La Bordelaise Marie Toussaint, tête de liste écologiste aux élections européennes, veut "une Europe qui se bat plus et mieux contre les injustices"

Connaissez-vous Marie Toussaint ? Elle a été désignée le 10 juillet dernier tête de liste des écologistes aux élections européennes de 2024. Cette militante bordelaise est reconnue pour ses qualités de juriste. La récente condamnation de l'État français pour non-action climatique dans l'Affaire du siècle, c'est elle.

Posée, mais déterminée. La Bordelaise Marie Toussaint, désignée par son parti, le 10 juillet dernier tête de liste écologiste aux prochaines élections européennes de 2024, sait qu'elle ne bénéficie d'aucun répit. À un an du vote, prévu le 9 juin 2024, la campagne a bel et bien commencé. 

Celle qui a grandi dans le quartier des Aubiers, à Bordeaux, fait remonter le début des hostilités à ce "changement de pied" de la droite européenne, au moment du vote de la loi sur la restauration de la nature, adoptée au Parlement de Strasbourg à quelques fragiles voix près, le 12 juillet dernier.

"La droite européenne qui soutenait jusque-là le pacte vert, qui avait vocation à relever les ambitions écologistes de l'Union européenne (UE), a décidé de lui tourner le dos et d'attaquer", lance Marie Toussaint. La loi, qui vise à réhabiliter jusqu'à 30 % des écosystèmes dégradés en Europe d'ici à 2030, est certes adoptée, mais, vidée d'une grande partie de sa substance. "Ne pas perdre, c'est parfois déjà un peu une victoire", veut croire Marie Toussaint.

J'ai toujours considéré le droit comme un outil pour la justice, pour le vivant. C'est l'objet de mon combat.

Marie Toussaint

Tête de liste écologiste aux élections européennes de 2024

Coup d'arrêt à la droite

Pour elle, l'appel du président de la République, Emmanuel Macron, le 11 mai 2023, à une "pause réglementaire européenne" sur les questions environnementales, a été parfaitement interprété par la droite européenne. Dans ses déclarations, le président estimait que l’UE avait fait "plus que tous ses voisins" sur le sujet et avait " besoin de stabilité" . Mais pour la députée écologiste, la volonté derrière cette déclaration choc était  "de faire tomber le pacte vert et de bloquer tous les textes derrière".  Les élus du Parti populaire européen (PPE), principale force de droite au Parlement européen, se sont massivement opposés au texte. Ceux du groupe centriste Renew, dont font partie les députés européens macronistes, n'ont, pour certains, pas voté le texte.

Face à la dureté du combat, Marie Toussaint estime que les écologistes sont parvenus à mettre "un coup d'arrêt à la volonté de la droite de mettre un coup d'arrêt à cette loi". Les écologistes assoient ainsi leur autorité et remportent une victoire arrachée de haute lutte. La tête de liste écolo aux prochaines élections européennes plante l'esprit de sa démarche avec quelques mots de Victor Hugo : "Vous avez la force, nous avons le droit."   Elle ajoute : "J'ai toujours considéré le droit comme un outil pour la justice, pour le vivant. C'est l'objet de mon combat."

Elle fait partie de ces gens qui pensent qu'il est très important d'aller au dialogue, y compris avec ceux avec qui on n'est pas d'accord.

Nicolas Thierry

Député EELV de la 2e circonscription de la Gironde

Nicolas Thierry, député Europe Écologie Les Verts (EELV) de la 2e circonscription de la Gironde, la connaît bien. Tous les deux partagent la même permanence parlementaire à Bordeaux. À ses yeux, "elle fait partie des écologistes qui ont compris qu'on ne peut pas rester dans le confort de l'entre soi".  Il précise : "elle fait partie de ces gens qui pensent qu'il est très important d'aller au dialogue, y compris avec ceux avec qui on n'est pas d'accord. J e pense à la Fnsea, aux grands industriels."

Utile à l'échelon européen

Elle n'a pour l'instant jamais brigué de mandats locaux, car, pour elle, "o n a besoin de se battre à la bonne échelle face aux défis mondialisés."   "J e me sentais utile au niveau européen", explique-t-elle .  Le meilleur exemple est peut-être ainsi son combat en faveur de la reconnaissance au Parlement de la notion d'écocide, qui désigne les atteintes les plus graves à l'environnement. Elle se souvient "d'un combat de tous les instants" pour "aller chercher des alliés". Un combat "crucial pour le vivant et les êtres humains". Elle rappelle que "les atteintes à l’environnement sont susceptibles de remettre en cause la vie sur la planète". 

