"Quand on vous donne du pain, il ne faut pas l'oublier" : Ginette Vergez a érigé la solidarité en valeur familiale

A l'occasion de la journée des droits des femmes, rencontre avec Ginette Vergez. A 88 ans, cette habitante de Macau tricotte et distribue elle-même des vêtements chauds pour ceux qui ont froid. Ces valeurs de solidarité, apprises pendant la guerre, elle a tenu à les transmettre à sa descendance. 

Régulièrement, sa silhouette alerte apparaît dans les rues de Bordeaux. Emmitouflée dans son manteau, son béret vissé sur la tête, et les bras chargés de laine, Ginette Vergèz  part à la rencontre de celles et ceux qui dorment dans la rue. Elle leur distribue bonnets, écharpes et couvertures, tous tricotés à la main.

Depuis déjà vingt-trois ans, cette pimpante octogénaire a pris l'habitude de venir faire ces maraudes dans Bordeaux.  "Aujourd'hui je ne peux plus conduire, car j'ai mal à mon bras", explique-t-elle. Ses proches se relaient depuis régulièrement pour la mener depuis Macau, dans le Médoc où elle réside, jusque dans le centre-ville de la capitale girondine.

"Tu as tes mains, tes jambes... qu'est ce que tu peux faire pour aider ?"

Ginette Verez, ou "Mamie Tricot" est âgée de "88 ans et demi", comme elle aime à le préciser. La démarche alerte, le sourire malicieux, elle raconte une vie en grande partie consacrée à aider les autres. "J'ai commencé quand j'ai été veuve à 65 ans, explique-t-elle. Je me suis dit :  tu as tes mains, tes jambes, qu'est-ce que tu peux faire ?" 
Ginette Vergez devient alors hospitalière à Lourdes, prend soin des personnes malades ou handicapées venues en pèlerinage dans la ville Sainte. Lorsqu'une blessure à l'épaule l'empêche de poursuivre, elle se convertit au tricot, en pensant aux plus démunis. 

Tous les ans, dès les premiers froids, j'allais porter mes bonnets et mes écharpes à Bordeaux. Place Gambetta, rue Sainte-Catherine, rue Saint Rémi… Je trouvais des personnes qui en avaient besoin. A force, ils me connaissaient !

Ginette Vergez

Au fil des ans, Ginette Vergez se diversifie, tricote aussi de la layette pour les nouveaux nés, et les porte dans les hôpitaux où accouchent de jeunes mères dans le besoin.
En janvier 2020, sa petite-fille Marina lui suggère de monter une association, et de fédérer des bénévoles via les réseaux sociaux. Les Steetcoteuses sont nées. Soit une vingtaine de bénévoles qui œuvrent avec leur aiguilles et leurs pelotes de laine, pour équiper ceux qui en ont besoin en vêtements chauds.

"Quand on vous donne du pain, il ne faut pas l'oublier"

Fille de docker, Ginette Vergez a grandi à Bordeaux. Et si elle pense tant aujourd'hui à donner son temps et son énergie au service d'autrui, c'est parce qu'elle-même a connu des moments difficles, en 1939.  "Mon père ne travaillait pas tous les jours. Ma mère allait chez les sœurs chercher des bons pour avoir du pain.
Je l'accompagnais, et cela m'a marquée, confie-t-elle. J'ai toujours pensé que d'une manière ou d'une autre il fallait que je le rende, que je fasse ce qu'on m'avait fait, c’est-à-dire : du bien. Parce que quand on vous donne du pain, il ne faut pas l'oublier".

VIDEO > Nous avons rencontré Ginette toujours pleine d'énergie > 
 

Une vie bien remplie

Les années ont passé, mais Ginette n'a jamais oublié. A quatorze  ans, elle devient apprentie et monte des caisses de vin en bois, avant d'apprendre à fabriquer des charentaises. Elle intègre ensuite l'entreprise Souillac au Bouscat, spécialisée dans les chaussures bon marché, puis est embauchée en tant que femme de chambre.
Son parcours professionnel ne s'arrête pas là : elle tiendra ensuite une quincaillerie à Saint-Caprais,  travaillera en tant que tapissière, puis coloriste avant de revenir ouvrir un commerce alimentaire à Bordeaux.

Des valeurs familiales

Après cette vie bien remplie, ce n'est qu'à la retraite qu'elle a pu se consacrer corps et âme à la solidarité. Avec, en prime, le soutien de sa famille : la générosité fait partie des valeurs que la Macaudaise a tenu à transmettre à ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Et avec un tel modèle à leurs côtés le message semble être passé très tôt.

"Je me souviens d'une fois, j'étais rue Sainte Catherine pour distribuer mes bonnets et mes écharpes. Une jeune fille se trouvait place Saint-Projet.. Elle me faisait mal au cœur, et m'a demandé si j'avais une couverture pour son chat, qu'elle gardait dans son manteau", raconte Ginette Vergez. Celle-ci lui offre alors une large écharpe pour emmitoufler l'animal.

Quelques minutes plus tard, la fille et la petite-fille de Ginette Vergez, qui faisaient les magasins dans le centre-ville de Bordeaux, passent  à son tour sur la place. Les deux ignoraient que leur grand-mère se trouvait dans les parages. "Ma petite fille a reconnu l'écharpe. Elle est allée voir la jeune fille en lui disant 'Çà, c'est ma mamie qui vous l'a offerte', poursuit Ginette.

"Il se trouve que la jeune fille n'avait pas de gants. Alors ma petite-fille lui a donné ses propres gants, raconte Ginette, encore très émue par ce souvenir.

Elle a continué ce que je faisais. Pour moi c'est aussi une façon de rendre ce pain qu'on m'a donné.

Ginette Vergez

 

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