Gironde : mort d'un bébé de deux mois quelques heures après sa circoncision

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Écrit par CB

D'après le parquet, "pour l'heure, il n'y pas de lien-direct" entre la circoncision et la mort de ce bébé de deux mois et demi. Une enquête a été ouverte pour déterminer les causes de son décès quelques heures après le geste rituel.

Le décès d'un nourrisson provoque de l'émoi. Il est décédé après une circoncision effectuée, en même temps que d'autres actes, le 25 mai dernier dans une maison de Latresne en Gironde.

L'enquête a été ouverte et confiée à la Brigade de recherches de Bouliac en Gironde. Le parquet de Bordeaux précise " qu'à ce stade, au vu des éléments de l'enquête", "aucun lien n'est établi entre l'acte de circoncision et le décès ".

Le vice-procureur, Sébastien Baumert-Stortz, confirme qu'une autopsie a eu lieu ce 1er juin et que " des investigations complémentaires anatomopathologiques (études sur d'éventuelles lésions macroscopiques et microscopiques des tissus biologiques) et toxicologiques sont en cours pour essayer de comprendre ce qu'il s'est passé".

Concernant l'enquête, " les auditions sont en cours". Les parents de l'enfant, les personnes qui ont effectué le geste chirurgical, comme les témoins devraient être entendus. Dans un premier temps, il s'agit de déterminer les causes du décès mais l'enquête de la Brigade de recherches de Bouliac devrait s'intéresser également au contexte de cet circoncision.

"J'ai entendu des cris, des pleurs"

Le 25 mai dernier, une dizaine de familles venues de toute la région et au-delà se rendent dans cette maison de Latresne, près de Bordeaux, pour faire circoncire leurs garçons, âgés de quelques mois.

C'est le Centre de Circoncision Rituelle (CCR) qui organise cette journée. Sur place, un circonciseur et un médecin ont accueilli et opéré une dizaine d'enfants âgés entre 7 jours et deux ans et demi.  

Le petit  Raphaël était un nourrisson de deux mois et demi. Il avait été circoncis le matin et devait revoir le médecin pour qu'on lui change le pansement. Devant le manque de réactivité du bébé et une chute de sa température, les parents se sont  rendus en urgence auprès du médecin qui avait pratiqué l'acte chirurgical. Les parents pensaient que l'enfant était encore sous l'effet de l'anesthésie qui datait pourtant du matin. Ils ont expliqué l'avoir amené au médecin qui, comme les services de secours, n'ont pas réussi à le réanimer.

Un voisin témoigne de la détresse de la famille ce jour-là. 

J'étais à la maison et j'ai entendu des cris, des pleurs : un père qui était effondré, qui poussait des cris affreux et qui était assis. (...) c'est à ce moment que j'ai vu des forces de police, le SAMU qui sont arrivés

Jean-François Rodier, un voisin

Source France 3 Aquitaine

"Rassuré mais pas apaisé"

Le médecin niçois qui a encadré la circoncision s'est dit "rassuré mais pas apaisé" par le résultat de l'autopsie. Il a souhaité garder l'anonymat en nous confiant son témoignage.

Il est médecin généraliste de formation. Il a passé quelques temps aux urgences. Il totalise "30 ans d'expérience" et pratique des circoncisions depuis deux ans.



Habituellement, il travaille dans un centre fixe à Nice mais, "face à la demande", le CCR a organisé cette session dans la région bordelaise. 

On est très exigeants, très strictes, on rend la pièce médicalisée. C'est pas n'importe quoi !

Le médecin ayant réalisé l'acte sur le nourrisson décédé

Source : France 3 Aquitaine

Il est bouleversé par ce qu'il s'est passé ce jour-là : "c'est atroce", "c'est une situation très difficile à vivre". "Je comprends les parents. Vous n'acceptez jamais la mort d'un enfant".

Pourtant, il affirme que le protocole a été respecté. Il tient aussi à préciser : "cet enfant est décédé non pas à la maison (où avait lieu les opérations et consultations postopératoires, ndlr), mais avant". Selon son témoignage, il était déjà trop tard même si le SAMU a tenté de le réanimer pendant 45 minutes.

