La proposition de loi est portée par la députée LR de Reims, Valérie Beauvais : un assouplissement de la loi Evin permettant aux vins locaux de subventionner une équipe locale. Pourquoi pas répond un petit club. Mais "Ce n'est l'état d'esprit de la filière en Gironde" selon Nathalie Delattre.
La marque d'un château bordelais sur les tenues des sportifs, est-ce possible ? Une proposition de loi commence à faire parler d'elle. Elle date du 20 février 2019 et vise à "autoriser le parrainage des clubs sportifs par les entreprises viticoles et les brasseurs français".
Et le texte de pointer du doigt les difficultés financières des petits clubs sportifs "privés de potentielles ressources de financement", notamment ceux impliqués dans des tournois internationaux.Depuis 1991 et la loi Évin, les opérations de parrainage par des entreprises viticoles et/ou des brasseurs ne sont plus possibles.
Si les enjeux de santé publique ont justifié cette mesure, il n’en demeure pas moins que près de 30 ans plus tard, aucune étude n’a permis d’établir le lien entre l’application de ces dispositions et la baisse de la consommation d’alcool.
Et de s'appuyer sur un article du code de la santé publique :Il convient de relever que cette interdiction de parrainage ne s’applique pas en Allemagne, en Angleterre, en Espagne ou encore en Italie ce qui contraint d’autant plus les clubs sportifs professionnels français.
Le dernier alinéa de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois ces dispositions ne sont pas applicables aux opérations de parrainage à destination des clubs sportifs dès lors qu’un pourcentage de ce soutien financier est consacré aux associations de lutte contre la dépendance à l’alcool. »
Chiche pour un club sportif de Ludon-Médoc
Pour ce petit club de 138 licenciés de Ludon-Médoc, au coeur du célèbre vignoble girondin, les sportifs amateurs ne voient pas cette proposition sous le même angle. D'autant que les aides de l'Etat ont été amputées de 25 %. Michel Dupéré, Président du club de lutte, est d'accord pour imprimer un sponsor viticole sur les tenues qui reviennent à cher.
Ça nous enleverait une épine du pied. Ça permettrait d'avoir peut être d'autres partenariats avec des châteaux, avec la coopérative, avec plein des gens qui peuvent nous aider.
Et donc aider à boucler les 40 000 euros de budget annuel pour faire tourner ce club.
Pourquoi pas ? répond l'un des principaux partenaires du club qui l' accompagne lors des compétitions, la cave des producteurs qui réunit 50 châteaux du secteur. Etienne Weirich, gérant de la cave La Médocaine, justifie cette option possible :
Nous, on ne travaille pas dans ce cas là avec les très jeunes joueurs, on se réserve pour les seniors mais ça peut permettre une ouverture supplémentaire pour nos aides.
Une inepsie pour l'association en charge de la lutte contre les addictions ne voit pas d'un bon oeil cette proposition en s'appuyant sur les tristes chiffres des décès liés à l'alcool : 41 000 par an.
Philippe Dauzan, Directeur régional de l'A.N.P.A.A. Aquitaine monte au créneau pour défendre cette nouvelle offensive contre la loi Even.
Nous sommes totalement opposés parce que pour nous, ça n'a aucun sens. On pourrait se dire que l'acool est une problème majeur e santé publique et on pourrait trouver de l'argent pour aider à la prévention et au déveleoppemnt des clubs sportifs.
Jean-Claude Lacoste et Karim Jbali sont allés à la rencontre de ces trois interlocuteurs cités ci-dessus pour confronter les points de vue sur ce sujet qui divise fortement ►
"Ce n'est pas l'esprit de la filière"
Le sujet divise. Pour Nathalie Delattre, viticultrice et sénatrice de la Gironde, "cela ne répond pas une demande de la filière en Gironde", " peut-être plus des brasseurs " et encore " il n'est pas prouvé que le fait de mettre des marque de bière ou des bandeaux dans les stades, incite à la consommation..."
Par ailleurs, elle estime que les viticulteurs font face en ce moment à d'autres difficultés notamment climatiques avec le gel ou la grêle.. et qu'ils sont plus investis ces dernières années dans une démarche d'oenotourisme qui correspond mieux à l'image de Bordeaux.
Quant à la prévention, elle regrette que la filière ne puisse pas "co-construire cette politique de prévention avec le ministère de la Santé comme cela se fait au Québec ou en Espagne", via un organisme indépendant co-financé par les deux parties.
D'après la sénatrice, la proposition de loi ne devrait pas "aller plus loin que l'Assemblée nationale". Elle devrait être débattue à l'Assemblée nationale d'ici la fin de l'année.
L'académie de Médecine réclame "des mesures plus fortes"
Dans un communiqué, l'Académie nationale de médecine a appelé lundi les pouvoirs publics à "prendre des mesures plus fortes" :Pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, la consommation d'alcool ne baisse plus en France. C'est une défaite majeure pour la santé publique".
L'organisme déplore en particulier "l'affaiblissement continu de la loi Evin sous la pression du lobby alcoolier, jusqu'à autoriser la publicité sur internet, support médiatique particulièrement affectionné par les jeunes" et demande donc au gouvernement à revenir aux "principes initiaux" de cette loi.
A l'instar d'autres institutions et associations, l'Académie recommande aussi :
- de faire figurer sur les boissons alcoolisées la mention "l'alcool est dangereux pour la santé" (et non le seul excès),
- de taxer les boissons au gramme d'alcool
- d'établir un prix minimum de vente par gramme d'alcool, comme c'est le cas en Ecosse depuis un an.
Un quart des Français boivent trop d'alcool
Dans des chiffres publiés mi-février, Santé publique France avait indiqué que la consommation des Français n'avait quasiment pas reculé depuis 10 ans. Près d'un quart des Français, soit environ 10,5 millions d'adultes, boivent trop d'alcool, avait également estimé fin mars Santé publique France.
L'agence sanitaire a diffusé de nouveaux repères de consommation, résumés par le message "pour votre santé, c'est maximum deux verres par jour, et pas tous les jours".
L'alcool constitue la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac, avec 41.000 décès qui lui sont attribuables chaque année en France.