Les moyens aériens déployés pour lutter contre les incendies qui ravagent la Gironde sont-ils suffisants ? Pas assez selon les présidents des départements de la Gironde et des Landes qui en appellent au président de la République dans une lettre ouverte.
Il y a le temps de la lutte acharnée contre les flammes, des milliers de personnes évacuées sur les deux fronts des incendies historiques qui ne donnent aucun répit depuis le mardi 12 juillet.
Il y a aussi le temps de la colère. "On a une base à Mérignac, à Mont-de-Marsan, à Captieux, à Cazaux, on a de quoi mettre des Canadairs quelque part quand même" tonne le président du département de la Gironde, Jean-Luc Gleyze.
Nous sommes le premier massif de résineux d'Europe, s'il y a aujourd'hui deux Canadair préposés en Corse, je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas des Canadairs sur le massif des Landes de Gascogne.
Jean-Luc Gleyze - Président du conseil départemental de la Gironde
Le président est en colère car ces avions, lorsqu'ils interviennent sur des incendies, ont un pouvoir d'action majeur. Mais ils ont disparu du paysage des bases aériennes du sud-ouest depuis plusieurs années.
Alors, pour les faire intervenir sur un incendie, il faut en faire la demande au plan national. La préfète s'en est chargée mardi dernier. Ces avions sont basés dans le Gard, sur le bassin méditerranéen sujet à de multiples incendies.
"Même si ça, ça ne prend qu'une heure, c'est trop. C'est 10 minutes ou un quart d'heure qu'il nous faut. Ils sont basés à Nîmes. On me dit une heure, c'est trop." pour Jean-Luc Gleyze.
"Chaque fois, il faut se battre dans le sud ouest pour avoir ces engins." Bruno Lafon, président de Défense des forêts contre les incendies (DFCI) en Gironde, ne dit pas autre chose.
Il faudra bien sûr se dire pourquoi ils n'étaient pas là quand nous les avons demandés.
Bruno Lafon - Directeur de la DFCIFrance 3 Aquitaine - Journal du 19/20 du lundi 18 juillet
Il partage le constat de Jean-Luc Gleyze. "Il faudra qu'on tire les conséquences" appuie Bruno Lafon.
L'interview à écouter dans son intégralité >
Une adaptation indispensable aux changements climatiques
Les départs de feu sont à craindre. Encore lundi, un incendie s'est déclaré à Vert dans les Landes. Il a pu être maîtrisé grâce à l'intervention express de moyens aériens, détournés des incendies en Gironde. Une stratégie mise en oeuvre ces derniers jours car il est prouvé qu'une intervention à "feu naissant", c'est-à-dire rapidement, évite la propagation des flammes.
" Ce massif va être sujet à énormément d'incendies liés aux changements climatiques et en plus, le pin est hautement inflammable, c'est pas nouveau on le sait depuis toujours. Nous avons des changements climatiques qui sont majeurs et qui vont continuer. Chaque fois que nous aurons une canicule, qu'il y aura des vents, des orages violents on va se retrouver à nouveau avec des feux qui vont prendre très vite, qui vont se propager très vite et donc ils seront incontrôlables si nous n'avons pas immédiatement des moyens aériens à feu naissant. " martèle Jean-Luc Gleyze.
Appel au Président de la République
Ce mardi 19 juillet, le président du département de la Gironde et celui des Landes, Xavier Fortinon, ont d'ailleurs pris la plume pour adresser une lettre ouverte au Président de la République car l'heure est grave pour les massifs forestiers du Sud-Ouest. Les méga feux en Gironde sont d'ores et déjà classés par les incendies historiques.
Nous écrivons une lettre ouverte au président de la République pour lui demander un plan national de résilience contres les risque incendiaires. On lui fait des propositions sur une stratégie nationale, la question des moyens du SDIS et la question européenne parce que ça nous dépasse et je pense que c'est largement européen.
