Les résultats sont formels, les sols de Bordeaux sont pollués. Une réalité découverte par les habitants du quartier de la Bastide, en début de mois, qui inquiète.
Certains le savaient, d’autres l’ont découvert il y a quelques jours à peine. Après une étude menée par la Ville de Bordeaux, le verdict est tombé : les sols présentent de taux de métaux, suies, plomb, d’arsenic, de zinc ou encore d’hydrocarbures relativement élevés.
► Le reportage de M.P. D'Abrigeon et L.Cagnato
"On ne nous a jamais parlé des sols pollués"
Tout est parti d’une réunion, le 14 septembre dernier, initiée par la Ville de Bordeaux. Cent cinquante habitants du quartier de la Bastide y étaient conviés. C’est là qu’ils ont appris la mauvaise nouvelle.
Et depuis l’inquiétude monte. “Ça fait 25 ans que je suis ici. On ne nous a jamais parlé des sols pollués”, regrette un habitant.
Dans les jardins de ce quartier, des potagers ont fleuri avec les années. Ils sont désormais impropres à la consommation, selon un prospectus, distribué par la Ville qui recommande aux habitants de ne plus manger leurs légumes, ou d’empêcher les enfants de manger la terre.
“C’est assez inquiétant, on avait des framboises, j’ai des enfants en bas âge. On a dû tout arrêter”, réagit une riveraine. “Ça fait peut-être 40 ans qu’on est malade”, souffle un voisin.
Origine humaine
L'étude des sols a été confiée à Arcagée, une entreprise de conseil opérationnel en intelligence et décision environnementale. À sa tête, Thierry Mauboussin, qui a réalisé l'étude à la Bastide. "Nous avons fait des sondages manuels des sols au contact des humains, c'est-à-dire jusqu'à 70 cm", explique Thierry Mauboussin. Envoyées au laboratoire, les analyses ont pu révéler la constitution de ces sols. "Il y a des polluants, mais rien que nous ne connaissions déjà, ni rien qui ne soit en dehors de gammes de valeur", assure le superviseur et fondateur d'Arcagée.
En majorité, ils présentent des traces de métaux et de suies, "issues du passé industriel et portuaire de Bordeaux". "Ce sont des remblais créés à partir de la déconstruction d'industrie navale, métallurgique qui ont servi à rehausser les berges et stabiliser les sols argileux", explique Thierry Mauboussin.
Un procédé pratiqué à l'époque, que le superviseur a retrouvé dans la quasi-totalité des grandes villes de France, industrielles ou portuaires.
Risques "modérés"
Mais est-ce trop tard ? C’est la question posée par tous, lors de cette réunion. Certains ont d’ailleurs fait des tests sur leurs enfants, pour détecter un potentiel début de saturnisme, lié à la présence de plomb. Pour l’instant, aucun cas n’a été détecté.
"Quand on fait des études de risques, on est volontairement pessimistes. Dans ces conditions, pour qu'il y ait un impact sur la santé, il faudrait un contact prolongé. Par exemple, un enfant qui mangerait de la terre tous les jours", explique Thierry Mauboussin.
Lors d’une réunion organisée par la Ville de Bordeaux, il a été expliqué aux habitants d’un îlot de la Bastide que les sols de leurs jardins étaient pollués… et n’étaient pas une exception à Bordeaux.https://t.co/9HfX6fWgEd#Bordeaux #Environnement #Pollution #Sols
— BMA (@BMABordeaux) September 26, 2023
Un risque "modéré" donc, que la mairie de Bordeaux tient à souligner. “On parle de la Bastide parce qu’il y a eu de récents travaux. Mais pour nous, c’est surtout l’occasion de monter que tous les sols de Bordeaux sont pollués, comme toutes les grandes villes. On a même retrouvé des polluants qui remontent à l’époque gallo-romaine”, assure Sylvie Justome, adjointe chargée de la sécurité sanitaire de la mairie de Bordeaux.
Arcagée, elle, apporte une nuance : la typologie de ces sols ne se retrouve, dans la capitale girondine, qu'aux abords de la Garonne, tant rive droite que rive gauche.
Et maintenant ?
Dans ses recommandations, l’Agence régionale de Santé qui travaille sur le sujet avec la mairie, invite les habitants à planter leur potager en jardinière.
Pour ceux qui souhaitent aller plus loin, deux techniques de dépollution existent. “Soit les habitants décaissent entièrement leur sol, sur 60 cm, pour retrouver une terre saine, en dessous des remblais pollués. Cela coûte environ 95 € du mètre carré. Ils peuvent également poser un géotextile qu’ils recouvrent ensuite de terre saine, ce qui est beaucoup moins coûteux”, énumère Sylvie Justome.
Des mesures qui pourraient bien devenir nécessaires en cas de vente des biens. Désormais informés, les propriétaires et leur notaire sont tenus de donner l’information aux futurs acquéreurs.
ACTUS 🔊 @BastideNiel : remblais faiblement pollués, ballast, bétons concassés, etc., Bastide Niel réutilise sur site en tranchées, différents types de sols et matériaux.https://t.co/BkCO6kkXzm#bordeaux #urbanisme #architecture#developpementdurable #ArcaGée #Ecoquartier pic.twitter.com/ANhMZonmVc
— Bastide Niel (@BastideNiel) March 9, 2020
Mais ces opérations coûteuses font débat. “La mairie fait-elle le nécessaire pour qu’on puisse planter ?”, s’interroge un habitant.
Pour l’heure, la municipalité n’a pas annoncé d’aide ou d’accompagnement financier. Pour les habitants qui souhaiteraient faire diagnostiquer leur jardin, l’opération coûte en moyenne 150 €.