Journée mondiale contre l'endométriose : "on a trop longtemps banalisé la douleur de la femme"

Plus de 10 % des femmes sont atteintes d'endométriose. Longtemps taboue, la maladie a souffert de retards quant à la sensibilisation, l'information et la prise en charge. Depuis quelques années, elle a bénéficié d'un changement de regard, jusqu'à devenir une question de santé publique. Mais il reste beaucoup à faire.

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Il aura fallu plus de 20 ans à l’association EndoFrance, créée en 2001, pour que son travail aboutisse au plus haut niveau de l’État. Le 11 janvier 2022, le président de la république, Emmanuel Macron, annonçait le lancement d’une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, en faisant une question de santé publique. Au moins 10 % des femmes seraient atteintes d’endométriose, une maladie qui "se caractérise par le développement de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de l’utérus, provoquant ainsi des douleurs et/ou une infertilité", comme le précise l’Organisation Mondiale de la Santé. En Nouvelle-Aquitaine, de 135 000 à 225 000 personnes seraient touchées, selon l'ARS.

Depuis quelques années, la prise en charge, la compréhension et le regard envers les personnes atteintes commencent à changer. Ce mardi 28 mars, journée mondiale contre l’endométriose, est l’occasion de rappeler que le chemin à parcourir reste long. 

Un retard dans le diagnostic et la formation des médecins

Avec 40 % des cas, l’endométriose est également la première cause de stérilité. Selon l’OMS, l’endométriose concerne 190 millions de personnes dans le monde. "Le chiffre que nous avons, c'est une personne menstruée sur 10 qui est diagnostiquée, explique la présidente d’EndoFrance, Yasmine Candau. Mais il y a entre 7 et 10 ans en moyenne de retard au diagnostic, donc c’est surement beaucoup plus." Une errance médicale qui tend à être diminuée avec l’arrivée de la stratégie nationale et la mise en place de filières de soin partout en France depuis 2022. "Mais la question ne va pas se régler du jour au lendemain. Forcément en Nouvelle-Aquitaine, c’est plus facile quand on vit près de Bordeaux que dans la Creuse", relève la présidente d’EndoFrance.

On a trop longtemps banalisé la douleur de la femme. On disait : "Une femme a mal au ventre quand elle a ses règles et c’est normal."

Yasmine Candau, présidente de l'association EndoFrance

à rédaction web France 3 Aquitaine

Pour ne rien arranger, la maladie est difficilement détectable et se manifeste de plusieurs façons. Certaines personnes peuvent être atteintes de façon légère, avec pourtant des douleurs très aiguës - pendant les règles, les rapports sexuels, par exemple - et d’autres de manière grave sans ressentir le moindre symptôme. "Il y a autant de formes d’endométriose qu’il y a de personnes atteintes", résume Yasmine Candau.

Mais une meilleure lutte contre la maladie passe aussi par la formation de médecins. L’Association EndoFrance reçoit sans cesse des messages de jeunes femmes, dont les médecins n’ont pas été sensibilisés, et croient qu’elles mentent pour pouvoir louper des cours. "On n’est pas trop jeune pour avoir de l’endométriose", insiste Yasmine Candau.

Il a fallu attendre 2014 pour qu’il y ait un premier congrès médical sur l’endométriose et ce n’est qu’en 2020, qu'elle a été rajoutée au programme de médecine. "Il va falloir attendre une dizaine d’années avant que les premiers médecins formés sortent", observe Yasmine Candau. Mais en attendant que tous les généralistes soient formés sur la question, 16 centres spécialisés ont été labellisés en Nouvelle-Aquitaine depuis janvier dernier.

Une maladie aux répercussions sociales

Alors pourquoi tant de retard alors que certains alertent sur la maladie depuis tant d’années ? "On a trop longtemps banalisé la douleur de la femme. On disait : 'Une femme a mal au ventre quand elle a ses règles et c’est normal.' Non, ce n’est pas normal", répond la présidente d’EndoFrance. L’intérêt pour la recherche sur l’endométriose n’a jamais été très fort. Difficile d’avoir beaucoup de données précises sur le sujet, les études récentes manquent. "Il y a une étude sur le parcours des femmes atteintes d’endométriose, 65 % considèrent que ça impacte leur parcours professionnel", cite Yasmine Caudan.

La présidente d’EndoFrance fait partie de l’une d’elles. "Je fais partie de ces femmes qui ont volontairement réduit leur temps de travail, parce que ce n'est pas tenable une semaine entière", raconte Yasmine Candau. Dans les Landes, Laure-Line Dupau, a carrément perdu son travail parce qu’elle était trop souvent absente du fait des douleurs que provoquait la maladie. "Il y a un vrai impact psychologique de la maladie : on ne sort plus trop parce qu’on ne peut plus. Il y a un certain isolement social, c’est vraiment compliqué", assure cette dernière. 

Il y a beaucoup de difficultés liées au regard des autres, qui ne comprennent pas bien.

Yasmine Candau, présidente de l'association EndoFrance

Les premiers symptômes de Laure-Line Dupau sont apparus à l’âge de 13 ans. Aussitôt, on lui assure que c’est normal et on lui prescrit la pilule. La douleur ne revient pas, mais quand quinze ans plus tard, elle décide d’arrêter le contraceptif, les maux reviennent, décuplés. "C’est à ce moment-là que j’ai été diagnostiquée. J’ai dû être opérée et on m’a fait une hystérectomie : on m’a retiré l’utérus, les trompes et le col de l’utérus", décrit-elle. Aujourd’hui la douleur reste présente.

"Parfois, il y a des jours où ça va bien, on fait tout pour faire bonne figure et le lendemain, les douleurs sont telles que ce n’est pas possible. Donc certains, qui ne comprennent pas, en arrivent à remettre nos douleurs en question", témoigne Yasmine Candau. Dans son cas, les douleurs sont devenues chroniques-neuropathiques, ce qui rend la maladie encore plus difficile à gérer. "J’ai la chance d’avoir des proches compréhensifs, admet Laure-Line Dupau. Mais j’échange régulièrement avec énormément de femmes touchées sur les réseaux sociaux, qui n’ont pas cette chance et dont même les personnes les plus proches remettent leur parole en doute."

Des changements récents

Malgré le besoin de plus de pédagogie et de sensibilisation, elle observe un changement global dans les mentalités. Tout comme la présidente d’EndoFrance, Yasmine Candau : "Cela change parce qu’on a tout fait pour en parler et qu’on continue à le faire. On intervient en entreprise pour sensibiliser par exemple. Il y a quelques années, il n’y avait que des femmes qui venaient. Maintenant, il y a aussi beaucoup d’hommes qui s’y intéressent, parce qu’ils ont des proches touchées." Longtemps, le sujet a été tabou. À présent, la parole commence à se libérer.

Pour autant, il reste encore du chemin à parcourir. Aujourd’hui, seuls les symptômes de l’endométriose sont traités, pas la maladie en tant que telle. La recherche est primordiale, mais celle-ci doit être financée. Le gouvernement semble en avoir pris la mesure. Selon Yasmine Candau, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, lui a "bien confirmé" que plusieurs millions y seraient alloués dans les Programmes et équipements prioritaires de recherche, sous l’égide Santé des femmes/Santé des couples.

"Je suis un petit peu déçue, car j’aurais souhaité que l’endométriose soit directement fléchée, mais c’est déjà ça", réagit la présidente d’EndoFrance. Grâce à son association, l’endométriose est devenue une question de santé publique. 

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