Le gouvernement de Michel Barnier pourrait tomber ce 4 décembre suite au vote d'une motion de censure examinée cet après-midi par les députés. Un vote que les collectivités locales vont scruter de très près, car la menace d'importantes économies, liée au projet de loi de finances, planait sur elles, depuis plusieurs semaines.
Il y a quelques semaines, les collectivités locales avaient dû avaler la pilule. Le nouveau gouvernement avec Michel Barnier aux manettes avait élaboré un projet de loi de finances en urgence, instaurant des coupes drastiques dans les budgets, intimant aux collectivités locales l'ordre de faire d'énormes économies.
En Gironde, la ville de Bordeaux, comme le Conseil départemental, avaient alors fait connaître leur désapprobation, notamment sur de grandes banderoles devant la mairie comme au Conseil départemental. En cas de vote d'une des deux motions de censure présentées, le projet serait caduc entraînant avec lui ces économies imposées.
"On était sur le point de trouver un équilibre"
En théorie, la nouvelle pourrait soulager les collectivités locales, qui représentent chaque année 70% de l'investissement public, en première ligne de ces restrictions budgétaires. Pourtant, il n'en est rien. "Non, ce n'est absolument pas une bonne nouvelle, répond tout de go, Emmanuel Sallaberry, le maire (SE) de Talence et coprésident de la commission des finances de l'association des maires de France. On s'est exprimé contre ce budget qui nous sanctionnait de façon beaucoup trop importante. Mais on était sur le point de trouver un équilibre entre les économies qui étaient nécessaires et les capacités de collectivités locales".
Un équilibre mais également des propositions, que le co-président de la commission des finances de l'AMF avait soumises au Premier ministre. Il s'agissait notamment de "projets de simplification, de débureaucratisation" tout en redonnant "des marges de manœuvres aux collectivités locales". En cas de censure, "tout ça tombe", indépendamment du gouvernement qui peut être nommé.
On sera incapables de voter le moindre texte de simplification sur l'exercice 2025.
Emmanuel Sallaberrymaire (SE) de Talence et co-président de la commission des finances de l'AMF
Dans ce cas-là, les budgets locaux seront votés avant le budget État. "On va devoir s'engager sur des investissements sans savoir ce qu'on va toucher de l'État, quel va être le sort des fonctionnaires territoriaux qui sont très inquiets', alerte Emmanuel Sallaberry.
Une période d'inquiétude
Pierre Humic, le maire écologiste de Bordeaux, relativise, sur cette "période d'inquiétude", préférant mettre en avant "les élus responsables que nous sommes". Si l'avenir reste incertain, l'édile bordelais préfère y voir l'épilogue d'une "situation injuste". "Je pense que nous n'aurons jamais la ponction à la hauteur de celle que nous dénoncions", avance-t-il.
Le dérapage abyssal, incontrôlé, historique des finances publiques, reste là. Et il va bien falloir le financer...
Pierre HurmicMaire de Bordeaux
Parmi les reproches que pouvaient formuler les collectivités, outre le couteau sous la gorge pour leur trésorerie, c'est le fait que de telles économies risquaient de dégrader la qualité de service à la personne. Si la collectivité voulait préserver ces services, elle devait alors entamer son épargne ou limiter sa part d'investissement. Si ces mesures sont enterrées, ses effets n'ont eux pas fini d'agir.
De la nouvelle instabilité politique qui se profile pourrait en effet découler une hausse des taux d'intérêt. Pierre Hurmic sait qu'il faudra, en revanche, l'assumer. "Nous serons victimes des dommages collatéraux. Nous serons mis à contribution pour éteindre un incendie budgétaire dont des ministres pyromanes, MM. Le Maire et Cazeneuve, ont été les artisans".
Budgets à l'équilibre
Il rappelle au prochain locataire de Matignon ou du ministère des Finances, que les collectivités locales sont bien gérées. "Tous nos budgets sont votés à l'équilibre, nous maintenons, à Bordeaux comme dans d'autres villes, des capacités d'investissement très fortes, nous n'augmentons pas nos impôts et regardons où nous pouvons faire des économies".
Nous attendons de l'Etat une rigueur budgétaire identique à celle que nous avons depuis plusieurs années.
Pierre HurmicMaire de Bordeaux
Deux milliards
Un sentiment partagé par Jean-Luc Gleyze, le président (PS) du Conseil départemental de Gironde. Ici aussi, on a placardé sur les murs des bâtiments publics, au moment des annonces des coupes budgétaires, des panonceaux pour expliquer aux Girondins la gageure et l'injustice de faire reporter la dette sur la ville, le département, la région.
Dans la loi de finances 2025, 44 % de l'effort d'économie demandé aux collectivités locales reposaient sur les départements : soit deux milliards d'euros. À l'instar d'Emmanuel Sallaberry, Jean-Luc Gleyze explique qu'il avait pu échanger avec le premier ministre aujourd'hui sur la sellette.
Des discussions autour de mesures pour "essayer de trouver des recettes pour aider à mieux financer le service public, pour garantir qu'il ne soit pas dégradé. Il y avait des pistes à creuser...", regrette le président du Conseil départemental de la Gironde. Après ce 4 décembre, il aura peut-être un nouvel interlocuteur à Matignon. "Il faut retravailler avec un gouvernement qui soit à l'écoute des collectivités locales".
Autant d'incertitudes pour les collectivités locales qui, comme les entreprises où associations qui en dépendent, ont du mal à se projeter. Des inquiétudes qui ne seront pas levées avant la fin de la séquence politique que nous venons d'amorcer : en cas de vote d'une motion de censure, il faudra ensuite trouver un Premier ministre qui aura la charge de constituer son gouvernement, le tout en rassurant les marchés financiers qui ont déjà commencé à frémir.