Le glyphosate, "problème sanitaire" ou "outil utile et sécurisant" ? Avec le vote européen, le débat se poursuit

Le glyphosate va-t-il continuer à désherber les terres européennes ? L'autorisation de prolonger ou pas l'utilisation de ce produit chimique controversé est votée ce vendredi 13 octobre à Bruxelles. Alors que certains agriculteurs le jugent indispensable, des médecins et élus s'inquiètent de l'influence du lobby de l'agro-chimie.

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C'est un vote crucial qui aura lieu vendredi 13 octobre à Bruxelles. Jour de chance ou de malchance selon les différentes parties qui s'opposent sur le sujet. La commission européenne a en effet proposé de renouveler jusqu'au 15 décembre 2033, l'autorisation du glyphosate, la substance active de plusieurs herbicides.

La position de la France, première puissance agricole de l'UE et premier bénéficiaire de la politique agricole commune, est scrutée. Le pays cherche encore à amender la proposition de la Commission, car la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire, affirme ne pas pouvoir se passer du désherbant.

"Il y a toujours des négociations qui sont en cours et la France pèse de tout son poids pour que la copie européenne puisse tenir compte des remarques françaises", a déclaré mercredi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. "Nous avons un objectif: sortir du glyphosate", et "nous voulons que ce soit effectif et opérationnel dès lors qu'il existe une alternative au glyphosate", a-t-il ajouté à l'AFP.

"Un problème sanitaire" 

Cette déclaration ne convainc pas Nicolas Thierry, député girondin du parti Europe écologie-les verts.

Je trouve que la position du gouvernement est incompréhensible. Ils savent que c'est un problème sanitaire qui interroge le grand public mais ils ont aussi l'oreille du lobby de l'agro-chimie.

Nicolas Thierry, député de Gironde (EELV)

A rédaction web France 3 Aquitaine

 "Le glyphosate est la pierre angulaire de toute l'industrie agro-chimique. Le remettre en cause, c'est accepter de sortir de notre modèle agricole intensif", indique le député. Au moment des tractations à Bruxelles, le parlementaire a l'impression que Paris va couper la poire en deux par rapport à la proposition de la commission. "Je pense que le gouvernement négocie cinq ans de prolongation", précise Nicolas Thierry.

"Outil utile"

"Le glyphosate est un outil très utile ponctuellement", résume Xavier de Saint-Léger, céréalier à St-Louis-de-Montferrand, près de Bordeaux qui cultive de l'orge, du soja et du tournesol.

"J'en utilise peu, sur 5 % de ma surface, à l'automne, après la récolte, pour enlever des plantes vivaces comme le chardon ou le chiendent", ajoute l'agriculteur, qui a bien changé ses pratiques depuis son installation en 1997. "J'en utilise deux fois moins", dit-il quand il fait les comptes, avec une moitié de ses cultures converties en bio.

Les produits phyto-sanitaires, c'est un coût qu'on cherche à réduire ! On est aussi sensibilisé pour en consommer moins. On désherbe davantage avec des engins agricoles.

Xavier de Saint-Léger, céréalier en Gironde

A France 3 Aquitaine

"Des aides du plan de relance ont permis d'investir dans du matériel, mais maintenir le glyphosate c'est sécurisant", souligne le céréalier, secrétaire adjoint de la chambre d'agriculture de Gironde, dominée par la FNSEA.

Le syndicat dénonce depuis longtemps une absence d'alternative au glyphosate qui occasionne une "distorsion de concurrence". "Dans le port de Bassens, du tournesol argentin ou ukrainien est déchargé et les concentrations d'herbicides et pesticides sont bien supérieures aux normes européennes", note Xavier de Saint-Léger.

"Entre la volonté politique et les réalités de terrain, il y a un fossé", remarque Thomas Solans, viticulteur, éleveur en Gironde et élu de la chambre d'Agriculture de la Gironde également. "22 % du vignoble girondin est actuellement en bio. Des efforts sont faits. Il ne faut pas interdire le glyphosate mais adapter la dose", dit le vigneron de 38 ans qui s'est, lui aussi, converti au bio.

