Si Marine Le Pen réalise un score inférieur en Gironde qu’à l’échelle nationale (38,63 %), elle arrive en tête dans de nombreuses communes du nord, du sud et de l’est du département. Entre résignation, incompréhension ou satisfaction, retour sur ces résultats avec des élus de tous bords.
Il l’avait emporté face à Edwige Diaz, déléguée départementale de Gironde et présidente du groupe RN au conseil régional, avec plus de 56% des voix lors des municipales 2020. Ce dimanche, les électeurs de sa commune du nord-Gironde ont pourtant voté aux deux-tiers pour Marine Le Pen. Alain Renard, maire de Saint-Savin depuis 2008, ne s’attendait pas à un tel raz-de-marée. “Hier, deux personnes sur trois qui ont traversé la mairie ont voté pour des idées qui ne correspondent absolument pas aux miennes, regrette-t-il. Avec d’autres collègues maires, cela ne nous a pas fait plaisir, mais ce n’était pas nous qui étions candidats hier. C’était Macron dont on n’approuve pas un certain nombre des politiques.”
Un vote surprenant ? Pas tant, pour l’élu du Parti Socialiste. “Tous ceux qui ont voté pour Marine Le Pen ne sont pas des gens qui adhèrent fondamentalement à son parti. Certains oui, mais c’est avant tout la souffrance réelle d’un certain nombre de personnes, explique-t-il. Les gens sont incertains face à l’avenir, ils se disent que nos gouvernants n’ont pas tout à fait conscience de ce qu’est la réalité, ou que la baisse de leur pouvoir d’achat aboutit à un sentiment d'insatisfaction qui se traduit par une certaine forme de vote.”
De l’incompréhension à la remise en question ?
Pour Véronique Hammerer, députée La République en Marche de la 11e circonscription de Gironde, “c’est la douche froide. Dix mille voix d’écart entre Le Pen et Macron, c’est beaucoup. Ce matin, j’ai reçu des appels de citoyens ou d’élus qui se questionnent, et toujours la même phrase : on ne comprend pas."
Des personnes ne se sentent pas considérées ou écoutées.
Véronique Hammerer, députée LREM de la 11e circonscription de Gironde
Certains arguments font pourtant office de dénominateurs communs : “Dans les échanges que j’ai pu avoir hier soir, il y a des personnes qui ont peur des étrangers parce qu’ils se disent qu’ils leur prennent leur travail ; des gens qui se disent qu’ils n’ont plus rien à perdre ; d’autres qui disent “on n’a pas essayé”, ce que j’entends régulièrement… Et enfin des personnes qui ne se sentent pas considérées ou écoutées.”
De quoi remettre en cause à l’échelle locale la politique du gouvernement ? “Le fait de dire que c’est de la faute du macronisme, non, arrêtons, balaye l’élue LREM. On a fait au mieux et apporté de vraies réponses sur le pouvoir d’achat ou les baisses d'impôts. Souvent, on nous a fait passer pour une politique proche des riches, c’est faux. On a mis en place plein de mesures et de dispositifs pour apporter du mieux-être dans le quotidien des Français, qui n’ont pas été suffisamment retenues. Il y a effectivement des choses qui ne fonctionnent pas bien et il faut les prendre en considération, mais il y a aussi des tas de choses qui fonctionnent très bien en France.”
Pas encore positionnée, Véronique Hammerer prendra sa décision de se présenter ou non aux législatives d’ici quelques jours. Des élections dont le Rassemblement National compte bien profiter pour confirmer son élan.
Sur sa lancée, le RN vise le “troisième tour”
Malgré la défaite aux présidentielles, c’est plein d’ambitions que le Rassemblement National aborde les législatives de juin, porté par ses résultats historiques. “Ce que j’ai vu dimanche, c’est une vague d’espérance et je me réjouis du score que nous avons réalisé en Gironde, apprécie Edwige Diaz, déléguée départementale et présidente du groupe RN au conseil régional. Macron perd 34 000 voix alors que Le Pen en gagne 84 000. C’est une poussée importante qui mérite d'être soulignée.”
Des résultats tout sauf surprenants selon l’élue du Rassemblement National, qui pointe directement la responsabilité du président de la République : “C’est premièrement l’échec de la politique d’Emmanuel Macron, qui a eu une politique très dure à l’égard des classes modestes, et pénalisé le pouvoir d’achat des Français et notamment des ruraux, qui doivent prendre la voiture pour aller travailler. Son quinquennant n’a pas répondu aux problématiques en matière de pouvoir d’achat et n’a pas du tout écouté les revendications des gilets jaunes.”
Au-delà de ce “vote sanction”, selon Edwige Diaz, c’est aussi l’adhésion au programme de Marine Le Pen qui a convaincu les électeurs du nord, du sud et de l’est du département. “Elle a beaucoup parlé de pouvoir d’achat, de démétropolisation, du retour des services publics dans nos campagnes, ou de la baisse de la TVA sur le carburant, et plus largement des territoires oubliés par nos politiques.”
Le Rassemblement National, de fait première force d’opposition, présentera des candidats dans chaque circonscription de Gironde d’ici deux semaines. “C’est un troisième tour capital, la dernière élection locale et nationale avant les municipales de 2026, conclut Edwige Diaz. Il ne faut surtout pas laisser les pleins pouvoirs à Emmanuel Macron.” Réponse dans les urnes à partir du dimanche 5 juin.