Législatives 2022. À Bordeaux, la 2e circonscription de la Gironde compose avec ses nouveaux habitants

Parce qu'elle regroupe des quartiers très hétérogènes, la 2e circonscription de la Gironde se révèle à la fois conservatrice, cosmopolite et en transformation. A quelques jours du premier tour des législatives, rencontre avec des acteurs bordelais de cette circonscription atypique.

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C'est une circonscription très hétérogène. Située de Bordeaux Saint-Augustin à l'ouest jusqu'aux côteaux à l'est, elle inclut le très chic quartier de Saint-Seurin, celui, en pleine transformation de la Bastide, et le populaire Saint-Michel dans le cœur de la ville.
Des quartiers qui pourraient  opter pour des choix très différents dans les urnes les 12 et 19 juin prochain. En 2017, la députée LaREM Catherine Fabre avait remporté les législatives. A nouveau candidate, elle affrontera, entre autres, Nicolas Thierry, cadre régional d'Europe Ecologie les Verts, candidat pour la Nupes.
A cinq jours du premier tour, rencontre avec des acteurs de cette circonscription de 115 000 habitants.

"La plus belle vue de Bordeaux"

"Il n'y a rien ici. Les gens ne font que passer, ou dormir". Ici, c'est la Bastide, sur la rive droite de la Garonne, à Bordeaux. Un quartier tout proche du célèbre Pont de Pierre, où sont implantés un cinéma Mégarama, ou encore le site alternatif Ecosystème Darwin. Après des années passées dans le nucléaire, puis dans le bâtiment, Patrick Youf y a ouvert un bureau de tabac, avenue Thiers. Parallèlement, il lance l'association Esprit Bastide pour "améliorer l'attractivité du quartier de la Bastide". 

C'est avec elle qu'il a milité ardemment contre la fermeture du Pont de Pierre.

Il l'assure : son interdiction aux voitures depuis 2018, est responsable d'une désaffection de la clientèle autour de la place Stalingrad.  "Si au moins, en échange, ils avaient amené de l'activité. Moi, j'avais proposé qu'on installe un marché sur les allées de Serre. On a la plus belle vue de Bordeaux, il faudrait mettre en place un circuit touristique!"
Après le pont de Pierre, c'est la place Stalingrad et son fameux lion bleu qui sont fermés aux voitures depuis février. Une aberration de plus pour le buraliste :  "A côté de ça, on construit partout, on a des paquebots qui arrivent tout le temps... On nous parle de qualité de vie, mais moi, je ne vois plus d'hirondelles", soupire-t-il. 

 Un quartier en pleine transformation

Ce quartier, auquel il est très attaché, Patrick le décrit comme  "très populaire, mais qui se boboïse de plus en plus". 

Depuis six ans, le paysage urbain ne cesse de se transformer : plus de 3 000 logements et des dizaines de milliers de bureaux devraient, à terme, constituer le colossal chantier de Bastide-Niel, modifiant à la fois la physionomie et la population du quartier.  "On commence à voir le changement :  on a des Leclerc Drive, un Eat salad... Ce ne sont pas des commerces de proximité ça", déplore le buraliste.  
Depuis sa boutique, il observe la cohabitation entre les nouveaux arrivants et "les anciens Bastidiens", qui subissent de plein fouet la hausse des loyers. 

J'ai pas mal de clients qui me disent qu'ils cherchent à se reloger. Les loyers flambent depuis deux ou trois ans : aujourd'hui, il faut compter 700 balles pour un T2 ! Beaucoup de gens partent et sont remplacés par des nouveaux venus.

Patrick Youf, buraliste avenue Thiers

Source : France 3 Aquitaine

Gilet jaune "de la première heure"

Depuis bientôt quatre ans, Patrick, qui  "ne croit plus" en la politique, ni en les "décisions verticales", s'est engagé aux cotés des Gilets jaunes. Dans son bureau de tabac, il a punaisé des photos de lui, entouré de manifestants, et de Jérôme Rodrigues, figure du mouvement. Il explique avoir trouvé "une famille". "On est tous solidaires, entre personnes de tous horizons. Et on s'entraide". Des valeurs qu'il tient à véhiculer au quotidien, précise-t-il avant de dénoncer le comportement des forces de l'ordre, dans les manifestations.  "Regardez par exemple, les sans-abri qui sont devant ma boutique. Ils pourraient très bien rester là, puisque personne n'a d'autre solution à leur proposer. Et pourtant, tous les jours la police vient pour les dégager.  On va où là ?", s'agace-t-il.  

