Les "mal logés" déplacés de squat en squat à Bordeaux

Alors que les squatteurs de la "zone libre" de Cenon ont été priés de quitter les lieux, d'autres familles s'installent dans une ancienne maison de retraite de Gradignan. Près de 3000 personnes vivent dans des squats ou bidonvilles sur la métropole bordelaise, souvent aidés par les associations.

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Depuis mercredi, les associations relaient l'information de cette évacuation imminente à Cenon.

Dans le même temps, d'autres familles, dans d'autres squats cherchent aussi un nouveau toit. Ce nouvel abri, elles le trouvent parfois grâce au relais d'associations qui, malgré des procédés hors-la-loi (effraction, installation sur un domaine privé, etc...) font face à l'urgence sociale et sanitaire que vivent de nombreuses familles, au coeur de la métropole bordelaise.

 

Onze familles s'installent à Gradignan

Depuis quelques jours, ces onze familles (dont une trentaine d'enfants) ont pris leurs marques dans cette ancienne maison de  retraite à Gradignan en Gironde. Elles avaient quitté "la maison blanche" qui les abritait jusqu'alors, et pour certains depuis deux ans, cours de la Marne à Bordeaux.

"Parce qu'on avait promis au centre d'action social de partir avant l'été. Et qu'on voulait tenir parole", dit Juliette, du collectif 'Partout chez elles' (six femmes engagées pour la cause des femmes et des familles sans abri).

Ce dimanche matin, c'est le défilé. Alors que les familles avaient convié les associations qui les soutiennent pour une sorte de "crémaillère" ce samedi, un huissier accompagné par le Centre d'Action Social de Bordeaux Métropole, est venu "constater" l'occupation des bâtiments, ce dimanche, par les familles.

La personne représentant le CCAS, propriétaire des lieux, est venu à la rencontre des familles. Selon Juliette: "On est quand-mêmle en permanence dans une démarche de discussion..."

"Ils nous ont dit qu'ils allaient discuter avec le maire de Gradignan, Michel Labardin, et qu'il y aurait bientôt une réunion commune, aussi avec la Mission Squat de Bordeaux métropole". 

Une heure plus tard, petite visite de la Police, qui ne savait pas qu'un les avait précédés...

Ici, plusieurs associations suivent ces familles qui pour sept d'entre elles viennent du squat de Bordeaux, cours de la Marne et dont les enfants étaient scolarisés: Médecins du Monde, Réseau Education Sans Frontière (RESF), le Collectif Bienvenue, le DAL...

Juliette le rappelle: "nous on demande aux associations, assistantes sociales qui nous envoient des familles, de remplir une attestation comme quoi toutes les démarches administratives ont été effectuées... On squatte par nécessité, ce n'est pas un choix... et pour éviter que ces familles se retrouvent à la rue parfois avec un bébé..."

Le collectif auquel elle participe "Partout chez elles"(avec notamment une autre ancienne du SQUID, Nelly), comme l'association "Même pas mâles", s'impliquent plus particulièrement dans la mise à l'abri des femmes et des enfants. "Pour dénoncer aussi le gâchis. On aurait d'après les derniers chiffres de l'INSEE 10 000 mal-logés sur la métropole alors qu'il y a plus de 22400 logements vides..."

Leur action s'inscrit dans cet "entre-deux", quand les personnes ne peuvent bénéficier de certaines actions sociales soit de par leur statut (demandeurs d'asile en attente de régularisation par exemple), soit par manque de logements sociaux. Mais la plupart du temps, l'associations, les bénévoles représentent des intermédiaires entre les familles, services sociaux, l'administration, parfois les forces de l'ordre, en coordination avec le tissu associatif local et... toutes les bonnes volontés.

Et parfois, il faut savoir quitter un lieu pour s'approprier un autre. Pour aussi relâcher les tensions... et éviter la rupture dans cet équilibre ultra-sensible.

 

Evacuation du squat imminente à Cenon?

A Cenon, depuis la venue mercredi 10 juin d'un huissier formalisant l'évacuation sous 48h du site de "la zone libre" (quartier de la Morlette), 300 à 350 personnes dont une centaine d'enfants ont l'ordre de quitter les lieux, un ensemble de bâtiments qui appartient à un bailleur social, Logévie.

