Bordeaux est désormais la ville la plus embouteillée de France, devant Paris. Dans son classement 2024, Tomtom affiche la capitale girondine en première position avec près de 113 heures perdue dans les transports chaque année. Le résultat d’une politique assumée selon la mairie de Bordeaux qui vise "une ville apaisée".
Des centaines de phares, en file indienne qui avancent très lentement. Chaque matin et chaque soir, sur les routes de la métropole bordelaise, le tableau se répète : les embouteillages sont depuis des années le quotidien des automobilistes bordelais. "C’est l’enfer. C’est complètement embouteillé", soupire une conductrice.
113 heures perdues
Ils ont même perdu, selon le classement annuel de l’entreprise TomTom, 113 heures au volant de leur voiture. "Le pire, c'est entre 8 h 15 et 9 h 15", estime une automobiliste sur les quais de Bordeaux. Aux heures d’embauche et de débauche, les boulevards, les quais et surtout la rocade revêtent, durant quelques heures, des allures de grand départ en vacances. "On se colle tous au cul tous les matins à la même heure. Ça me prend 30 minutes pour faire 3 km des Chartrons à Tourny ", peste un jeune automobiliste.
Et pour cause : à Bordeaux, il faut en moyenne 31 minutes pour faire 10 kilomètres, soit une moyenne de 20 km/h. "Je suis même pas à 10 km/h ce matin", rétorque une conductrice, les yeux rivés sur la longue file de voitures qui la précède. Un rythme particulièrement lent qui place pour la première fois la ville à la première place des villes les plus embouteillées de France, devant Paris, Marseille ou encore Nice. Elle est même la 24ᵉ la plus embouteillée au monde.
Plus rapide à vélo
Malgré la pluie et le vent, compagnons réguliers du ciel bordelais, de nombreux habitants ont troqué leur volant pour un guidon de vélo. "J’habite en périphérie de Bordeaux, et avec les pistes cyclables, c'est plus simple, reconnaît une cycliste, malgré les gouttes qui perlent sur sa cape de pluie jaune fluo. À vélo, je mets en moyenne 30 minutes. En voiture, ça varie de 20 à 40 minutes et il faut que je parte plus tôt pour ne pas être en retard."
Son choix n’est pas anodin : c’est celui qui est incité par la municipalité, qui depuis plusieurs années travaille à créer une ville "apaisée". "On a augmenté le nombre de cyclistes de 17 % malgré le froid et la pluie du mois de décembre, contrebalance Didier Jeanjean, adjoint en charge de la "ville apaisée", à la mairie de Bordeaux. Il faut faire ces espaces dédiées aux transports en commun, aux modes doux."
Premier secteur piéton
Depuis 2022, une majorité des rues de la métropole sont limitées à 30 km/h. Sur les boulevards, avec la création d’une voie dédiée aux bus et aux cyclistes, les voitures circulent aussi sur une seule file. "Ce sont des demandes faites par les habitants : ralentir la vitesse, redonner la rue aux enfants, des stationnements, des stops. Ce sont ces mesures qui font baisser la vitesse moyenne à Bordeaux, assure Didier Jeanjean. Il faut proposer des alternatives efficaces pour changer les habitudes."
On est le premier secteur piéton de France. C’est peut-être mieux qu’une ville qui croule sous un trafic automobile sauvage.
Didier Jeanjean,Adjoint en charge de la "ville apaisée", à la mairie de Bordeaux
Pour autant, la politique de la ville n’est pas la seule explication à cette congestion, estimée à 33 % en moyenne. "Bordeaux a une structure qui fait que la ville est lente. On n'a pas de voie rapide où on roule à 90 km/h comme à Toulouse par exemple. Et on ne pourra jamais en avoir parce que la ville n’est pas conçue de cette manière, indique l'adjoint au maire. C'est aussi pour ça qu'on est toujours en haut du podium : TomTom prend la vitesse moyenne pour faire son classement."
Les nombreux automobilistes bordelais vont donc devoir encore prendre leur mal en patience. Seule lueur d’espoir, s’il en est une : en un an, la ville a réduit son trafic de 3 % à l’intérieur de ses boulevards, 1 % sur les boulevards. De quoi faire chuter la pollution de 28 %.