déporté 1 690 Juifs de Bordeaux. Le procès, qui s'ouvre seize ans après le premier dépôt de plainte, va durer six mois.
Le 2 avril 1998, Maurice Papon est condamné à dix ans de réclusion criminelle.
Vingt ans après, Maître Boulanger se souvient des embûches qui se sont trouvées sur le chemin des parties civiles qu'il représentait.
Les obstacles ont été très nombreux. Il y avait une réticence judicaire, et les pouvoirs publics ne voyaient pas ce procès d'un bon œil. En définitive l'opinion n'était pas mûre.
Le procès de Maurice Papon est arrivé après celui du SS Klaus Barbie, condamné à la perpétuité à Lyon en 1987, et de Paul Touvier, collaborateur au régime de Vichy et également condamné à la perpétuité en 1994.
Juger Barbie, c'était facile. Un nazi, un Allemand, un tortionnaire, responsable de la mort de Jean Moulin… Personne ne voyait aucun obstacle. Touviers… un petit milicien de base, ca ne gênait personne non plus.
Mais rappelle Gérard Boulanger, le procès de Maurice Papon était d'une autre ampleur. Ce haut-fonctionnaire de Vichy était devenu ministre du Budget de Valéry Giscard d'Estaing. Et Maurice Papon était toujours membre du gouvernement quand le Canard enchaîné avait révélé son activité pendant la guerre.
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Pour les parties civiles, le temps qui passe est un ennemi. Entre le dépôt de la première plainte en 1981 et le procès, nombre de responsables de la déportation de Juifs sont âgés, et décèdent.
Maurice Papon avait signé énormément de choses. Quand je dépose plainte au départ, c'était contre Papon, et beaucoup d'autres. Mais avec l'espèce de course de lenteur qui s'est mise en place à ce moment là… Papon est resté tout seul.
Il aurait pu être jugé au milieu d'autres personnes. Ce n'était pas du tout un bouc-émissaire comme sa défense a essayé de le faire croire. C'était le parangon d'une fine équipe qui avait prêté la main aux déportations des Juifs pendant la guerre.
Ce procès, a surtout "changé les choses". En condamnant Maurice Papon, la France a également reconnu sa responsabilité dans la déportation de milliers de Juifs. Ce procès, si emblématique, Gérard Boulanger n'est pas certain qu'il soit possible de le faire aujourd'hui.
La signification, c'est aussi le devoir de désobéissance institutionnelle à l'ordre hiérarchique inique. C'est ça la leçon du procès Papon. (…) On n'a pas le droit d'exécuter n'importe quel ordre. Et si on le fait, et bien on sera complice de crime contre l'humanité.