Réforme de l’enseignement professionnel : "un mépris immense pour tous les collègues", estiment les enseignants

Des enseignants des lycées professionnels ne décolèrent pas après les annonces d’Emmanuel Macron. Celles-ci prévoient la fermeture de nombreuses places de formation, jugées inadaptées au marché du travail. À quatre mois de la rentrée scolaire, les professeurs dénoncent des effets en trompe-l'œil.

Ils ne sont pas contre une évolution de la filière " bien au contraire " mais " pas comme ça". Les enseignants estiment la méthode brutale. Dominique Marchal enseigne le français et l’histoire dans un lycée professionnel en Gironde. Il est aussi membre du syndicat CGT Éducation.  " Envisager de réfléchir à modifier la carte des formations, pourquoi pas, mais pas de cette façon-là, pas de cette manière aussi abrupte, sans véritable discussion sur le terrain. Sans savoir ce qui se passera pour les collègues ni comment tout cela va se mettre en œuvre. 

On est vraiment dans la précipitation, il n’y a pas d’écoute des personnels et de leurs organisations syndicales.

Dominique Marchal, enseignant CGT Éducation

à rédaction web France 3 Aquitaine

490 places fermées en Nouvelle-Aquitaine

Si la réforme de l’enseignement professionnel doit se faire progressivement à partir de la rentrée 2023, elle a pour conséquence la fermeture de 80 filières, qui ne correspondent plus au marché du travail. "On va en fermer 80 à la rentrée et en ouvrir 150 autres", a indiqué Pap Ndiaye. Cette nouvelle "carte des filières" doit se faire "finement, à l'échelle des territoires" pour le ministre de l’Éducation nationale.
Des mots "ronflants" pour Dominique Marchal. "Il y a des annonces, c’est tonitruant, mais finalement les modalités de mise en œuvre, on ne les connaît pas. On n’en sait pas plus".

Seule certitude, 490 places de la filière tertiaire “support à l’action managériale” doivent disparaître de la carte des formations en Nouvelle-Aquitaine. Un secteur pourtant choisi par 60 % des élèves.

"On nous dit qu’il y a beaucoup trop de jeunes dans ces filières, avec des débouchés qui ne sont pas forcément satisfaisants. Mais on s’aperçoit que le secteur des services est celui qui se porte le mieux dans le secteur de l’apprentissage. Il cumule à lui seul autour de 70 % des contrats d’apprentissage. Ça signifie donc que le gouvernement veut fermer les filières des lycées professionnels pour conforter l’apprentissage", s’insurge Jean-Luc Massias du syndicat des lycées professionnels au sein de la FSU.

"Un mépris immense pour les collègues"

Pour Dominique Marchal, les élèves engagés dans ces filières devraient terminer leur cycle "puisqu'un bac pro, c’est en trois ans".  Se pose alors la question de l’avenir des enseignants concernés. Que vont-ils devenir ? Pour Pap Ndiaye, ils vont devoir se réorienter, à l'école primaire ou au collège. Ils pourraient aussi rester au sein des lycées professionnels pour effectuer d'autres missions. "Ils peuvent y animer un certain nombre de choses, par exemple les bureaux des entreprises que nous allons créer dans chacun des lycées professionnels", a détaillé le ministre.

On a le sentiment que l’on veut faire entrer à tout crin l’apprentissage dans nos lycées professionnels. L’objectif, c’est celui-ci.

Jean-Luc Massias, syndicat SNUEP-FSU

Rédaction Web France 3 Aquitaine

Ces pistes sont loin de faire consensus. "C’est un mépris immense pour tous les collègues pour la reconnaissance de leur travail, de leur implication. C’est de nature a généré énormément de colère chez les personnels concernés, on parle de reconversion, de pré-orientation. C’est un processus qui est long qui doit permettre aussi aux collègues concernés de trouver leur place, et là, ce n’est pas ça qui se profile, c’est la méthode Macron, on fait semblant de discuter et puis on applique après au rouleau compresseur", poursuit Jean-Luc Massias.

Améliorer l'insertion professionnelle et lutter contre l’absentéisme

Aujourd’hui, les lycées professionnels accueillent un lycéen sur trois. Un tiers des élèves de l'enseignement professionnel décroche avant leur diplôme et seul un bachelier professionnel sur deux parvient à s'insérer sur le marché du travail dans l'année qui suit l'obtention de son diplôme, rappelle l'Élysée.

"L’idée de départ est plutôt noble, mais c’est du trompe-l’œil. Oui, on reçoit beaucoup d’élèves en difficulté scolaire, mais peut-être faudrait-il donner davantage de dédoublement, davantage de dotations horaires pour avoir des conditions de travail plus satisfaisantes avec des groupes à effectif réduit. Les décrocheurs sont noyés dans un groupe, il faudrait un enseignement un peu plus individualisé" explique Jean-Luc Massias .

Autre mesure redoutée, le  "rapprochement entre entreprises et établissements " avec la promesse de plus de stages pendant les trois années de lycée.

"On sort déjà d’une réforme, celle de Monsieur Blanquer, qui a suscité beaucoup d’opposition des personnels et où l’on a eu une diminution très importante du temps consacré aux matières générales. Et là, on remet une couche avec une diminution du temps que l’on aura pour parler de littérature, de poésie, de l’enseignement de l’histoire, tout ce qui est nécessaire pour nous, pour la formation d’un citoyen. La formation professionnelle, ce n’est pas simplement des savoir-faire techniques, s'indigne Dominique Marchal, de la CGT Education.

Le catalogue de formations pour la rentrée 2023 déjà voté en Nouvelle-Aquitaine


Le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine pilote, avec le rectorat, le travail sur la carte des formations professionnelles. Si l’institution partage l’objectif de cette réforme, elle annonce rester vigilante.
"On va regarder les choses sur lesquelles il est important d’agir, au cas par cas, en fonction du territoire.  C’est vrai que ces formations tertiaires sont en surnombre aujourd’hui. Mais il faut cependant regarder cela avec précision territorialement. Nous serons attachés à ce que l’on puisse fermer des formations qui n’offriront pas suffisamment d’emploi sur le territoire, à la condition que l’on ouvre des formations porteuses d’emploi sur ces mêmes territoires" explique Jean-Louis Nembrini, vice-président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, en charge de l’Education.



Le catalogue de formations dans la région ne changera pas à la rentrée 2023. Et l’élu de rappeler le protocole.
"La carte est faite, on ne peut pas y toucher pour la prochaine rentrée. Il faudrait revoter.
Cela serait contre les procédures. Cela suppose souvent du matériel, des ajustements de plateaux techniques. Fermer une formation tertiaire, c’est bien. Ouvrir une formation industrielle en complément, c’est différent. Il ne faut pas les mêmes profs. Tout ceci se prévoit longtemps à l’avance. Aujourd’hui, nous finalisons la carte qui sera votée à l’automne, mais pour la rentrée 2024".

Le Conseil régional s'apprête à soumettre aux élus quelques ajustements sur la carte de formations décidée et validée il y a huit mois. "Nous allons par exemple ajouter des formations en cybersécurité. Cela a été présenté aux instances. C’est un petit complément pour la rentrée 2023, mais pas davantage."

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