"Q ue le parlement ait été unanime [le 29 mars 2023, NDLR] est un grand pas en avant. Avant, en 2019, personne ne connaissait ce terme."  Le texte doit désormais être validé par les États membres. 

Je suis d’une génération qui a toujours connu la dégradation de l’environnement. C’est ce qui m’a amenée vers l’engagement écologiste.

Marie Toussaint

Tête de liste écologiste aux élections européennes de 2024

Sur ce terrain du droit, Marie Toussaint n'en était pas à son coup d'essai. Elle s'était déjà fait un nom, il y a près de deux ans, en France. L'association Notre affaire à tous, dont elle est co-fondatrice, est parvenue avec plusieurs ONG telles que Greenpeace et Oxfam, à faire condamner l'État français pour ses manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ensemble, elles avaient opéré sous le nom de L'affaire du siècle. C'était en 2021. Elle en était. Au-delà de la victoire judiciaire, Nicolas Thierry se souvient l'avoir vu "profondément heureuse" ce jour-là, "une joie de militante". Un pied dans le monde des ONG, donc. Un autre dans la politique. Marie Toussaint a construit entre ces deux univers "une passerelle", poursuit le député girondin, pour "porter cette voix en politique". 

Fille de militants à ADT quart monde, Marie Toussaint se souvient de parents "toujours mobilisés contre la pauvreté" qui lui "ont transmis la passion de l’engagement". "Je suis d’une génération qui a toujours connu la dégradation de l’environnement. C’est ce qui m’a amené vers l’engagement écologiste." Son engagement associatif lui permet d'agir "pour faire évoluer le droit". La "politique aussi, pour faire changer la loi" et, dans ce domaine, "l’échelon européen est important". 

Écoute

Quand Nicolas Thierry pense à Marie Toussaint, le premier mot qui lui vient à l'esprit, c'est "écoute". Il précise : "C'est une forme de bienveillance, dans le sens où  elle ne va pas brutaliser le débat.  Quand vous avez de l'écoute et de la bienveillance, vous l'avez aussi avec les gens qui ne sont pas tout à fait d'accord avec vous : c'est une facilité au dialogue.  L'écologie a clairement besoin de ça. On n'a pas besoin de brutaliser le débat public. On n'a pas besoin d'ajouter du fracas au fracas."

Écocide, Affaire du siècle, les deux évènements finissent par poser le personnage sur l'échiquier politique européen. Marie Toussaint ambitionne maintenant d'obtenir "l'adoption d'un traité environnemental européen" pour que la "protection de l'environnement devienne la norme des normes, autour du respect des limites planétaires".  

Pour elle, la lutte en faveur du vivant implique de " faire vivre la justice environnementale", car, remarque-t-elle, "ce sont souvent les plus pauvres qui vivent dans les zones les plus polluées". "C’est une prise de conscience nouvelle en Europe !"

Il y a une envie profonde d’une autre Europe en France. C’est ce qu’on va aller chercher.

Marie Toussaint

Tête de liste écologiste aux élections européennes de 2024

Justice sociale

En travaillant sur le terrain de la protection du vivant, elle dit agir en faveur de la justice sociale. Elle l'affirme, "la lutte contre la pauvreté et les inégalités" doit devenir "la colonne vertébrale européenne". Pour y parvenir, elle propose que "les politiques européennes, les budgets, les lois, les programmes, soient analysés à l'aune de leur impact sur les plus pauvres" en Europe.

 Les élections européennes, scrutin phare pour Europe Ecologie Les Verts (EELV), mobilisent généralement peu les électeurs français. Marie Toussaint décèle pourtant "une envie profonde d’une autre Europe" dans le pays et, "c’est ce qu’on va aller chercher". Son idée est celle "d’une Europe qui se bat plus et mieux pour la nature et contre les injustices et qui soit forte dans un monde en mouvement permanent. L’Europe mérite qu’on se batte pour elle et pour le projet."

Si elle reste pour l'instant discrète sur la manière dont elle entend mener la bataille des urnes dans les mois qui viennent, Nicolas Thierry fait le pari que "son style va trancher avec le débat politique ambiant". Pour lui, "les élections européennes sont avant tout un débat d'idées", l'un des points forts de l'élue, dit-il.