"Les parents ne se rendent pas compte qu'ils mettent l'enfant en danger" : 10 jours sans écran pour lutter contre la surexposition

La ville de Bordeaux met en place, cette année encore, l'opération "défi 10 jours sans écran" dans 40 écoles maternelles et élémentaires. Pour une spécialiste du sujet, il faut continuer de sensibiliser les familles pour diminuer la surexposition des enfants, notamment des 6-10 ans.

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Pour la quatrième année, la ville de Bordeaux organise l'opération "défi 10 jours sans écran", du 2 au 11 avril. Pour l'édition 2024, 40 écoles maternelles et élémentaires sont mobilisées, soit près de 5500 élèves. Chaque élève s'est vu remettre, mardi 2 avril, un carnet de bord.

Le défi est présenté comme un match, au cours duquel chacun rapporte des points pour son équipe, sa classe. Chaque soir, l'enfant vérifie s'il a pu se passer d'écran de télévision, de smartphone, de tablette ou de console de jeu, et remplit une grille. Chacun est bien sûr libre de participer et de le faire à sa mesure. L'opération se veut surtout ludique et collective. Le carnet de bord propose aussi des idées de sorties aux parents, sur Bordeaux et dans les alentours, une entrée gratuite dans les piscines municipales ou encore, des recettes de cuisine pour voir plus loin que l'écran entre les mains.

"Cela questionne les parents et les enfants"

Christophe, père de famille bordelais, avec deux enfants de 7 et 10 ans trouve l'opération intéressante. "Cela questionne les enfants et les parents. Cela nous concerne tous de moins regarder les écrans, vu la place que cela a pris dans nos vies".

On peut être heureux aussi sans trop les regarder !

Christophe

Père de deux enfants

Le papa indique autoriser 45 minutes d'écran par enfant, tous les deux jours. "Pour le plus grand qui adore le foot, ce sont des émissions ou des résumés de match à la télé ou sur le net. Parfois un peu de jeu vidéo chez le voisin. Pour le plus petit, des dessins animés sur l'ordi le plus souvent."

L'accès aux écrans reste régulé dans cette famille. Pourtant, on le sait, le nombre d'écrans et de temps passé devant n'a cessé d'augmenter ces dernières années. Selon une enquête IPSOS de 2022, les 7-10 ans passent en moyenne 4 heures 40 par jour devant les écrans.

Conséquences sur la santé et l'attention  

Le docteur Anne-Lise Ducanda, basée en Gironde, est devenue une spécialiste de la surexposition aux écrans. "J'ai des patients en consultation de 11 mois à 18 ans", dit-elle, ce qui montre l'ampleur de la tâche. Pour elle, le défi 10 jours sans écrans est "intéressant".  "C'est bien car c'est collectif. La classe et les parents peuvent être portés par le défi". 

Les parents peuvent avoir le plaisir de retrouver un enfant plus posé, plus calme qui peut mieux dormir, réapprendre à jouer à des jeux de société.

Dr Anne-Lise Ducanda

Médecin spécialiste de la surexposition aux écrans

 La ville de Bordeaux croit en la bonne vertu de son opération. "En 2022, une enquête a montré que 40 % des enfants ont mieux dormi, 85 % ont passé plus de temps à jouer et à discuter en famille, 86 % ont réduit leur temps d'écran", assure la municipalité.

Anne-Lise Ducanda reste mesurée: "le risque, c'est que les habitudes reviennent vite", expose-t-elle. Membre du collectif Cose, contre la surexposition et de l'association Screenpeace, la médecin sillonne la France pour alerter sur les dégâts des écrans et la baisse continue de l'âge d'utilisation du portable. "Désormais, l'âge moyen du premier smartphone est de 8 ans et demi. Bien souvent, les parents donnent un ancien téléphone de la maison à l'enfant, avec  ou sans abonnement. Cela rassure les parents pour le joindre, pour le localiser. Beaucoup d'enfants disent trop souvent aussi que tout le monde en a !  Et les parents ne se rendent pas compte qu'ils mettent l'enfant en danger", dit-elle.

Au-delà du visionnage de possibles contenus violents, la spécialiste met en avant les répercussions sur la santé. "Si l'enfant est trop exposé, il peut avoir des troubles de l'attention, du mal à gérer la frustration et les émotions. On voit que les enfants peuvent être plus impulsifs et moins bien dormir s'ils sont trop sur les écrans".

Mise en place d'une charte familiale

La médecin recommande quatre règles d'or pour les enfants d'élémentaires, les quatre pas de Sabine Duflo, psychologue : pas d'écrans le matin, pas d'écran au repas, pas d'écran seul dans sa chambre et pas d'écran avant d'aller se coucher.

Avec son collectif, Anne-Lise Ducanda espère davantage de régulation sur le sujet, une réflexion sur les écrans comme outils dans les établissements scolaires et prône aussi une campagne nationale de sensibilisation, "aussi grande que pour le Covid, avec des gestes barrières".

"Pour bien faire, il ne faudrait pas d'écran avant 3 ans puis trente minutes le samedi et le dimanche pour les 3-6 ans, une heure pour les 6-10 ans, 2 heures pour les collégiens ,  2 heures 30 pour les lycéens et une charte familiale qui détaille toute cela", affirme la médecin, tout en comprenant que "beaucoup de parents sont dépassés et démunis par le sujet". "On est au début de la prise de conscience et il faudra encore du temps", dit-elle. "Il faudra aussi interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans, pour leur bien".

Offrir des téléphones basiques aux collégiens

Anne-Lise Ducanda voit quand même quelques initiatives intéressantes, autour de nous en Europe et même en France, pour diminuer la surexposition des écrans chez les jeunes. "La Suède a dépensé en septembre 2023, 60 millions d'euros pour enlever les écrans des écoles, de la maternelle au lycée, pour les remplacer par des manuels scolaires.
En Seine-et-Marne, les habitants de Seine-Port ont voté pour une nouvelle charte communale du bon usage des écrans. Le maire propose aussi d'offrir des téléphones basiques pour les enfants qui rentrent en sixième et d'éviter l'utilisation de smartphones"
, précise-t-elle.

En attendant, les "défis 10 jours sans écran" sont une autre expérience de déconnexion, pour un usage positif et maîtrisé des écrans et prennent de l'ampleur en France. "Le défi aide à mieux délimiter la frontière entre les écrans qui rendent service et ceux qui asservissent", selon la ville de Bordeaux. 

Près de 262 écoles de tout le pays sont d'ores et déjà inscrites pour la même opération, du 14 au 23 mai prochain, notamment à l'initiative de l'association basque "10 jours sans écrans – 10 egunez pantailak utzi".

 

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