C'est une tendance qui se confirme. Les vignerons certifiés ou en conversion bio sont passés de 353 exploitations en 2007 à 1684 en 2020. La Gironde est devenue le 1er département en surfaces cultivées en bio avec près de 14 000 hectares de vignes certifées ou en conversion bio.
Sur les réseaux sociaux et notamment Facebook, les Vignerons bio se réjouissent, ils ne sont plus seuls, bien au contraire comme le postait dès lundi Laurent Cassy, leur président pour la Nouvelle-Aquitaine : "la Bio se développe à vitesse grand V en Nouvelle-Aquitaine ! Et ô joie ! Presque 30% des nouveaux arrivants sont...des viticulteurs ! Ils sont désormais plus de 1.700 à conduire leur vignoble en Bio (contre 350 en 2007)
C'est une lame de fond qui ne va pas s'arrêter là : ainsi Bordeaux qui semblait à la traîne voit aujourd'hui 800 vignerons adhérer au bio sur 5300. "13 909 hectares de vigne sont en bio ou en conversion, soit 12% du vignoble bordelais", selon Gwenaëlle le Guillou-Spirou, directrice des Vignerons Bio de Nouvelle-Aquitaine, et place en superficie Bordeaux devant la Bourgogne ou la Loire.
Ce qui est important de voir, ce sont 43% de conversions, on avait eu un pallier similaire entre 2008 et 2012...C'est positif que les vignerons aillent vers des pratiques plus vertueuses par contre il faut travailler la partie commerciale et restaurer de la marge au producteur,"
Parmi les pionniers de la viticulture biologique, il y a au début des années 2000 Alain Moueix: "j'ai démarré en 2002 à Fonroque en faisant passer l'intégralité du vignoble, qui a été certifié en 2006. Puis on a passé 7 hectares en biodynamie en 2002, 14 en 2003 et 100% en 2005 avec Biodyvin. En 2008, le domaine a été entièrement certifié".
"Ce n'est pas un événement qui a allumé la mèche, c'est plus un faisceau de préoccupations. Les produits phytosanitaires ne m'ont jamais inspiré, même si je m'étais mis en agriculture raisonnée au château Mazères avec Terra Vitis.Mais j'ai trouvé que cela n'allait pas assez loin".
"Mes préoccupations étaient la protection des personnes qui travaillent dans les vignes, la pérennité du terroir car le sol est un être vivant, fragile, et pour trouver un équilibre, j'ai trouvé que la biodynamie prenait en compte un environnement plus global", continue Alain Moueix château Fonroque
J'ai pu goûter beaucoup de vins et pour ceux qui sont en biodynamie, il y a une expression plus large de ce que peut donner le terroir, avec plus d'authenticité, de singularité, plus de fraîcheur et de verticalité."
Passer en bio, c'est bien sûr davantage de risques et de travail,"tu le fais par conviction, car techniquement ça ne pardonne pas. A Bordeaux, on a pas mal de mildiou et d'oïdium", commente Yann Todeschini qui est passé au bio depuis quelques temps aussi avec son frère Karl. Aujourd'hui"tout Mangot (en Saint-Emilion Grand Cru) est en bio et tout La Brande (en Castillon), ce sont 57 hectares qui sont en bio, certifiés depuis 2020".
"On a initié notre démarche en 2009 et on est passé à 100% en 2010, mais on n'avait pas lancé la certification, on voulait voir si on était capable de tenir tant au niveau qualitatif que quantitatif...On a ainsi testé sur 10, 11, 12, 13, 14 et 15 avant de passer en conversion et d'être certifié".
Nous, on fait du bio car c'est le vin qu'on aime boire, le vin dont on est fier, on recherche côté identitaire du lieu et du terroir,
Jean-Baptiste Duquesne a fondé un groupe sur Facebook il y a un peu plus d'un an et qui compte aujourd'hui 2300 membres: "Bordeaux Pirate, des vins en dehors des sentiers battus", dont une majorité des vignerons sont en bio.Il incarne aujourd'hui le "bon sens paysan", et réintroduit du fumier dans ses vignes 300 à 400 tonnes . "On doit restaurer la vie, reconstituer des sols vivants et remettre de la nature organique dans nos sols". Même si les aléas climatiques et les maladies ont pas mal compromises ses dernières récoltes, il ne regrette pas d'être passé en bio :
"Cela n'a pas été une course facile... J'ai gelé en 2017, grêlé en 18, gelé en 19, regelé en 20 et gelé en 2021 ! La vigne a appris à vivre avec ces difficultés. La conversion, ce n'est pas un schéma facile. J'ai converti 100% mais je ne regrette pas, c'est une expérience passionnante. La qualité s'est améliorée d'année en année, la fraîcheur est plus grande".
Le bio aujourd'hui est souvent mieux valorisé que le Bordeaux générique, là où le tonneau de 900 litres se vend moins de 1000 euros, le tonneau de bio se vend le double à plus de 2000. "Partant d'une marque inconnue il y a 5 ans, depuis 4 ans je vends tout mon vin en bouteilles. Il y a une vraie lame de fond dans laquelle Bordeaux a beaucoup d'atouts. C'est le début d'une période de renouveau de Bordeaux, le Bordeaux bashing est derrière nous", continue Jean-Baptiste Duquesne.
Preuve que les vignerons bio continuent de surfer et de prendre leur destin en mains, ils vont organiser le 1er juin à l'Institut Supérieur de la Vigne et du Vin le Concours Expression des Vignerons Bio à Villenave d'Ornon pour montrer la qualité de leurs produits et que l'on parle d'eux sur la planète vin.