Agressions verbales, menaces à l'arme blanche, bagarres, depuis des semaines la ville de Bordeaux a vu se multiplier les agressions en centre-ville le soir et la nuit. Afin de ne pas se laisser envahir par la peur, une jeune femme a lancé un groupe d'entraide sur facebook pour s'auto-raccompagner.
Attention, on ne devient pas membre aussi facilement qu'on ne le pense dans ce groupe privé ouvert le 9 juillet dernier sur Facebook.
Héloïse, sa créatrice, l'a intitulé "Solidaire Jamais Solitaire".
Ne pas se laisser envahir par la peur
"Il me semblait essentiel d'agir tout en restant dans la bienveillance et la solidarité pour permettre à chacun et chacune de pouvoir continuer à sortir de chez soi sans avoir la boule au ventre" explique la jeune femme qui tient à rester anonyme.Lancé il y a seulement 4 jours, le groupe compte déjà 1200 membres. Minutieusement sélectionnés.
On ne laisse pas rentrer n'importe qui
"C'est un groupe privé, rien n'est public, on ne laisse pas rentrer n'importe qui". Héloïse, aidée d'une poignée d'administrateurs, ne veut pas voir s'immiscer d'éléments perturbateurs et encore moins d'agresseurs potentiels dans le groupe. Elle est extrêmement méfiante. "On regarde leur date d'adhésion à Facebook, sur quels groupes ils sont, leurs profils, on prend énormément de précaution" nous confie t-telle ajoutant être "très très très vigilante" dès lors qu'il s'agit de demandes d'hommes. Elle prévoit d'ailleurs de les rencontrer, tous, afin de s'assurer de leurs bonnes intentions."Certaines femmes ne souhaitent pas se faire raccompagner par des hommes" assure t-elle. Bien compréhensible face aux évènements.
Des violences aux personnes chaque semaine en centre-ville
A Bordeaux, rares sont les semaines sans un voire plusieurs compte-rendus d'agressions dans les pages des journaux locaux. Des rixes entre groupes, des coups de couteau pour vol, des tentatives de viol ...Les faits se multiplient et inquiètent. "C'est un constat dans les grandes villes : pour un rien vous prenez un coup de couteau" reconnaît le secrétaire régional d’Unité SGP Police FO Philippe Rolland dans notre dossier consacré à la recrudescence des violences aux personnes dans le port de la lune.
Se faire raccompagner par les membres du groupe
L'idée d'Héloïse est que chacun puisse faire appel à un membre du groupe situé dans le même quartier pour se faire accompagner."Ce groupe a pour but de dénoncer des agressions ou harcèlements de rue. Et surtout demander de l'aide à d'autres membres pour vous prêter main forte et faire un bout de chemin avec vous si vous ne vous sentez pas en sécurité" est-il inscrit sur la page d'accueil du site. "Le but c'est de ne pas sortir seul, de se sentir rassuré. Et rien n'empêche qu'en cas d'agression, tout de suite une personne du groupe puisse intervenir" complète Héloïse.
Pour l'instant un seul raccompagnement a été effectué. "L'idée est lancée, il faut que ça se mette en oeuvre. On est encore en pleine construction" dit-elle avouant avoir été surprise par le succès immédiat. 1200 membres en 4 jours et plusieurs centaines en attente d'admission.
"On n'en revient pas ! On sent que les gens ont envie de faire quelque chose, d'aider, d'être solidaire. C'est beau cette solidarité, ça redonne espoir en l'humanité" se réjouit celle qui a toujours donné pour les plus fragiles et ne veut surtout pas rester spectatrice. "J'ai besoin d'agir, de venir en aide, je veux faire quelque chose pour les personnes qui en ressentent le besoin".
Toutes initiatives d'entraide bienvenues
En marge des inscrits, en grande majorité des femmes, certains commerçants ont souhaité rejoindre le groupe. Des bars, des restaurants, des boutiques se disant prêts à recueillir des personnes qui ne se sentent pas en sécurité.Toutes les initiatives positives sont les bienvenues. Le week-end dernier un membre a proposé un cours gratuit d'auto-défense. Il a rassemblé 12 personnes au jardin public.
"Les membres sont libres de publier des outils ou des fonctionnalités qui permettent de s'entraider. Par exemple des outils de géocalisation permanente, des aides juridiques en cas d'agression etc..." explique la conceptrice qui compte aussi interpeller la municipalité sur les problèmes d'éclairage de certaines rues.
"Il y a des pistes à lancer pour améliorer les choses. On va faire un groupe messenger pour que les gens envoient des idées et des photos de lieux pas assez sécurisés".
Solidaire Jamais Solitaire veut aussi être un espace de discussion et de témoignage "sans polémique ni politique" précise Héloïse. "On n'est pas psychologues mais si les personnes ont besoin de parler, on est là pour les écouter".