Jean-Luc Gleyze - Président du conseil départemental de la GirondeFrance 3 Aquitaine WEB
Ces deux départements font face à une augmentation de leur population, mais les financements alloués aux services d'Incendie et de Secours, les SDIS, par l'Etat ne suivent pas.
La Loi qui a scellé les modèles de financement date de 2002 et l'assiette qui fixe le financement n'a pas été revu depuis cette date alors que la population a augmenté de 380 000 personnes en Gironde et dans les Landes depuis cette années-là. De nombreux conflits ont eu lieu ces dernières années, les pompiers réclamant des moyens pour travailler.
Près de la moitié de la flotte aérienne mobilisée
La France dispose de 19 avions bombardiers d'eau, 12 Canadair et sept Dash (dont six sont opérationnels, le dernier ayant été livré en juillet), ainsi que de deux hélicoptères bombardiers d'eau, selon la direction générale de la Sécurité civile et de la gestion de crises, interrogée par l'Agence France Presse lundi 18 juillet.
Près de la moitié de cette flotte aérienne est mobilisée en Gironde : six Canadair et trois Dash sont engagés, ainsi que 1.700 pompiers. Et "entre vendredi et dimanche, deux Canadair grecs étaient présents en renfort", indique à l'AFP Alexandre Jouassard, porte-parole de la Sécurité civile pour qui "le fait de faire appel à eux n'est pas un aveu de faiblesse."
La flotte française fait partie des mieux dotées en Europe mais elle a forcément des capacités limitées, et l'UE est une solution pour y remédier.
Alexandre Joussard - porte-parole de la Sécurité CivileAgence France Presse
La polémique sur la présence de ces moyens aériens à proximité du massif forestier des Landes de Gascogne ne date pas d'hier. Déjà en 2012, lors d'un important incendie dans le secteur de Lacanau, les élus avaient dénoncé cette absence d'avions prêts à une intervention immédiate car basés dans la région. A l'époque, le préfet de Gironde, Patrick Stéfanini, avait expliqué à la presse que l'absence de Canadair était le fruit d'arbitrages, liés aux restrictions budgétaires.
Aucune base aérienne dans le Sud-Ouest
L'ensemble des moyens aériens est basé à l'année à Nîmes, "où sont les services de maintenance", précise le commandant Jouassard de la Sécurité Civile.
La base de Nîmes est renforcée pendant la période estivale par une base arrière à Ajaccio alors que 23 aires de stationnement sont réparties sur tout le territoire. Mais, sur ces "pélicandromes", les appareils peuvent seulement recharger en eau et retardant de feu et non faire l'objet des nécessaires opérations de maintenance.
"La base gardoise est-elle à elle seule suffisante pour faire face à l'augmentation des feux de forêt sur l'ensemble du territoire ? Cela nous paraît juste" considère Anthony Chauveau, président du syndicat de pompiers SPASDIS-CFTC. Pour Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS) et du conseil départemental de la Mayenne, "sans doute que le Sud-Ouest de la France n'a pas suffisamment été intégré, puisque depuis de nombreuses années les feux sont plutôt concentrés dans le Sud-Est".
Le commandant Jouassard reconnaissait dimanche un "dispositif opérationnel tendu". "Un peu plus de marge à l'avenir est souhaitable car on sait qu'on va vers une augmentation du nombre d'interventions", ajoutait-il, sous l'effet du réchauffement climatique, de la multiplication des épisodes caniculaires et des périodes de sécheresse.
Olivier Richefou du syndicat des pompiers juge que "des moyens aériens supplémentaires doivent être mis en oeuvre. Le plus efficace, c'est le Canadair" qui, à la différence du Dash, peut se recharger sur n'importe quel plan d'eau et pas forcément un "pélicandrome"."
Il est rejoint par Anthony Chauveau, pour qui il est "urgent de renouveler et d'augmenter la flotte de Canadair, vétuste".