Parmi les squatters, installés pour beaucoup depuis novembre dernier dans cet ancier foyer pour personnes âgées, de nombreux enfants dont certains en très bas âges.

Ce dimanche, la situation n'a pas évoluée même si les familles comme les associations s'inquiètent.

Le 10 janvier dernier, d'après une décision de justice (tribunal de Bordeaux), les familles avaient trois mois pour partir mais le confinement a repoussé la décision.

Mais le cadre juridique semble flou puisque l'urgence sanitaire est mise en place jusqu’au 10 juillet 2020 et que la préfecture n'aurait pas été saisie... 

Les associations ont d'ores et déjà annoncé qu'une manifestation serait organisée, sur la zone libre ce jeudi 18 juin. Elle permettrait de réunir réunissant plusieurs acteurs associatifs pour reloger ces familles et ne pas laisser ces enfants "à la rue".

Une pétition en ligne a été montée par un collectif d'associations demandant à la préfète, Fabienne Buccio: "de ne pas requérir la force publique pour expulser les familles" sans la "mise en place de solutions anticipées, adaptées et durables afin de permettre la mise à l’abri des personnes à la rue dans des conditions dignes et respectueuses de tous".

La pétition "Zone Libre de Cenon" a recueilli 3500 signatures. 

 

Des milliers de mal logés sur la métropole

Pour Aude Saldana-Cazenave, la coordinatrice régionale de Médecins du Monde à Bordeaux, d'après les chiffres de la DIAL:

"Bordeaux est la 4è métropole qui recense le plus de personnes vivant dans des squats ou bidonvilles... Ils sont entre 2500 et 3000 personnes sur la Métropole. Parce que ceux qui devaient avoir des logements sociaux ont des logement d'urgence, et ceux qui pourraient aller dans ces logements d'urgence sont à la rue..."

Après plusieurs missions à l'Etranger, Aude Saldana-Cazenave est arrivée à Bordeaux il y a six ans et a perçu le changement: "cela ne fait que depuis trois-quatre ans que l'on voit des familles entières, des femmes, des enfants à la rue. Ce qu'on ne voyait pas avant".

Elle raconte que, le plus souvent, les associations "essaient de mettre les gens en lien, pour qu'ils puissent faire valoir leur droits... qu'ils puissent rentrer dans un dispositif de mise à l'abri". Car comme dans le cas de Cenon, les personnes ou les familles "sont souvent des demandeurs d'asile, et l'Etat doit, durant la procédure leur permettre l'accès à des conditions d'accueil digne"

Concernant le squat de Cenon, la coordinatrice régionale ne peut pas croire que la préfecture puisse mettre à la rue 350 personnes sans avoir fait de diagnostic social de toutes ce personnes pour trouver des solutions de relogement.

 

Dans ce contexte épidémique, "il est urgent d’agir pour améliorer les conditions d’hygiène, le confinement et la prise en charge des personnes mal-logées".

A la mi-mars, Médecins du Monde alertait aussi sur la situation sanitaires: en période épidémique, près de 2000 personnes n'avaient pas accès à l'eau donc n'était pas en mesure de se protéger, protéger les siens du virus grâce aux lavages de mains.

"Quelques robinets ont été placés sur différents lieux de la métropole... " Mais ce qui nous inquiète c'est que les mesures et dispositifs sanitaires et de mises à l'abri durant la période de confinement n'ont plus cours".

Durant le confinement surtout et encore maintenant l'association fait des "tournée médico-social" pour rappeler ces gestes, distribuer des masques. Aussi "dire aux gens qui avaient un traitement de continuer à se faire soigner.

Déjà le 26 mars dernier, dans le contexte difficile, Médecin du Monde avait appelé à la solidarité, :

Nous accompagnons environ 3 000 personnes en situation d’extrême fragilité sur la région bordelaise et il n’était pas possible de fermer nos programmes. Nous avons interpelé les autorités locales le 11 mars 2020. Dès le 16 mars, l’ARS (Agence Régionale de Santé) a mis en place une réunion de coordination avec la préfecture au sein de laquelle nous sommes identifiés comme les acteurs de référence sur la question des personnes vivant en squat et en bidonville et des personnes à la rue.

 

Dans le contexte épidémique, le Collectif des Associations Unies propose 15 mesures à adopter d’urgence. 

 

 

 

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