"On doit arrêter tout ça" : l'appel de médecins gériatres contre les restrictions sanitaires liées au Covid en Ehpad

Le message est porté par le Pr Nathalie Salles, cheffe du service Gériatrie au CHU de Bordeaux, explique ce choix. La Société Française de Gériatrie prend position pour un allègement des restrictions, notamment pour le bien des pensionnaires et le risque de troubles dépressifs.

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"A trop vouloir les protéger, on leur enlève de la vie. Il y a un trop grand décalage avec ce qu'il se passe dans la vie de tous les jours", explique le Professeur Nathalie Salles, Présidente de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) et cheffe du service gériatrie au CHU de Bordeaux.

Il faut dire que comme l'a souligné son prédécesseur Olivier Guérin en pleine pandémie (décembre 2020), ce virus est "clairement gériatrique" avec "près de 30% de mortalité Covid-19 dans la population des âgés de plus de 75 ans polypathologiques".

Plus de deux ans après l'apparition du virus du Covid-19 et à l'arrivée de l'été, presque plus personne ne porte de masque sauf en espace hospitalier et dans les EHPAD. "En ce moment, en EHPAD, les résidents sont espacés de 2-3 mètres face à des soignants masqués ou sont eux-mêmes masqués". La spécialiste fait le parallèle avec un métro ou un tramway où l'on pourrait trouver des personnes âgées, sans masque, tous les jours.

L'EHPAD est un lieu de vie et pas un hôpital ! On s'est dit pourquoi ce décalage ?

Pr Nathalie Salles, Présidente de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG)

Source France 3 Aquitaine

"Pour nous, ces mesures de restrictions en EHPAD sont très limitatives. On a des résidents qui y vivent, qui participent à des activités, des animations, qui mangent en collectivité... et qui se retrouvent en permanence avec des soignants masqués, ou avec des proches masqués, quand ils se retrouvent en dehors de leur chambre".

A trop vouloir les protéger, on leur enlève de la vie!

Pr Nathalie Salles

Source France 3 Aquitaine

"On a alors posé la question d'une révision des mesures qui datent du 6 avril 2022, pour apporter un peu plus de vie dans les EHPAD qui ont souffert. Les résidents ont vécu confinement sur confinement, restrictions sur restrictions..."

Elle pointe également la disparité d'applications de ces mesures dans les établissements. Par exemple, dans certains secteurs protégés pour les malades atteints de la maladie d'Alzheimer, "certains résidents n'ont pas vu leurs proches depuis deux années sans masque"!

Des mesures de restrictions injustifiées

Une grande enquête nationale a été menée par la société française de gériatrie pour évaluer l'impact de ces confinements et restrictions, lors de la première vague. "Ce qu'a montré l'enquête, réalisée par un gériatre et une psychologue, c'est qu'il y a plus de tristesse, plus de signes de dépression, d'inquiétude et même de l'anorexie, avec des gens qui sont devenus dénutris, durant cette période de deux années". 

Bien-sûr, ce n'est pas une position prise à la légère, on se souvient de la fameuse "balance bénéfice-risque" toujours présentée par le corps médical. "Il faut savoir que cette population en EHPAD est hyper protégée par la vaccination. C'est une des populations les mieux vaccinées en France. Et puis, on ne va pas tout arrêter : on va garder les gestes barrière, le lavage des mains et on gardera le masque pour le soignant lors d'un soin rapproché avec une personne âgée". 

En savoir plus sur l'enquête ENCOPAD

"hot-lines" gériatriques

Durant cette crise sanitaire qui a mis les personnels à rude épreuve dans les EHPAD, il a pu être développé des protocoles, des réflexes face à d'éventuelles contaminations. "On a mis en place des "hot-line" (appels d'urgence) gériatriques qui peuvent servir de sentinelle épidémiologique. Lorsqu'un médecin coordinateur ou un généraliste a un souci, où qu'il soit, il appelle une permanence téléphonique et tombe sur l'équipe de gériatrie. Au CHU de Bordeaux, ça fonctionne bien aussi. Et ça joue le rôle de sentinelle : s'il y avait un nouveau cluster dans un EHPAD, il serait toujours temps de réajuster notre tir".

Cette mesure, qui paraît finalement du bon sens, est bien-sûr conditionnée au contexte épidémiologique, avec une très faible circulation du virus. Cet appel au retrait du masque par la SFGG va vers plus d'humanité envers les personnes âgées. Le Pr Salles assure aussi que cela faciliterait les visites, avec moins de contrôles. Car les résidents ont besoin de ces contacts affectifs, de pouvoir sortir aussi, "parfois le week-end dans leur famille". Il s'agit de ne pas recréer une forme de nouveau confinement.

On sait que ces privations relationnelles sont dramatiques

Pr Nathalie Salles

Source France 3 Aquitaine

"L'été arrive et ce qui nous fait peur, c'est qu'on oublie les résidents, à vouloir trop les protéger. A notre sens, il vaut mieux arrêter et alléger les mesures pour tout le monde avec quelque chose de logique (masque pour soin, lavage des mains, gestes barrière) plutôt que d'imposer le masque dans un lieu de vie qui est le même que la maison, sans qu'il y ait une logique compréhensible"

Pour l'heure, c'est une position que vient de prendre la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie qui  "alerte le ministère", en vue d'une "révision de ces mesures".

La balle est donc dans le camp de la nouvelle ministre de la santé, Brigitte Bourguignon, qui a succédé à Olivier Véran, dans le nouveau gouvernement d'Elisabeth Borne.

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