Alors que le gouvernement a dévoilé dimanche 18 juin un plan pour réguler le tourisme dans les communes les plus fréquentées, réactions en Gironde à Saint-Emilion, où se pressent plus d'un million de touristes chaque année, surtout l'été.
C'est l'un des plus beaux villages de France. Entouré de vignes de grands crus bordelais. La petite commune de Saint-Emilion attire près d'un million de touristes chaque année. La cité médiévale connaît ainsi l'une des plus grosses fréquentations touristiques en Nouvelle-Aquitaine. La rançon de la gloire pour la cité médiévale, inscrite depuis 1999 au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’UNESCO, au titre de “paysage culturel”.
Un observatoire pour réduire le surtourisme
Le gouvernement a justement évoqué dimanche 18 juin un plan pour réguler les flux qui submergent des sites touristiques à certains moments de l'année, estimant qu'ils constituent "parfois une menace" pour "l'environnement, la qualité de vie des résidents et l'expérience touristique de la clientèle".
Pour mieux analyser le phénomène, un "observatoire national des sites touristiques majeurs" verra le jour, a annoncé Olivia Grégoire, la ministre déléguée au Tourisme, dans un entretien au Figaro. Un guide pratique définissant les notions de "surtourisme", "surfréquentation" et "pics de fréquentation" sera rédigé, afin de disposer d'une grille d'analyse commune.
On ne connaît pas encore les communes concernées, mais le plan du gouvernement suscite quelques discussions à Saint-Emilion ce lundi 19 juin. Pierre, habitant du village depuis 47 ans, apprécie de moins en moins l'ambiance locale.
Il faut des touristes. Mais faire que tout soit tourisme, à quoi ça rime ? Il y a désormais trop de voitures. On manque de places de parking. Et il faudrait plus de solutions de logements pour les jeunes qui viennent travailler ici.
Pierre, habitant de St-EmilionA France 3 Aquitaine
L'un de ses voisins, ancien hôtelier, pointe du doigt aussi le "problème du stationnement" pour les résidents à l'année. "On peut arriver à un point de saturation. On y est peut-être pas, mais pas loin".
Limiter le tourisme ?
Faudrait-il alors limiter le nombre de touristes ? La question se pose surtout entre le 14 juillet et le 15 août, la période la plus chargée en France. Ce n'est bien sûr pas le point de vue des commerçants comme Mégane Bossion, gérante d'une boutique de macarons, l'un des 40 commerces.
Ce serait compliqué de faire tourner le commerce toute l'année. On a un gros loyer et peu de clientèle en hiver. Le mois de juin est calme aussi cette année.
Mégane Bossion, commerçanteA France 3 Aquitaine
Des "quotas" ou des "jauges" ne feraient pas de bien non plus à Jahanguir Nanchian, restaurateur. "Ce serait embêtant. L'été nous fait vivre avec une soixantaine de couverts par service en semaine et plus de cent le week-end", précise-t-il.
Bernard Lauret, le maire de Saint-Emilion est sceptique sur une régulation du tourisme dans sa commune. "Comment réguler ? On ne va pas mettre de barrières. Il faut surtout essayer d'étaler les activités tout au long de l'année avec le monde du vin, les portes ouvertes dans les châteaux", dit-il, alors que la population de la commune de 1 800 habitants a perdu plus de mille personnes en trente ans. "Le tourisme transforme beaucoup de maisons, soit en Airbnb soit en commerces", avoue-t-il.
Il faut attirer des touristes tout en ménageant la population qui est là. On a dédié des zones uniquement pour les habitations et d'autres sont mixtes, commerces et habitations.
Bernard Lauret, le maire de Saint-Emilionà France 3 Aquitaine
Ailleurs en France, des mesures restrictives sont expérimentées et rapportées par l'AFP, comme la mise en place de taxes, de droits d'entrée ou de quotas journaliers : aux portes de Marseille, une réservation l'été a été mise en place pour cinq ans à la calanque de Sugiton, et le parc national réfléchit à limiter la fréquentation sur les îles du Frioul.
Mieux répartir l'afflux des touristes
Le gouvernement veut donc s'attaquer au problème alors que 80 % de l'activité touristique est concentrée sur 20 % du territoire. Mais pour les professionnels, le pays manque d'un vrai diagnostic et d'une stratégie de développement touristique permettant de mieux répartir les flux de vacanciers.
D'après le gouvernement, une campagne de communication encouragera "un tourisme -quatre saisons- mieux réparti sur tous les territoires" mais aussi à "adopter les bonnes pratiques" en matière de "gestion de l'énergie, de l'eau, des déchets". Un groupe de travail sera créé avec des influenceurs pour qu'ils n'encouragent pas la fréquentation massive de sites touristiques, comme le Mont-Saint-Michel, Etretat ou les calanques de Marseille, et sensibilisent leur audience à l'impact de celle-ci.
La Gironde conforte sa première place de destination œnotouristique en France avec 6,8 millions de visites annuelles dans le vignoble d'après le département.