Les deux jeunes femmes, étudiantes en langues, restent soudées malgré l'invasion et le bombardement de l'Ukraine par la Russie. La première est inquiète pour ses proches, la seconde sent le regard des gens changer. Elles étudient à l'Université Bordeaux Montaigne.
"Voilà mes amies". Irina nous présente Maria et Sophia dans l'un des restaurants universitaire du campus de Bordeaux.
"On est ensemble depuis le début de la première année de la faculté parce qu'on est russophones, ça nous a rapproché". Irina est russe, Maria ukrainienne et Sophia Tchétchène. Toutes les trois sont étudiantes en LEA anglais - russe, Maria et Irina meilleures amies depuis deux ans.
Plus unies que jamais
"Ce qu'il se passe en ce moment nous unit plus qu'autre chose au lieu de nous diviser" exprime Irina qui n'aurait jamais pensé que son pays puisse s'attaquer à l'Ukraine et à son peuple, "des frères, des cousins".
"Je pensais pas que Poutine, qui a en plus des origines ukrainiennes, en arrive là, à tuer des civils. Il a un territoire déjà énorme et il a un peuple qui crève de faim au pouvoir d'achat très faible. Mes grands-parents là-bas sont obligés de travailler pour vivre correctement, pour manger de la viande une fois par semaine avec les légumes de leur jardin. Avec juste leur retraite c'est impossible".
Le regard des autres changer
Irina s'est mobilisée pour apporter son aide aux associations. Elle a récupéré des vêtements et des matelas en prévision de l'arrivée de réfugiés. Mais elle a aussi senti le regard des autres changer.
"En tant que russe on vient me parler, souvent. On me demande mon avis, pourquoi cette guerre, qui je défends, est-ce que je suis pour Poutine...Je réponds que non. Je suis russe et fière de l'être mais pour moi Poutine ce n'est pas la Russie. Les ukrainiens ont toujours été mes frères, je les soutiendrai. On a tous mal pour ce qu'il se passe là-bas".
Son amie Maria est en contact permanent avec ses proches en Ukraine. Son père est à Kiev. "Vous vous rendez compte, je vérifie chaque jour s'ils sont encore vivants, je m'inquiète énormément".
Elle se dit extrêmement touchée par le soutien de ses amies. "Je sais qu'elles n'aiment pas Poutine. Leur soutien est psychologiquement très important. Ca m'aide à tenir le coup". Elle a aussi été très émue par la solidarité que montrent les français. Ses patrons, dans son job d'étudiante, lui ont accordé une journée de congé, elle ne dormait plus. "Ils sont venus à la manifestation samedi à la Victoire".
"Mon père m'a dit qu'il fallait que je me concentre sur mes études et qu'il viendrait à Bordeaux boire du vin et manger des huîtres" sourit-elle timidement. "Je dois essayer de reprendre une vie normale".
On imagine bien que ce sera difficile.
"L'OTAN doit agir, le monde est en danger"
A l'alliance française, à Bordeaux, une autre ressortissante ukrainienne, Marina, suit des cours de français.
Elle n'a pas fermé l'oeil de la nuit. "La plus grande centrale nucléaire d'Europe a été frappée. La situation est très dangereuse pour le monde entier. Il est de notre responsabilité d'agir, d'éviter une catastrophe humaine et écologique".
"L'OTAN doit agir tout de suite, tout de suite" martèle t-elle. Elle a préparé des pancartes et compte se poster place Pey Berland dans le centre-ville pour expliquer la situation aux bordelais.
"Poutine il est fou. Est-ce qu'on peut parler avec un fou ? Est ce qu'on peut trouver un compromis avec quelqu'un de totalement fou, au comportement schizophrénique ? J'ai peur pour mon pays et pour le monde entier".
Marina n'a pas pu convaincre ses proches de quitter l'Ukraine. "Ce sont des patriotes, c'est impossible de les faire changer d'avis" regrette t-elle. Elle compte retourner la-bàs après la guerre, quelque soit l'état dans lequel elle va trouver son pays.
D'ici là, elle veut agir et aider les réfugiés qui devraient très vite arriver, par centaines.
Voir le reportage de Maria Laforcade et Hermine Costa :