“On m’a privée d’une partie de mon corps” : excisée à l’âge de cinq ans, Aïssatou tente de se reconstruire

Aïssatou fait partie des 200 millions de femmes dans le monde à avoir subi une excision. Cette mutilation génitale, qui consiste à enlever le clitoris et les lèvres qui l’entourent, a de terribles conséquences. Depuis un an, la jeune femme, installée à Bordeaux (Gironde) est accompagnée par l’association Les Orchidées rouges.

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Le souvenir de cette journée est toujours aussi douloureux. Aïssatou Mané n’a que cinq ans lorsque sa famille l’emmène voir “une vieille dame”. On lui demande de s’asseoir sur un caillou. “On m’a écarté les jambes”, raconte la jeune femme, aujourd’hui âgée de 34 ans. “La vieille dame m’a fait l’excision avec un couteau courbé. Comme elle tremblait, elle m’a blessée.” Le sang qui coule, les pleurs, la baignoire pour stopper l’hémorragie. Et puis, un mois avant de cicatriser.

Dans son pays d’origine, la Guinée, l’excision est une pratique fortement ancrée dans les traditions. Selon les Nations unies, 97 % des femmes sont concernées, dans ce pays où la pratique est pourtant interdite depuis 2000. À l'occasion de la Journée internationale contre les mutilations génitales féminines, célébrée ce dimanche 6 février, Aïssatou se livre, à visage découvert, pour ne plus que cela se reproduise.

Une amputation à la féminité

Au-delà de la douleur physique, c’est une amputation à sa féminité et à sa dignité qu’Aïssatou subit encore aujourd’hui. En grandissant et en découvrant sa sexualité, la jeune femme se rend compte des conséquences de l'excision. “Je discute avec une amie qui me dit que quand elle fait l’amour, elle peut jouir deux ou trois fois. Sauf que moi, je me demande de quoi elle parle. Je n’ai jamais ressenti cela.” Son amie a également été excisée plus jeune, mais à l’hôpital. “On lui a enlevé juste un petit bout, sauf que moi, on m’a tout arraché. Je n’arrive pas à avoir de plaisir.” 

Je vis avec un manque. On m’a privé d’une partie de mon corps sans mon accord. On m’a arraché mon plaisir et mon bonheur, quelque part, en tant que femme.

Aïssatou Mané, 34 ans

Aïssatou comprend alors qu’il lui manque quelque chose. “C’est comme si j’avais raté quelque chose”, raconte-t-elle, très émue. “Je vis avec un manque. On m’a privée d’une partie de mon corps sans mon accord. On m’a arraché mon plaisir et mon bonheur, quelque part, en tant que femme.”

Surtout, elle trouve la justification injuste. “Faire subir cela à une petite fille sous prétexte que l’on va être trop excitée face à un homme, c’est très grave.” Mais elle l’assure, elle n’en veut pas à sa famille. “Les gens qui l’ont fait pensaient faire le bon choix pour nous, car depuis toujours cela se passe comme ça. Mais il est temps d’éduquer et de sensibiliser !”

Accompagnée par les Orchidées rouges

Aïssatou a fait des études de commerce international et a beaucoup voyagé : elle a vécu en Côte d’Ivoire, au Sénégal, puis en France. Elle est arrivée à Bordeaux il y a un an. Ici, elle a trouvé un soutien de poids : les Orchidées rouges. Créée par Kakpotia Marie-Claire Moraldo, l’association a ouvert la toute première unité de soins de spécialisée dans l’accompagnement des victimes d’excision à Bordeaux en septembre 2020

“Avant, je n’entendais pas parler des problèmes psychologiques”, se rappelle Aïssatou. “Avec les Orchidées rouges, j’ai eu la chance de me rendre compte que des professionnels sont là pour m’écouter et me proposer des solutions. Et surtout, répondre aux questions que je me posais.” Depuis son existence, l’association a accompagné 250 femmes.

Aujourd’hui, certaines femmes font le choix de la chirurgie réparatrice pour retrouver une sensibilité clitoridienne. Aïssatou s’est déjà posé la question. Mais elle n’est jamais allée jusqu’au bout. “Est-ce que ça va être naturel ?”, se questionne-t-elle. “Le fait de subir une opération chirurgicale, avec le risque que cela ne change rien, me fait peur.”

Maman d’un petit garçon de six mois, la jeune femme se reconstruit petit à petit. L’une de ses premières victoires dans son combat, c’est sa nièce de 5 ans. Elle ne sera pas excisée. “Il faut que ça s’arrête”, conclue-t-elle, pleine d'espoir.

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