Loi d'orientation agricole. "On pose enfin un cadre", "pipeau administratif" : le projet du gouvernement divise les agriculteurs

Ce mercredi 3 avril, le gouvernement présentait son projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole. Simplification, formation des jeunes agriculteurs et facilitation des transmissions, les mesures divisent le monde agricole.

Il était attendu depuis des mois. Le projet de loi d’orientation agricole a été presenté ce mercredi 3 avril à l’issue du Conseil des ministres. “On est heureux de voir la sortie de ce texte, c’est la concrétisation de longues années de travail sur cette question du renouvellement des générations”, se réjouit Julien Rouger, membre du bureau national des Jeunes Agriculteurs et exploitant en Charente-Maritime. D’autres agriculteurs regrettent cependant une “hégémonie du modèle agricole”. La FDSEA elle, pointe des "fausses annonces". "Dans notre région, la quasi-majorité des mesures annoncées existent déjà. Nous avons déjà un guichet unique, la Safer en relai pour le foncier...", liste Jean-Samuel Eynard, président de la FDSEA de Gironde.

Premier article de ce projet de loi, la souveraineté alimentaire fait désormais l’objet d’une définition officielle, qui détermine son “intérêt général majeur”. Pour son suivi, le gouvernement propose un suivi “régulier” des indicateurs qui seront fournis aux parlementaires. "C'est pas mal parce qu'ils ne l'avaient jamais annoncé. Mais que vont-ils mettre en place pour qu'on passe devant tout le reste ? Je ne sais pas", avance José Perez, co-président de la Coordination rurale en Lot-et-Garonne. 

Guichet unique d'installation

Avec près de la moitié des agriculteurs en activité qui prendront leur retraite d’ici à dix ans, l’enjeu central de cette loi se fixe sur le renouvellement de la profession.

Le volet formation y a donc été largement détaillé : découverte de l’agriculture dès l’école, offre de stages immersifs pour “créer de potentielles vocations”. L’enseignement agricole est également renforcé avec une nouvelle mission confiée aux établissements agricoles pour transmettre les méthodes d’un modèle “résistant aux chocs géopolitiques et climatiques”, assorti d’une augmentation de 10 % du budget dédié. Enfin, un bachelor en trois ans est aussi proposé. “On sent qu’il y a une vraie ambition d’attirer et de reconnecter les plus jeunes au monde agricole, à leur alimentation et à ceux qui la produisent”, avance Julien Rouger.

Demande phare des agriculteurs, la facilitation de l’installation de jeunes agriculteurs est également mise en avant. Le gouvernement a ainsi annoncé sa volonté de créer un guichet unique, France Service Agriculture, géré par les chambres d’agricultures. Il devrait centraliser les outils et acteurs qui accompagnent l’installation et la fin de carrière des agriculteurs. “C’est une nécessité absolue de voir ce guichet. On pose enfin un cadre où l’on réunit tous les acteurs et les compétences pour accompagner au mieux. On gagne en lisibilité et en efficacité”, se réjouit Julien Rouger.

Une erreur, en revanche, pour la Confédération paysanne de Gironde qui craint la disparition des modèles alternatifs d’agriculture. “Toutes les installations et les transmissions vont se concentrer entre les mains des Chambres d’agriculture qui sont le vecteur d’une agriculture productiviste. Tous les gens qui travaillent sur des modèles alternatifs, qui ont des clientèles aujourd’hui, vont être hors circuit”, regrette Dominique Techer, président du syndicat en Gironde. La Coordination rurale, elle, est dubitative. "Ça existe déjà", estime José Perez.

Augmentez la rémunération des agriculteurs et vous verrez qu'il n'y aura pas besoin d'outil unique.

José Pérez

Coordination rurale 47

Attirer les investisseurs

Enfin, pour aider les nouveaux exploitants, le gouvernement veut inciter l’investissement dans le foncier. “Pas réaliste avec les rendements actuels que nous avons”, rétorque la Confédération paysanne, qui pointe l’économie en souffrance du monde agricole. "Ou alors, ils vont imposer des fermages à des prix dissuasifs, qui ne vont donc pas inciter de nouveaux agriculteurs à s’installer”, indique Dominique Techer. Même discours du côté de la FDSEA de Gironde. "S'il n'y a pas de rentabilité, il n'y aura pas d’installation, puisqu'aucun établissement bancaire suivra", indique Jean-Samuel Eynard.

Les Jeunes agriculteurs sont, eux, plus sur la réserve. “La partie foncière doit nécessiter un travail approfondi,pour que ces mesures soient utilisées”, explique le membre du bureau national des JA.

Dernier levier pour “ne plus décourager les agriculteurs”, le gouvernement veut alléger les procédures lors de construction d’ouvrage hydraulique, agricole ou d’élevage. “Il ne faut pas que ces procédures prennent neuf ans”, avance Marc Fesneau. "Cette simplification tombe sous le sens", argumente Jean-Samuel Eynard.

Dans notre région, sans eau, on ne cultivera plus rien.

Jean-Samuel Eynard

FDSEA de la Gironde

Des simplifications diverses sont également annoncées. “Il y a des éléments qui sont satisfaisants, mais d’autres doivent arriver”, indique Julien Rouger, éleveur et viticulteur dans le Cognac. "Ce ne sont pas des sujets", rétorque José Perez. "C'est du vent, c'est du pipeau administratif, ils veulent juste passer de quatre mois à deux mois".

Rémunération absente

Sur le volet environnemental, le gouvernement propose de modifier les sanctions en matière d’atteinte à l’environnement. “L’agriculteur concerné doit réparer et fera l’objet d’une demande, mais les sanctions ne seront plus sous le régime pénal”, indique Marc Fesneau, en conférence de presse. "Cette dépénalisation des petites erreurs, c'est une bonne chose, si on tient compte aussi de la bonne foi des agriculteurs incriminés. Après, les grosses erreurs devront rester pénalisables", avance Jean-Samuel Eynard, président de la FDSEA de Gironde.

Aucune annonce n’a cependant été faite au sujet des produits phytosanitaire, encadré par le Plan Ecophyto. “On nous a expliqué que l’on allait se calquer sur les normes européennes, qui autorisent déjà plus que ce que la France faisait. Ce n’est pas étonnant qu’il n’y ait pas d’élément dans ce projet de loi”, note, avec regret, Dominique Techer.

Déception du côté des agriculteurs, la rémunération est totalement absente de ce projet de loi. Elle sera débattue “à part” indique le gouvernement, au travers de la loi Egalim 2 notamment. “Cela représente 1,2 milliard d’euros de rémunération supplémentaire donnée aux agriculteurs”, relève Marc Fesneau. Du côté des Jeunes Agriculteurs, on préfère positiver. “C’est bien que cette question majeure soit traitée à part. Mais il va falloir rester vigilant et avancer vite et en profondeur,” soulève Julien Rouger.

La FDSEA de Gironde elle, reste sur sa faim. "Les attentes du monde agricoles sont économiques. Sans ça, rien de ce qui est avancé au niveau formation ou installation ne fonctionnera", conclut Jean-samuel Eynard.

Le texte sera à l’étude, à l’Assemblée Nationale, le 13 mai prochain. Le gouvernement espère qu’il sera voté d’ici à l’été, en commission mixte conclusive.

 

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