C'est ce qu'il dit avoir rapporté aux enquêteurs de la Brigade de recherches de la gendarmerie qui l'ont interrogé ainsi que tous les protagonistes de cette journée.

"On a été entendus en tant que témoins". Il ajoute également que les conclusions de l'autopsie, "qui lèvent notre culpabilité", étaient nécessaires.

"On en avait besoin. Si elle n'avait pas été ordonnée, je l'aurais demandée".

Un acte rituel 

La pratique de la  posthectomie, soit  l’ablation du prépuce de la verge, est un rite pratiqué chez les Juifs comme les Musulmans. 

La procureure de la république Frédérique Porterie le rappelle :  "l'acte chirurgicale rituel n'est pas interdit mais sous conditions d'hygiène".

Ce 25 mai, la maison de Latresne près de Bordeaux avait été louée par le Centre de circoncision rituelle (CCR). 

Le vice-procureur , Sébastien Baumert-Stortz,  explique pourquoi. " C'est une association qui n'a pas un endroit, qui loue des maisons. Il y avait ce jour-là plusieurs circoncisions qui ont été faites entre 8 heures et 14 heures".

" Jusqu'à présent, il n'y pas eu de décès suite à une circoncision. Mais il y a clairement des interrogations sur les conditions dans lesquelles cela peut être fait, le respect des conditions sanitaires. Des questions se posent sur la compatibilité du rite religieux et du droit de la santé publique".

"On rend service aux gens"

Alors que les résultats de l'autopsie ne montrent pas de lien entre la circoncision pratiquée par le duo de spécialistes, le Centre de Circoncision Rituel a répondu à nos questions.

Le responsable du centre, qui ne souhaite pas donner son identité pour des raisons de sécurité, explique que le Centre de Circoncision Rituel existe depuis 5 ans. Il a été créé dans un premier temps à Bordeaux mais c'est une organisation qui n'est pas établie en un lieu précis. 

"Un centre de circoncision, c'est un centre qui n'existe pas, car personne ne veut s'engager dans cette voie !"

Ce centre organise "entre 50 et 100 circoncisions par mois à peu près", mais doivent gérer des contraintes entre obligations médicales, liberté de culte et cadre juridique. 

"A la base, on rend service à une communauté qui ne trouve pas où faire circoncire ses enfants. La communauté musulmane n'a pas ce système de circoncision comme dans la communauté juive où, au bout de huit jours, ils font ça à la synagogue. Il y a des drames aussi qui se produisent. On en parle peu".

C'est pourquoi, selon ce responsable, des protocoles ont été établis pour encadrer cette pratique afin de rassurer les familles dans le respect des règles d'hygiène et de culte.

"On a mis des règles. Une circoncision se passe avec un médecin", qui va lire le carnet de santé. Avant chaque opération, il assure qu'un dossier de consentement éclairé "qui fait 16 pages" est mis en place avec les parents, expliquant tout "le déroulé de la circoncision, de la cicatrisation, les risques". Et en cas de doute, une "lettre du médecin traitant" est demandée pour s'assurer qu'il n'y a pas de contre-indication, selon les pathologies éventuelles et connues de l'enfant.

Le circonciseur "n'est pas une personne du corps médical ", "c'est un circonciseur rituel qui circoncit dans les synagogues, chez les gens, depuis plus de 20 ans, tous les jours. C'est quelque chose dont il a l'habitude évidemment. Il travaille main dans la main avec le médecin".

"A Bordeaux, on avait arrêté"

Monsieur G., le responsable du CCR explique également pourquoi, il n'y a pas de lieu précis à Bordeaux. "On a un centre à Nice, trois en région parisienne et d'autres centres vont s'ouvrir". "A Bordeaux, on a arrêté depuis un an et demi : le médecin qui pratiquait la circoncision a eu des problèmes avec des parents".

Selon lui, l'affaire serait en train de se régler. "Mais on est revenus (à Bordeaux, ndlr), car les gens nous demandaient de revenir". 

Toujours selon lui, cette démarche répond à un besoin des familles. 

C'est ainsi que cette structure nomade a pris forme et que ce n'est que ponctuellement que les équipes du CCR intervenaient ces derniers temps sur Bordeaux, avant le drame.

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