"On pollue énormément au moment de la mort" : quelles sont les alternatives pour réduire son bilan carbone funéraire ?

Depuis une dizaine d’années, l’écologie s’immisce aussi dans le milieu funéraire. Tombes fleuries, cercueil en carton, voire forêt cinéraire, de nombreuses innovations visent à réduire l’impact écologique de nos derniers instants sur terre.

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“On pollue énormément au moment de la mort”. La phrase peut interpeller, elle n’en est pas moins véridique. En moyenne, l’inhumation génère 833 kg de CO2, c’est 160 kg seulement pour la crémation. Des chiffres qui ont mené de nombreuses entreprises du secteur à proposer des alternatives plus écologiques. Cercueil en carton, tombes végétalisées, forêts cinéraires, les solutions se développent et séduisent de plus en plus d’adeptes, malgré de nombreux freins législatifs ou de mœurs.

L’inhumation, forcément dans un caveau ? 

Les défunts doivent obligatoirement être enterrés dans un cercueil. Si les mœurs et les habitudes poussent les familles à choisir des stèles et des tombes en pierre ou en marbre, certaines se tournent désormais vers des alternatives plus écologiques comme les tombes végétalisées. “Ce sont des plantes vivaces, sans bois, pour à la fois ramener de la biodiversité tout en jouant avec la saisonnalité”, indique Julien Bedos. En effet, les tombes en pierre ou en marbre sont en moyenne quatre fois plus polluantes, entre les frais d’acheminement des matières premières et la construction des caveaux.

Ce paysagiste, fondateur de Vert de terre, en a fait l’une de ses spécialités. Les plantes sont choisies en fonction de l’exposition au soleil et du sol. “On va échanger aussi avec la famille pour trouver l’aménagement qui correspond à leurs goûts tout en permettant de garder cet aspect végétalisé toute l’année uniquement avec des plantes locales”, précise le paysagiste.

Cependant, ces paysagistes doivent attendre six mois après l’inhumation, pour intervenir “afin de permettre le tassement des sols”. 

Il y a cette habitude ancienne qui perdure où les personnes riches étaient enterrées dans de grands tombeaux. Ceux enterrés à même le sol étaient les indigents.

Olivier Gallet,

Fondateur de la coopérative funéraire Syprès

Dans son entreprise, en moins d’un an, six tombes ont déjà été réalisées, pour un coût moyen de 3 000 euros.  “Ce sont à la fois des arguments écologiques, économiques et esthétiques. Beaucoup de gens sont séduits par l’aspect fini”, indique Julien Bedos. Pour autant, le principal frein reste les responsables de cimetière, car la législation autour des sépultures est très stricte. “Il faut à chaque fois présenter le projet aux élus, avoir l’autorisation. C’est comme un permis de construire pour rassurer tout le monde que les plantes ne deviendront pas des arbres”, confie le paysagiste.

Où peut-on enterrer ou placer les urnes des défunts ? 

L’inhumation est obligatoirement réalisée dans l’enceinte de cimetière, notamment communal. Certains cimetières proposent aujourd'hui des alternatives plus écologiques, avec notamment des espaces verts. 

C’est le cas de Gujan-Mestras qui a créé des parcs paysagés qui s’étalent aux côtés des tombes de granit. “Au départ, nous trouvions seulement que les columbariums où sont placées les urnes étaient froids et impersonnels. On a donc travaillé avec le service des espaces vert pour créer ces espaces”, indique Evelyne Donzeaud, adjointe au maire de Gujan-Mestras en charge des affaires funéraires. 

C’est un lieu paisibles où les personnes aiment s’assoir et discuter entre elles.

