L'affection des Britanniques pour la reine d'Angleterre, décédée jeudi 8 septembre, ne s'explique pas uniquement par sa longévité, analyse Philippe Chassaigne, professeur d'histoire contemporaine à l'université Bordeaux-Montaigne. Cette émotion est par ailleurs palpable en France, pays avec lequel Elizabeth II a entretenu des liens tout au long de son règne.
C'est la tristesse qui prédomine en Angleterre au lendemain de l'annonce de la mort de la reine Elizabeth II a l'âge de 96 ans.
Un sentiment qui s'explique notamment par la longévité de son règne : soixante-dix ans, soit "un record dans l'histoire de la Grande Bretagne", rappelle Philippe Chassaigne, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bordeaux Montaigne et spécialiste de la monarchie britannique, invité du 12/13 de France 3 Aquitaine ce vendredi 9 septembre.
Stabilité et proximité
Autre facteur pour expliquer cette affection : l'image de la reine, qui a évolué au fil des ans. "Depuis une vingtaine d'années, elle est devenue une sorte de grand-mère idéale, la grand-mère des cœurs, avec un sentiment de proximité, pourtant illusoire : la plupart des Britanniques, s'ils ont vu la reine, ne l'ont vue que cinq minutes", précise l'historien qui rappelle les nombreux changements survenus en Grande-Bretagne pendant la durée de son règne, et l'image de stabilité qu'incarnait la monarque.
Elle a réussi à rendre acceptable par les Britanniques le fait de ne plus être une grande puissance coloniale, de ne plus être la 2e ou 3e puissance économique mondiale, de ne pas savoir si on se situe dans l'Europe ou en dehors. Elle facilitait les transitions.
Philippe Chassaigne, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bordeaux MontaigneFrance 3 Aquitaine
Des liens ténus entre la Grande-Bretagne et l'Aquitaine
En Aquitaine également, l'émotion est palpable, notamment dans les communes qui accueillent de nombreux ressortissants britanniques. C'est le cas à Eymet, en Dordogne, qui compte 400 habitants anglais sur 2.700.
Cet engouement britannique pour la Nouvelle-Aquitaine se traduit dans les chiffres : 40.000 ressortissants sont recensés dans la région. Philippe Chassaigne y voit plusieurs raisons : "La qualité de vie, le climat, les produits du terroir, le foncier qui était à l'époque de leur installation beaucoup moins cher qu'aujourd'hui et qu'en Angleterre... La région représentait donc un havre de paix accessible".
Mais l'Histoire de nos deux pays joue également pour beaucoup. L'historien souligne entre autres l'influence d'une célèbre reine de France, puis d'Angleterre, dans la promotion des produits locaux outre-Manche.
Lorsqu'Aliénor d'Aquitaine a épousé Henri II au milieu du XIIe siècle, elle a ouvert la voie à la consommation des vins de Bordeaux et de la Rochelle à la cour d'Angleterre et dans la noblesse anglaise.
Philippe Chassaigne, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Bordeaux MontaigneFrance 3 Aquitaine
Huit siècles plus tard, dès ses premiers pas sur la scène internationale, Elisabeth II s'est rendue dans l'Hexagone. "Elle est venue en France en tant que princesse Elizabeth en 1948. À cette occasion elle a rencontré Vincent Auriol. Elle a alors 22 ans, elle est tout juste mariée, c est presqu'une princesse de conte de fées !".
Lors de ses déplacements dans notre pays, la reine, couronnée en 1952 a su gagner l'affection des Français, poursuit l'historien. "Déjà parce quelle parle un français pratiquement parfait, mais également par son charme et son naturel.
Elle est venue à plusieurs reprises en France pour des visites d'État et à chaque fois, elle a contribué à resserrer les liens entre la France et la Grande-Bretagne".
La reine qui aimait les chevaux, appréciait notamment séjourner en Normandie. Elle s'est également rendue à Bordeaux en 1992 à l'occasion d'une visite d'Etat.
Le défi du roi Charles III
À peine la mort de la monarque annoncée, le fils de la reine Elizabeth II, le prince Charles est immédiatement devenu roi, sous le nom de Charles III. Le tout nouveau monarque accède donc au trône à l'âge de 73 ans, et règne désormais sur le Royaume Uni et les états du Commonwealth. Sa deuxième épouse, Camilla, devient elle reine consort.
. "Charles est moins charismatique. Pour autant, les Britanniques lui savent gré de ses engagements caritatifs et pour la cause écologique, sur laquelle il attire l'attention depuis les années 70", estime Philippe Chassaigne.
Pour le prince de Galles, la succession s'annonce toutefois ardue : "En terme de cote d'amour, il ne peut certainement pas rivaliser avec sa mère", assure l'historien.