"Vote à reculons"

Lui, qui a été élevé  en partie par ses grands-parents "dans un esprit rouge",  suit avec attention la politique locale et nationale. Il ne mâche pas ses mots sur l'actuelle députée LaREM de sa circonscription.  Catherine Fabre, élue en 2017 est candidate à sa réélection. "Personne ici ne l'a jamais vue." 
La Nupes, et la candidature de Nicolas Thierry, issus des rangs EELV, n'est pas épargnée : "au lendemain du premier tour, Mélenchon a demandé à faire alliance avec Macron. Je peux vous dire qu'au niveau des Gilets jaunes, ça n'est pas passé", poursuit Patrick Youf, qui "pense aller voter, mais à reculons". 

Mixité sociale et culturelle à Saint-Michel

De l'autre côté du pont de Pierre, direction Saint-Michel. Un quartier emblématique de Bordeaux, reconnaissable à la flèche de sa basilique, érigée au XIVe siècle, et décrit comme "populaire et cosmopolite" dans la plupart des guides touristiques. Jean-Philippe Sarthou y travaille depuis six ans. Il est responsable du centre d'animation local, créé il y a une trentaine d'années. Activités culturelles, accueil périscolaire, cours de français  langues étrangères, rendez-vous avec l'écrivain public, ou encore accompagnement à la parentalité... le centre recense entre 500 et 600 adhérents, auxquels s'ajoutent plusieurs centaines de personnes, accueillies ponctuellement.


Ses responsables sont donc en première ligne pour assister à l'évolution du quartier, bouleversé, lui aussi par l'arrivée de nouveaux habitants. S'ils ont été séduits par l'aspect multiculturel du quartier, explique Jean-Philippe, ils ont parfois du mal à s'adapter à ses particularités. 

 

Les nouveaux arrivants ont payé des appartements parfois très cher, donc ils ne comprennent pas. Les odeurs de cumin et le thé à la menthe, pourquoi pas. Mais les gamins qui font le barouf devant chez eux, ça ne passe pas.

Jean-Philippe Sarthou, responsable centre animation Saint-Michel

France 3 Aquitaine

Carrefour culturel, métissé, et animé, Saint-Michel jouit aussi d'une réputation plus sulfureuse.  "Bien sûr qu'il y a des histoires de prostitution, de came, de poudre. Il y a de la picole, du deal, parfois de la violence. Certains riverains prennent cher", reconnaît Jean-Philippe. A l'entendre, c'est surtout pendant le confinement que les choses se sont dégradées, avec l'arrivée de nouveaux dealers. "Il n'y avait plus personne dans l'espace public alors ils s'en sont saisi. Et ils ne vendaient pas du hashish. C'était du crack, des cachetons... ". Une période qui a également coïncidé avec une hausse temporaire de la délinquance, et d'actes de violence.  

Un équilibre "fragile" à préserver

Le directeur du centre d'animation décrit un équilibre précaire, entre personnes aisées, populations immigrées, étudiants, artistes "alternatifs", que les habitants s'attachent à préserver, ensemble. "Il y a toujours eu dans ce quartier des personnes en situation de fragilité, qui sont attachées à ce quartier. Mais certains bourgeois qui vivent là aussi sont également attachés la grande diversité des personnes qui y vivent", analyse-t-il. 

"Un des enjeux, c'est de préserver la mixité sociale. Des personnes d'horizons très différents vivent ici, se croisent, ne se saluent pas forcément s'ils ne se connaissent pas, mais il ne se mettent pas dessus non plus. Cette envie de préserver cet équilibre, c'est quelque chose que l'on ressent au quotidien", poursuit Jean-Philippe Sarthou. 

Gentrification

Récemment, plusieurs bureaux et d'espaces de co-working se sont installés, en lieu et place de petits commerces. "Ca, ça ne sent pas bon, estime Jean-Philippe.  Ce qui fait Saint-Mich', c'est quand même ses commerces, ses terrasses... Les gens n'y viendraient pas s'il n'y avait pas les brocantes, le marché, les petites boutiques pour acheter du riz ou du gingembre. Et ça, ça concentre des gens venus de partout". 
En 2018, selon l'Insee, le taux de pauvreté atteignait 47,2% chez les habitants de Saint-Michel. En 2021, il était de 32,8 %.  Cet embourgeoisement, inégalement réparti, génère des inquiétudes notamment celle de perdre, à moyen terme, l'appellation "quartier prioritaire de la politique de la ville". Défini en fonction des revenus par habitant, il permet de bénéficier de financements de la maire et de la métropole pour améliorer les conditions de vie de ses habitants.