Evelyne Donzeaud,

Adjointe au maire en charge des affaires funéraires

Trois espaces définissent ces jardins : une partie “à l’américaine” avec de la pelouse et des arbres, une autre “très fleurie avec des rosiers” et un labyrinthe avec des vignes et des arbres. Ici se trouvent actuellement 249 cavurnes, des espaces enterrés pouvant aller jusqu'à huit places, où sont placées les urnes des défunts. “Seule une plaque y est apposée pour indiquer les noms des défunts", précise Evelyne Donzeaud. 

Victime de son succès, le cimetière a déjà réalisé un premier agrandissement. Un second est en préparation. “Ces espaces représentent aujourd'hui un tiers du cimetière”, indique l’adjointe au maire. “Nous avons beaucoup de demandes.” 

Le cimetière a d’ailleurs décidé de créer deux autres espaces plus arborés : un cercle paysagé ou cette fois ce sont des caveaux qui sont disposés, avec seulement une stèle, et un espace de dispersion des cendres composé de galets où les familles peuvent graver le nom du défunt. Quatre-vingts familles y ont déjà dispersé les cendres de leurs proches. Ces alternatives, au-delà de favoriser la biodiversité, sont également plus économiques. “ Une cavurne coûte beaucoup moins cher et dure environ 10 ans. Après, soit la famille renouvelle sa concession, soit elle est revendue”, indique Évelyne Donzeaud.

Ces nouveaux cimetières sont aujourd’hui le pendant français des forêts cinéraires, développées depuis plus de dix en Allemagne ou encore en Suisse. Ces forêts consistent à enterrer l’urne d’un défunt au pied d’un arbre, sur lequel les proches apposent une plaque. En France, cette méthode n’est pas encore complètement acceptée. Un projet à Arbas en Occitanie a ainsi dû être avorté. D’autres communes, en Alsace notamment ou encore à Pessac en Gironde, tentent cependant d’en obtenir une. La loi, si elle interdit les forêts cinéraires privées, accorde que les cendres d’un défunt puissent être dispersées “en pleine nature”.

Que peut-on faire pour réduire la pollution générée par les enterrements ? 

À Bordeaux, la coopérative funéraire Syprès, installée depuis six ans, en a fait sa marque de fabrique. “L'écologie a fait partie de nos valeurs dès le départ”, indique Olivier Gallet, le fondateur de Syprès. Ici, des cercueils en bois local non traité, voire, des cercueils en carton sont également proposés. “Ces derniers sont moins plaisants. Certaines personnes nous ont dit que cela ressemblait à des boîtes à chaussures”, reconnaît Olivier Gallet. Ces cercueils sont uniquement destinés aux crémations, pour limiter les manipulations.

En parallèle, le choix des ornements lors de la cérémonie peut par ailleurs influencer l’impact écologique. “Nous proposons des fleurs locales et de saisons. Par exemple, installer une couronne de roses en plein hiver est beaucoup plus polluant, parce que ce sont des fleurs qui viennent de loin”, indique Olivier Gallet.

Enfin, le dernier levier concerne la thanatopraxie, qui consiste à embaumer les corps, avant la mise en cercueil. “On recommande de réduire le nombre de produits utilisés. En moyenne, 50 % des corps sont conservés à l’aide de formol, un agent très polluant qui se répand dans les sols et peut-être cancérigène ”, précise le fondateur de Syprès. En comparaison, en Allemagne ou au Québec, ils représentent 7% des défunts.

Si ces méthodes font souvent craindre aux familles une mauvaise conservation des corps jusqu’à l’enterrement, la compagnie funéraire se veut rassurante. “Le corps peut se conserver sans problème quatre ou cinq jours dans les frigos des morgues. Cela signifie qu’on ne peut pas proposer d’exposition pendant plusieurs jours, mais cela suffit pour organiser un temps de recueillement juste avant la cérémonie par exemple”, explique Olivier Gallet.

Autant de méthodes, encore peu connues qui prennent de plus en plus de place dans le domaine funéraire. “Il y a de pus en plus de personnes qui veulent être proches de la nature à leur mort et qui viennent nous rencontrer”. 

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