Reportage France 3 Aquitaine avec comme intervenants Jérôme Zaros, viticulteur Domaine du Buisson et Stéphane Defraine du Château de Fontenille. 

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Reportage France 3 Aquitaine de V.Roussel et N.Pressigout. ©FTV

Ventes en baisse  

Emmanuel Macron s'était engagé, en 2017, à sortir du glyphosate dans les trois ans, mais il avait parlé un peu vite. Il a ensuite reconnu en 2022 avoir commis "l'erreur" de croire la France capable de se passer seule de ce désherbant.

Le gouvernement a finalement seulement restreint ses usages, l'interdisant notamment aux particuliers et aux collectivités. Ces dernières années, les ventes de glyphosate ont bien reculé en France, de l'ordre de 30 % depuis 2015. L'autorisation de l'Union européenne devait expirer à la fin de l'année d'où la proposition de la commission de prolonger de dix ans.

Pas de consensus sur ses effets sur la santé

Problème, la question de ses effets sur la santé n'a jamais été tranchée, en l'absence de consensus scientifique sur son éventuelle dangerosité. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en 2015 le glyphosate comme un "cancérogène probable" pour les humains.

L'OMS a dit disposer de "preuves limitées", mais les experts les ont considérées comme suffisantes pour alerter sur un effet cancérogène chez l'humain. Ces conclusions ont été confirmées en 2021 par une étude de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). L'institut français a conclu à "l'existence d'un risque accru de lymphomes non hodgkiniens (un cancer du sang)" avec "un niveau de présomption moyen".

A contrario, l'EFSA (l'Autorité européenne de sécurité des aliments) n'a "pas identifié de domaine de préoccupation critique" du glyphosate chez les humains, les animaux et l'environnement dans son dernier avis en juillet dernier.  Avant elle, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) avait jugé que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène.

Les résultats divergent, car les méthodologies diffèrent, ce qui fait bondir le Dr Pierre-Michel Périnaud, médecin généraliste, président de l'association "Alerte des médecins sur les pesticides", créée en Limousin en 2013.

L'EFSA continue de juger sur les documents qui lui sont fournis par les industriels, sans prendre en compte la littérature scientifique et la recherche.

Pierre-Michel Périnaud, président de l'association "alerte des médecins sur les pesticides

A France 3 Aquitaine

"Or cette littérature est abondante et ses conclusions confirment tous les arguments avancés. La cancérogénicité du glyphosate en matière de Lymphome, la génotoxicité et un nouvel élément, la perturbation endocrinienne. L'Europe étudie la substance active, mais pas la totalité du produit versé dans les champs. Le glyphosate, c'est un tiers des pesticides épandus dans le monde", avance le médecin.

"Le lobby agro-chimique met beaucoup de force dans sa communication, mais il n'est pas interdit de penser que la santé publique ne devrait pas se coucher derrière les intérêts économiques", poursuit-il.

Vote des pays de l'UE

A Bruxelles, ce vendredi, la décision de la France va peser dans le débat. "Après un événement important cette semaine, le Fonds français d'indemnisation des victimes de pesticides a retenu le lien entre les malformations congénitales d'un adolescent et l'exposition de sa mère enceinte au glyphosate," précise le député Nicolas Thierry. "Une première" selon la famille concernée originaire de l'Isère qui a rendu publique la décision.

Les regards sont donc tournés vers les pays membres de l'UE qui vont voter vendredi. La coalition au pouvoir en Allemagne était divisée sur le sujet du glyphosate. D'autres pays de l'UE ont exprimé de vives critiques vis-à-vis de la proposition de la Commission. Le  Luxembourg et l'Autriche ont déjà annoncé qu'ils voteraient contre.

Si la prolongation de l'herbicide et adoptée, des ONG ont annoncé qu'elles allaient saisir les tribunaux.

 

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