 

Ambiance village à Saint-Seurin

Même circonscription, autre quartier, autre ambiance. Saint-Seurin, dispose aussi d'une basilique, du XIe siècle celle-ci. Située sur la verdoyante place des Martyrs de la Résistance, à quelques encablures du quartier Gambetta, l'édifice est entouré d'immeubles en pierre de taille, de petits cafés et de commerces de bouche. En ce vendredi, jour de marché, un accordéoniste joue des airs de musique surannés, pendant que les candidats aux législatives distribuent leurs tracts aux badauds.

Ce charme désuet, cet ambiance de village, c'est sans conteste ce qui constitue l'atout majeur de Saint-Seurin. Après s'être investie aux côtés des associations de parents d'élèves, Sylvie Blanc a repris la présidence de Village Saint-Seurin, dont elle était auparavant adhérente.  L'association promeut les créateurs locaux, organise annuellement  un "pique-nique des voisins", avec musique live ou encore une grande brocante annuelle, qui constitue sa principale source de revenus. "L'idée c'est de fédérer les familles autour d'événements conviviaux, faciles et gratuits", résume-t-elle. 

Cette mère de trois enfants  qui s'est installée dans le coin il y a une vingtaine d'années, ne tarit pas d'éloges sur son environnement. "Saint-Seurin, c'est un quartier familial, facile à vivre, où les gens restent. Ses habitants sont très attachés aux commerces de quartier, aux terrasses, au fait de pouvoir se rencontrer  et se retrouver facilement. C'est un village dans la ville" .

En vingt ans, la présidente d'association assure n'avoir pas vu beaucoup de changements dans son quartier, à l'exception, peut-être des boutiques. Entre l'épicerie fine, le caviste ou le volailler, les commerces haut de gamme se multiplient. "On sent qu'il y a désormais un certain niveau, que les clients qui habitent Saint-Seurin ont un train de vie plutôt agréable", admet Sylvie. "Entre les écoles, l'espace vert de la place des Martyrs, le rituel de la messe à l'église le dimanche matin... ça vit et les gens adorent."


Plus de 6 000 euros le mètre carré

Comme dans de nombreux quartiers de Bordeaux, à Saint-Seurin, l'arrivée de la LGV, qui place désormais Paris à deux heures de train, a changé la donne. Agent immobilier de profession, Sylvie est témoin de l'attractivité de ce quartier sur les Parisiens.  Elle se souvient d'une année 2017, "surréaliste", avec une explosion des prix.

Une maison qu'on vendait auparavant à 4 500 euros du mètre carré, aujourd'hui on peut la vendre, sans problème, à plus de 6 000 euros/m².

Sylvie Blanc, agent immobilier

Source : France 3 Aquitaine

De nombreuses maisons affichées à la vente dépassent allégrement le million d'euros. 
Pour autant, ces Néo-bordelais ne dénotent pas dans le quartier. Cadres ou professions libérales, ayant vendu leur appartement à Paris et donc disposant de solides revenus, ils sont, eux aussi, très soucieux de préserver la tranquillité de Saint-Seurin.

Seule perturbation en vue : l'arrivée du bus express à haut niveau de service (BHNS). Un nouveau moyen de transport en commun, reliant Saint-Aubin de Médoc à la gare Saint Jean, dont la mise en service est attendue pour 2024. Son tracé comprend les rues de la Croix blanche et Capdeville. "Il va complètement changer les habitudes des gens", prédit Sylvie. Il y a eu des réunions de quartier, des oppositions, les gens ont exprimé leurs craintes. Ils ont eu peur des changements, du bruit, d'avoir une station de bus devant leur porte... Ca les a vraiment bousculés, ils préféreraient que ça ne bouge pas trop".

Ce quartier conservateur qui a longtemps voté à droite ou plutôt pour Alain Juppé, a craint l'arrivée de Pierre Hurmic. Le maire EELV de Bordeaux  a été élu en 2020. Les électeurs du quartier avaient, eux, choisi Nicolas Florian (LR) à 50,49 %. "Je crois que ce n'était pas trop contre lui, estime Sylvie. C'est surtout l'idée du changement qui les a refroidis."
Mais en réalité, selon cette dernière, les sujets politiques ne sont que très peu abordés. "Il n'y a jamais de manifestation, de virulence... Ici, ça reste vivons heureux, vivons caché", sourit-elle. 

Les candidats dans la 2e circonscription de Gironde : 

  • Catherine Fabre (Renaissance), députée sortante
  • Nicolas Thierry (NUPES - EELV)
  • Emmanuelle Cuny (LR)
  • Pierre Le Camus (RN)
  • Bruna Belmondo, (divers droite)

  • Maxime Lambert, (écologiste)
  • Mikaël Millac, (divers droite)
  • Didier Magne, (Ensemble pour les libertés)
  • Honorine Laurent, (parti animaliste)
  • Virginie Tournay, (Reconquête !)
  • Guy Dupont, (LO)

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