Les éboueurs sont de plus en plus sous tension face à l'impatience des automobilistes qui n'hésitent plus à utiliser la violence. L'un d'eux confie avoir quitté la profession, après s'être fait rouer de coups en plein service.
"J'ai eu très peur." Il y a quatre ans, Hyacinthe Kholfi a cru ne jamais revenir du travail. Alors qu'il effectuait son service dans la capitale girondine, cet ancien éboueur bordelais, s'est fait passer à tabac par un automobiliste, visiblement excédé d'avoir reçu l'ordre de circuler.
"Il a commencé à mettre un coup de poing dans le camion, se souvient-il. Je n'ai pas eu le temps de me retourner et là, il est arrivé par-derrière, il m'a tapé dans la tête et dans les côtes."
Une fois que j'étais par terre, il a continué à me rouer de coups.
Hyacinthe Kholfi, ancien éboueur bordelaisà France 3 Aquitaine
Des colères qui se multiplient
Traumatisme crânien, dents et côtes cassées, impossible pour cet agent municipal de reprendre le travail. "Moi, j'ai un enfant, et je me suis dit que là, c'était bon… On ne veut pas mourir au boulot."
Depuis, Hyacinthe Kholfi a quitté la profession. L'agresseur, quant à lui, a été condamné à 105 heures de travaux d'intérêt général.
Comme lui, de nombreux éboueurs confient leur crainte d'assister, un jour, à l'emportement d'automobilistes qui multiplient les incivilités. Dépassement sur le trottoir, circulation en contresens, vitres caillassées par des conducteurs, les agents sont en première ligne des excès de colère des usagers, qui agissent fréquemment en dépit de toute prudence.
À Bordeaux, les rues étroites du centre-ville obligent régulièrement les automobilistes à cohabiter avec les agents municipaux. Impossible pour les usagers de dépasser les camions poubelles. Ainsi, les jours de ramassage des ordures, des bouchons se forment dans les artères de la ville.
"Quand on se déplace et qu'il faut les attendre dix minutes à chaque fois dans chaque rue, c'est compliqué, s'agace un automobiliste. C'est toutes les semaines comme ça." "Ils ont tendance à sortir cette fameuse phrase « moi je travaille », rétorque un éboueur girondin. Alors que nous, on fait exactement la même chose."
La profession traumatisée
Même si parfois certaines situations se résolvent dans le calme, la peur est devenue une composante de leur métier. "Je suis descendu du camion pour aider un collègue, un automobiliste m'a doublé et m'a percuté le bac", raconte cet agent municipal, passé très proche de se faire renverser par le conducteur.
Ces derniers temps, les agressions d'agents ont d'ailleurs fait les unes de la presse. Dans les Yvelines, l'un d'eux a été visé par des tirs lors de son service en août 2023. Ces faits de violence traumatisent la profession.
À Paris, face à la montée des tensions et pour endiguer la violence, les itinéraires de passage ont été revus par la mairie pour éviter les passages devant les écoles, notamment durant les heures de pointe. Des formations ont également été proposées aux agents afin de les préparer à réagir en cas de conflits.