Comme les maires de Paris, Lyon, Strasbourg, Grenoble et Rennes, le maire de Bordeaux Pierre Hurmic (EELV) dénonce les manquements de l'Etat dans l'hébergement d'urgence des personnes sans-abri. Un recours va être déposé. À Bordeaux, ce sont au moins 554 personnes qui sont concernées.
"Aujourd'hui, on nous a signalé une famille qui dort par terre à l’aéroport, et une autre dans une voiture. En septembre, il y a eu une série de remises à la rue, car nous n'avons pas trouvé de solution d'hébergement pour des familles". Harmonie Lecerf est élue à la maire de Bordeaux. En charge de l'accès au droit et des solidarités, elle est en première ligne pour observer les difficultés de la municipalité à trouver des solutions d'hébergement d'urgence. Un problème qui s'amplifie chaque année. "Les préfectures font ce qu'elles peuvent. Notre recours s'adresse à l'état central. Ça suffit le sans-abrisme par milliers dans les villes de France !"
554 personnes à la rue
Au moins 554 personnes dorment à la rue à Bordeaux, selon le dernier recensement effectué lors de la Nuit de la Solidarité le 26 janvier 2023. Depuis la crise sanitaire, la situation s'aggrave, assure Harmonie Le Cerf.
Il y a toujours plus de gens dehors et les situations personnelles sont de plus en plus inquiétantes.
Harmonie Le Cerf, adjointe au maire de Bordeaux en charge des solidaritésà la rédaction web de France 3 Aquitaine
Certes, " l'État a augmenté le nombre de places en hôtels pour héberger les personnes dans l'urgence, reconnait l'élue. Mais cela ne résout pas le problème ; il faut un vrai plan national pour le sans-abrisme".
Dans une tribune publiée par le journal Libération le 9 octobre, les maires de Paris, Lyon, Strasbourg, Grenoble et Rennes, mais aussi Poitiers, Nantes, Rouen et Besançon, et Bordeaux ont annoncé mener une action coordonnée pour demander des indemnités à l'État qui ne remplit pas son rôle. Et qui est soupçonné de désengorger Paris pour préserver son image à la veille d'événements internationaux.
Dans le contexte des JO de Paris, nous n'avons pas les chiffres officiels de la préfecture, mais sept bus, d'une cinquantaine de personnes sans domicile, sont arrivés à Bordeaux depuis juin.
Harmonie Le Cerf, adjointe au maire de Bordeaux en charge des solidaritésà la rédaction web de France 3 Aquitaine
Recours contre l'État
Dans ce cadre, la Ville de Bordeaux déposera d'ici à la fin du mois d’octobre un recours indemnitaire à l’encontre de l’État, en raison de la carence de ce dernier sur la prise en charge des hébergements d’urgence. En effet, la municipalité estime qu'elle a dû se substituer cette carence et financer sur ses propres deniers des situations d'hébergement d'urgence pour sept familles. Ella a notamment ouvert durant neuf mois le gymnase Gouffrand pour accueillir des personnes sans-abri en 2021.
Depuis 2020, la dépense globale directe de la Ville et du CCAS de Bordeaux sur le sans abrisme est estimé à 2,3 millions pour la mise à l'abri et les dispositifs d'accompagnement, "c'est beaucoup plus que les années précédentes", assure Harmonie Le Cerf. Par ailleurs, la subvention municipale est passée de 15 à 30 % pour le centre Leydet, un des plus grands centres d'hébergement d'urgence de Bordeaux."
On s'inquiète de la non-prise en compte de la gravité de la situation.
Harmonie Le Cerf, adjointe au maire de Bordeaux en charge des solidaritésà la rédaction web de France 3 Aquitaine
Appels de détresse
L'action enclenchée par les collectivités est saluée par la Fondation Abbé Pierre de Nouvelle-Aquitaine, qui a pu également constater une aggravation depuis la crise sanitaire. "Les sollicitations de mises à l'abri ont explosé en Gironde, elles ont été multipliées par onze", explique Anne Marchand, la directrice de la Fondation Abbé Pierre régionale.
Aujourd'hui, il y a des écoles qui nous appellent, car les enseignants ont des élèves qui vivent en squat et dans les voitures avec leurs parents.
Anne Marchand, directrice fondation Abbé Pierre Nouvelle-Aquitaineà la rédaction web de France 3 Aquitaine
Habituellement, la fondation travaille avec les associations caritatives, mais les choses ont changé ces derniers mois. "Depuis la crise sanitaire, les citoyens nous appellent directement. Nous avons tous les jours des appels de détresse. Toutes les communes sont concernées : Bordeaux, mais aussi Floirac, Bègles ou Mérignac", explique la directrice de la fondation.
" Depuis la crise sanitaire, la Fondation abbé Pierre régionale a investi plus d'un million d'euros dans l'aide alimentaire, l'accès à l'hygiène et la mise à l'abri", poursuit la directrice, qui dresse un constat inquiétant : "le système invisibilise les personnes à la rue et n'est plus capable de les aider".
Près de 5 000 sans-abri en Gironde
La fondation Abbé Pierre a commandé une étude sur le sans-abrisme à l'échelle du département. En Gironde, les chiffres sont édifiants : 4 850 personnes sont sans domicile selon les critères de l'INSEE, c'est-à-dire qu'elles vivent en squat, dans les hébergements d'urgence et dans la rue ou une voiture. Des chiffres volatils, mais qui inquiètent les associations. Il y aurait par ailleurs 7 270 ménages exposés au sans-abrisme, dont deux mille demandeurs d'asile et plus de 5 000 personnes logées par la famille, donc qui ne sont pas recensées.